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06/06/2024 | FRANCE | N°23TL02189

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juin 2024, 23TL02189


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence.



Par un jugement n° 2302645 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.>


Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 28 août 2023, M. B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2302645 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2023, M. B..., représenté par Me Misslin, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ou, à défaut, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi de délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dont elle se prévaut par la voie de l'exception ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il se prévaut par la voie de l'exception ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2024.

Par ordonnance du 6 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte de droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 22 mars 1988 et déclarant être entré en France en 2019, a été interpellé par les services de police le 5 mai 2023. Par un arrêté du même jour, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence dans ce département. M. B... fait appel du jugement n° 2302645 du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 mai 2023.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". Par une décision du 12 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer en ce qui les concerne.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français :

3. M. B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions du préfet des Pyrénées-Orientales portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier, respectivement aux points 3, 8 et 11 du jugement attaqué.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté du 5 mai 2023 ni des pièces du dossier que l'autorité préfectorale n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. B... avant de prendre la décision contestée.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. B... a exercé divers emplois depuis son entrée en France en 2019, avant de conclure un contrat à durée indéterminée en qualité de plongeur le 22 mars 2023. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition dressé par les services de la police aux frontières de Perpignan, qu'il a exercé ces emplois au moyen d'une fausse carte d'identité espagnole et qu'il circule sur le territoire français muni d'un titre de séjour subtilisé à son frère. En outre, il est célibataire, sans charge de famille et, nonobstant la production de deux actes de décès établis au Sénégal qui seraient ceux de ses parents, il n'est pas établi qu'il est dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet des Pyrénées-Orientales méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " (...) Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels (...) ".

8. M. B... n'établit ni même n'allègue avoir déposé une demande d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

10. M. B... fait valoir qu'il souffre d'importants problèmes de santé, notamment de douleurs abdominales depuis l'enfance. Toutefois, le compte-rendu du service des urgences du 6 mai 2023 et l'attestation d'arrêt de travail du 10 mai 2023 produits par le requérant ne permettent à eux-seuls d'établir, ni que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. En cinquième lieu, eu égard aux éléments de fait précédemment indiqués, en particulier aux points 6, 8 et 10, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi du délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

13. Pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. B..., le préfet des Pyrénées-Orientales s'est fondé sur les dispositions précitées du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des 1°, 7° et 8° de l'article L. 612-3 du même code. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un document d'identité. S'il verse aux débats son passeport sénégalais en cours de validité ainsi qu'une attestation rédigée par sa tante déclarant l'héberger à Paris, de sorte que le préfet ne pouvait se fonder sur le 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour le priver de délai de départ volontaire, il résulte de l'instruction que l'autorité préfectorale aurait pris la même décision en se fondant sur les 1° et 7° de cet article. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstance particulière, le préfet a pu légalement refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation de la situation du requérant ainsi soulevés doivent dès lors être écartés.

14. En second lieu, pour les motifs précédemment indiqués au point 6 du présent arrêt, la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués précédemment au point 11, cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois :

15. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités alléguées, M. B... ne peut se prévaloir de son illégalité à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

16. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

17. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'appelant ne justifie ni d'une présence ancienne en France, ni de liens d'une particulière intensité sur le territoire national. Dans ces conditions, nonobstant l'absence d'un comportement représentant une menace pour l'ordre public retenu à son encontre, et à défaut de circonstances humanitaires, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent en interdisant M. B... de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

18. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. Le requérant soutient qu'il encourt des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son appartenance au parti politique dénommé " Patriotes du Sénégal pour le Travail, l'Ethique et la Fraternité " et verse à l'appui de son moyen divers communiqués et des photographies de manifestations. Toutefois, à supposer même que l'appelant ait adhéré à ce parti lorsqu'il vivait au Sénégal, ces documents ne permettant pas, à eux seuls, d'établir la réalité et l'actualité des risques qu'il allègue encourir en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations précitées.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

20. Aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (... ) ". L'article L. 732-4 du même code, applicable au présent litige, dispose que : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois ". Aux termes de l'article L. 733-1 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (...) ". Enfin, l'article R. 733-1 du même code dispose que : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; (...) ".

21. En l'espèce, M. B... a été assigné à résidence dans le département des Pyrénées-Orientales et astreint à se présenter une fois par semaine auprès des services de la police aux frontières de Perpignan. Toutefois, il ressort des pièces du dossiers, et notamment du procès-verbal d'audition en date du 5 mai 2023, de l'attestation d'hébergement rédigée par sa tante et des bulletins de salaire produits, que l'intéressé réside dans le neuvième arrondissement de Paris. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet des Pyrénées-Orientales, en fixant le lieu de résidence de M. B... dans le département des Pyrénées-Orientales et en lui imposant de se présenter une fois par semaine aux services de la police aux frontières de Perpignan, et alors qu'il ne conteste pas qu'il existait des modalités de contrôle moins contraignantes pour le requérant, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

22. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

23. Le présent arrêt, en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation les décisions du 5 mai 2023 du préfet des Pyrénées-Orientales portant obligation de quitter le territoire, n'accordant pas de délai de départ, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français, n'appelle aucune mesure d'exécution. De même, dès lors que l'assignation à résidence expirait le 4 novembre 2023, l'annulation de cette décision d'assignation n'appelle, par elle-même, aucune mesure d'exécution à la date de la mise à disposition du public du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

24. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 2302645 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du préfet des Pyrénées-Orientales portant assignation à résidence.

Article 3 : La décision du 5 mai 2023 par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales a assigné M. B... à résidence est annulée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Fanny Misslin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Restino, première conseillère,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

Le président-rapporteur,

A. Barthez

L'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

V. Restino

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 23TL02189 2


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02189
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Alain Barthez
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : MISSLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-06;23tl02189 ?
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