Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Tahoe a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2013 au le 31 octobre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2004597 du 9 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2022, la société Tahoe, représentée par Me Maurel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2013 au le 31 octobre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la réévaluation libre de l'actif immobilier de la société Serguier-Malortigue, intervenue au titre de l'exercice clos en 2015, procède non pas d'une décision de gestion mais d'une erreur comptable, qui a été corrigée avant l'envoi de la proposition de rectification et aurait dû être prise en compte par le service ;
- à titre subsidiaire, il convient de tirer les conséquences de la prise de position de l'administration qui a considéré dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif que l'erreur comptable commise lors de la réévaluation libre de son actif immobilier devait être rectifiée en retenant une valeur réelle de 826 920 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Tahoe ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Tahoe, qui exerce une activité de holding, est la société mère et tête du groupe fiscalement intégré qu'elle forme avec ses deux filiales, les sociétés civiles immobilières Serguier-Malortigue et Kawai. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2015. La société Serguier-Malortigue a quant à elle fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2015. Par une lettre du 26 décembre 2017, la société Tahoe a été informée des conséquences financières des procédures de contrôle menées au sein du groupe et supportées par elle. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2015 ainsi que des pénalités de retard ont été mises en recouvrement le 31 janvier 2018. Sa réclamation ayant été rejetée par l'administration fiscale le 6 août 2020, la société en a demandé la décharge devant le tribunal administratif de Montpellier. La société Tahoe fait appel du jugement du 9 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 123-18 du code de commerce : " A leur date d'entrée dans le patrimoine de l'entreprise, les biens acquis à titre onéreux sont enregistrés à leur coût d'acquisition, les biens acquis à titre gratuit à leur valeur vénale et les biens produits à leur coût de production. / (...) S'il est procédé à une réévaluation de l'ensemble des immobilisations corporelles et financières, l'écart de réévaluation entre la valeur actuelle et la valeur nette comptable ne peut être utilisé à compenser les pertes ; il est inscrit distinctement au passif du bilan ". Il résulte des dispositions que, si une entreprise a la faculté de procéder à une réévaluation libre de ses actifs, elle est tenue de les inscrire à son bilan à leur valeur actuelle, telle qu'évaluée à la date à laquelle elle procède à cette opération. La valeur réelle est définie, selon le 4° de l'article L. 123-178 du code de commerce, comme : " (...) une valeur d'estimation qui s'apprécie en fonction du marché et de l'utilité du bien pour l'entreprise ".
3. Il résulte de l'instruction que la réévaluation libre des terrains figurant à l'actif de la société civile immobilière Serguier-Malortigue a été effectuée par cette dernière pour tenir compte d'un projet d'urbanisation de l'Île des loisirs de la commune d'Agde (Hérault) portant sur la construction d'un ensemble de trois-cent-douze logements touristiques, présenté dans le cadre du projet de plan local d'urbanisme approuvé le 30 juin 2015, et pour la réalisation duquel il était convenu d'un échange de parcelles entre la commune et la société Serguier-Malortigue. La société requérante fait valoir qu'eu égard au caractère incertain du projet, qui a finalement été abandonné en 2019 en raison de l'opposition des riverains, et à la circonstance qu'à la date de la réévaluation d'actif, les parcelles de la société Serguier-Malortigue n'avaient pas encore été classées en zone constructible, le principe de prudence s'opposait à ce que soit constatée une hausse de valeur future et éventuelle des terrains. Elle n'apporte toutefois aucun élément permettant d'apprécier la valeur réelle des terrains à la date à laquelle la société Serguier-Malortigue a procédé à leur réévaluation, susceptible de démontrer qu'une telle réévaluation traduirait une erreur comptable et qu'elle ne se rattacherait dès lors pas à une décision de gestion qui lui serait opposable. S'il est fait état d'une évaluation réalisée par France Domaine et estimant la valeur de vente des terrains à 826 920 euros, celle-ci ne résulte pas de l'instruction.
4. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la déclaration rectificative de la société Serguier-Malortigue a été déposée le jour même d'un entretien dans le cadre de la vérification de comptabilité diligentée auprès de la société Tahoe, à l'occasion duquel le vérificateur a informé oralement le gérant et le comptable de la société Tahoe, qui sont les mêmes que ceux de la société Serguier-Malortigue, des conséquences fiscales de la réévaluation d'actif opérée par cette dernière et en particulier de la non prise en compte de la plus-value résultant d'une telle réévaluation dans la détermination du bénéfice sur lequel imputer son déficit antérieur. Il apparaît, dans ces conditions, qu'à supposer que la réévaluation libre de l'actif immobilier effectuée le 10 mars 2016 par la société Serguier-Malortigue ait résulté d'une erreur comptable, celle-ci était délibérée. C'est donc à bon droit que l'administration a opposé cette réévaluation à la société requérante et a refusé de la regarder comme une erreur comptable commise de bonne foi ouvrant droit à correction.
5. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la nouvelle valeur de l'actif immobilier fixée par la société à hauteur de 2 578 500 euros, qui résulte d'une écriture comptable délibérée, lui est opposable. Par ailleurs, la décision de procéder à une réévaluation libre d'actif relevant d'une décision de gestion, elle ne peut reprocher à l'administration, faute de demande de sa part en ce sens, de n'avoir pas procédé d'office à une réévaluation de son actif pour une valeur de 826 920 euros. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction, contrairement à ce qui est allégué, que France Domaine aurait ainsi estimé la valeur réelle des parcelles à la date de la réévaluation libre d'actif litigieuse. Enfin, contrairement à ce que soutient la société, il ne résulte pas du mémoire en défense de l'administration produit devant le tribunal administratif que son auteur aurait admis que la valeur réelle de l'actif immobilier litigieux devait être fixée à 826 920 euros. La société requérante n'est donc pas fondée à demander, à titre subsidiaire, la substitution d'une valeur de 826 920 euros à celle initialement déclarée par elle.
6. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Tahoe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Tahoe est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Tahoe et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21541