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06/06/2024 | FRANCE | N°22TL21521

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juin 2024, 22TL21521


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2003883 du 9 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.



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Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, M. B... et Mme A..., représentés par Me de Kervanoaël, demanden...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2003883 du 9 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, M. B... et Mme A..., représentés par Me de Kervanoaël, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le paragraphe 190 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-30-10 publiée le 3 juin 2015 ajoute des conditions à la loi et ne peut légalement leur être opposé ;

- la société Music Business ne pouvant être qualifiée de holding animatrice et n'ayant pas acquis les titres de ses filiales, elle ne rentre pas dans les prévisions du 8e alinéa du 1° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts et de la doctrine susvisée ;

- la position de l'administration est contraire à l'esprit du dispositif et conduit à créer une rupture d'égalité devant l'impôt pénalisant les créateurs d'entreprise ayant restructuré leur groupe en vue d'en favoriser la gestion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... et Mme A... ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 5 décembre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 juillet 2016, M. B... a cédé onze parts sociales de la société à responsabilité limitée Music Business et déclaré à cette occasion une plus-value de 65 962 euros sur laquelle il a appliqué l'abattement renforcé de 85 % prévu au 3° du A du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a, par proposition de rectification du 26 avril 2019, réévalué le montant de la plus-value brute et remis en cause l'abattement renforcé en lui substituant celui de 65 % prévu au 1 ter du même article. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondants ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2019. La réclamation préalable de M. B... ayant été rejetée par l'administration fiscale le 1er juillet 2020, lui et sa compagne ont demandé au tribunal administratif de Montpellier la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016. Par un jugement du 9 mai 2022, dont les requérants demandent l'annulation à la cour, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 150-0 D du même code, dans sa version applicable au litige : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci (...). / Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, (...) sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. / (...) 1 ter. L'abattement mentionné au 1 est égal à : (...) / b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution. (...) / 1 quater. A.- Par dérogation au 1 ter, lorsque les conditions prévues au B sont remplies, les gains nets sont réduits d'un abattement égal à : / (...) 3° 85 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession. / B.- L'abattement mentionné au A s'applique : / 1° Lorsque la société émettrice des droits cédés respecte l'ensemble des conditions suivantes : / a) Elle est créée depuis moins de dix ans et n'est pas issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes. Cette condition s'apprécie à la date de souscription ou d'acquisition des droits cédés ; / (...) Lorsque la société émettrice des droits cédés est une société holding animatrice, au sens du troisième alinéa du V de l'article 885-0 V bis, le respect des conditions mentionnées au présent 1° s'apprécie au niveau de la société émettrice et de chacune des sociétés dans laquelle elle détient des participations. (...) ". Aux termes de l'article 885-0 V bis du même code, alors applicables auquel il est ainsi renvoyé : " (...) une société holding animatrice s'entend d'une société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées que le bénéfice des dispositions du A du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts est subordonné, notamment, à la condition que la société, dont les titres ou droits sont cédés, a été créée depuis moins de dix ans à la date de leur souscription ou de leur acquisition. Lorsque la société émettrice des titres ou droits cédés est une société holding animatrice, au sens du troisième alinéa du V de l'article 885-0 V bis, cité ci-dessus, le respect de cette condition doit être apprécié non seulement à son niveau, mais également à celui de chacune des sociétés dans laquelle elle détient des participations. Afin d'effectuer cette appréciation, il a lieu de se placer à la date d'acquisition des titres ou droits de la holding quand celle-ci détient, à cette date, des participations dans la société considérée, ou à la date à laquelle la holding acquiert les titres de la société considérée quand cette acquisition intervient postérieurement à l'acquisition des titres ou droits de la holding. Il en va ainsi notamment lorsque les titres de la société holding ont été remis en rémunération d'un apport de titres d'une autre société.

4. Il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause l'abattement renforcé de 85 % appliqué sur la plus-value résultant de la cession par M. B... des titres de la société Music Business, l'administration fiscale a considéré que cette dernière devait être qualifiée de société holding animatrice pour l'application du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, et que la société Studio Guitar, dans laquelle elle détient des participations, ne remplissait pas, à la date d'acquisition des titres cédés par M. B..., la condition d'âge prévue au a) du 1° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts.

5. En premier lieu, M. B... et Mme A... contestent la qualification de société holding animatrice retenue par l'administration et font notamment valoir que l'activité principale de la société Music Business demeure, aux côtés de son activité de holding, la vente d'instruments de musique. D'une part, il résulte de l'instruction que si l'activité principale de la société Music Business déclarée au système d'identification du répertoire des entreprises est " autres commerces de détail spécialisés divers ", son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Nanterre indique l'activité " négoce d'instruments de musique, holding, gestion de portefeuilles de valeurs mobilières, création, édition et vente de logiciels informatiques ". La société est également présentée, dans l'acte de cession signé le 28 juillet 2016, comme ayant pour objet principal l'activité de holding. Selon les affirmations des requérants, la société Music Business facture à ses filiales des prestations de services comptables et généraux. M. B..., qui en est le co-gérant, a par ailleurs indiqué aux termes de sa réclamation préalable adressée à l'administration fiscale qu'à l'issue de l'apport réalisé en 2001, la société Music Business est devenue la société holding animatrice du groupe éponyme, Music Business exerçant le contrôle de ses filiales, fixant leurs objectifs opérationnels et exerçant une activité de centrale d'achats pour le groupe. Une telle description est confortée par la circonstance que l'année précédant la cession des parts sociales, les ventes ne représentaient qu'une faible part du chiffre d'affaires de la société, lequel provenait majoritairement des prestations de services. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la circonstance que la société Music Business ait acquis les titres de ses filiales par le biais d'un apport de leurs actionnaires n'est pas susceptible de faire obstacle à l'application des dispositions du 8e alinéa du 1° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la société Music Business devait être qualifiée de société holding animatrice et a apprécié le respect des conditions permettant de bénéficier de l'abattement renforcé tant à son niveau qu'à celui des sociétés dans lesquelles elle détient des participations.

6. En second lieu, il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale, qui a fait une correcte application des dispositions claires de l'article 150-0 D du code général des impôts précitées, n'a pas fondé les impositions litigieuses sur une doctrine administrative ajoutant à la loi. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement soutenir que les rectifications litigieuses méconnaîtraient l'esprit du législateur, dont l'objectif est au demeurant de favoriser l'investissement dans les petites et moyennes entreprises et les jeunes entreprises innovantes.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

A. BarthezLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21521


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21521
Date de la décision : 06/06/2024

Analyses

19-04-02-08-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Plus-values des particuliers. - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : Cabinet Z

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-06;22tl21521 ?
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