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04/06/2024 | FRANCE | N°22TL21165

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 04 juin 2024, 22TL21165


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier :



- sous le n° 2003296, d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le maire de Perpignan l'a placé en congé de longue maladie pour une période de neuf mois à compter du 6 septembre 2019 et de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 2003298, d'annul

er l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le maire de Perpignan a rejeté sa demande tendant à la recon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- sous le n° 2003296, d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le maire de Perpignan l'a placé en congé de longue maladie pour une période de neuf mois à compter du 6 septembre 2019 et de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 2003298, d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le maire de Perpignan a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 6 septembre 2019 et de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 2000450, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Perpignan a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et d'enjoindre à la commune de Perpignan de lui accorder la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours et de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2003296, 2003298, 2000450 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés du 20 janvier 2020 et du 13 mars 2020 du maire de Perpignan, mis les frais d'expertise à la charge définitive de la commune de Perpignan, rejeté la requête n° 2000450 et le surplus des conclusions des requêtes n° 2003296 et n°2003298 ainsi que les conclusions de la commune de Perpignan présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2022, M. A... B..., représenté par Me Cacciapaglia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2000450 d'annulation de la décision implicite née le 25 novembre 2019 du maire de Perpignan refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

2°) d'annuler la décision implicite du 25 novembre 2019 par laquelle le maire de Perpignan a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au maire de Perpignan de lui délivrer la protection fonctionnelle dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ayant considéré que les éléments factuels qu'il avait mis en avant étaient insuffisants pour caractériser un harcèlement moral et est ainsi irrégulier ;

- la décision implicite du maire de Perpignan est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- elle méconnaît les dispositions du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2022, la commune de Perpignan, représentée par la SARL Sanguinède Di Frenna et associés agissant par Me Di Frenna, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance était irrecevable faute d'une demande de protection fonctionnelle régulière à laquelle un refus aurait été opposé ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 juin 2023 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Aubert substituant Me Cacciapaglia représentant M B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., technicien territorial principal, recruté par la commune de Perpignan en qualité de concepteur paysagiste, relève appel du jugement du 15 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2000450 d'annulation de la décision implicite née le 25 novembre 2019 du maire de Perpignan refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Montpellier aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il n'apportait pas suffisamment d'éléments pour caractériser un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie et qu'il aurait ainsi entaché son jugement d'irrégularité dès lors qu'un tel moyen se rattache à la contestation du bien-fondé du jugement et n'est pas susceptible d'affecter sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ". En l'absence de communication des motifs dans le délai d'un mois, la décision implicite se trouve entachée d'illégalité.

4. M. B... a sollicité, le 23 janvier 2020, par courrier de son conseil, la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre réceptionnée lundi 24 février 2020, la commune a communiqué, dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées, les motifs de la décision implicite de rejet. M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que cette décision serait illégale au motif de son absence de motivation.

5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable à l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (... )".

6. Si la protection fonctionnelle résultant d'un principe général du droit n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. D'autre part, il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration, dont il relève, à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se déterminant au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

7. A l'appui de sa demande d'annulation de la décision refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée à raison du harcèlement moral dont il soutient avoir été victime, M. B... invoque d'abord les blocages qu'il aurait subis dans la progression de sa carrière, puis la dégradation de ses conditions de travail, la multiplication de vexations et notamment de reproches quant à ses horaires de prise de poste et un manque de considération à son égard voire du dénigrement, mais aussi l'absence de missions confiées et la réalisation de tâches de travail en inadéquation avec ses qualités professionnelles, l'engagement de procédures disciplinaires infondées, enfin une discrimination syndicale accompagnée de menaces.

8. Les refus systématiques de progression de carrière ne sont toutefois pas justifiés par le seul rejet de la candidature de M. B... au poste de responsable de la division Etudes et développement, dont il a été informé par lettre du 4 juin 2012 après étude de l'ensemble des profils des candidats par un comité de sélection auquel participait le directeur général des services techniques et le directeur de l'environnement et de la propreté urbaine. La réalisation de tâches de travail en inadéquation avec ses qualités professionnelles ou l'absence d'exploitation de ses compétences voire l'absence de missions confiées, ne sont pas assorties de précisions ou éléments de nature à les justifier, l'intéressé dénonçant au contraire au mois de septembre 2013 l'important volume de ses tâches et de ses missions. S'il ressort effectivement des pièces du dossier qu'une procédure disciplinaire a été envisagée au mois de septembre 2013, finalement abandonnée au mois de janvier 2014 compte tenu des éléments apportés par l'intéressé, l'autorité territoriale lui demandant d'adopter à l'avenir une conduite irréprochable et exemplaire dans l'exercice de ses fonctions, il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres procédures aient été engagées et finalement abandonnées, de nature à faire regarder celle envisagée au mois de septembre 2013 comme abusive. Des remarques quant à la ponctualité de M. B... avaient déjà fait l'objet d'appréciation critiques de la part de sa précédente supérieure hiérarchique et l'invocation par le responsable de la division des difficultés personnelles de M B... dont il indique avoir déjà tenu assez compte en réponse à un courriel transféré par le directeur des services techniques, ne peut être regardée comme un comportement déplacé ou vexatoire à son encontre. Toutefois, si l'existence des propos déplacés du chef de division adjoint rapportés par M B... dans différents courriels qu'il produit et le management de son supérieur hiérarchique direct ne sont pas contestés en défense, il ressort des pièces du dossier, que, eu égard au comportement professionnel et à la manière de servir de M. B..., qui avaient déjà fait l'objet d'appréciations critiques de sa précédente supérieure hiérarchique, avec laquelle des tensions de même nature existaient d'ailleurs déjà, les autres agissements qu'il invoque à son encontre ne peuvent être regardés comme du dénigrement, une volonté de lui nuire ou comme ayant excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, il ne ressort ni des courriels des 16 février 2016 et 19 août 2019 par lesquels M B... invoque un manque de considération et des difficultés professionnelles, ni de l'entretien professionnel de l'année 2018, que l'intéressé ait fait l'objet d'une discrimination en raison de son engagement syndical. Enfin, les certificats médicaux produits par M B..., l'évocation à plusieurs reprises de son mal être professionnel et ses répercussions sur sa vie privée en demandant un management plus respectueux et le signalement du 3 septembre 2019 porté sur le registre hygiène et sécurité, s'ils attestent de la réalité d'un stress et d'une souffrance au travail, ne permettent pas d'établir qu'ils découleraient d'un harcèlement moral à son encontre.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande n° 2000450. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Perpignan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune de Perpignan en application des mêmes dispositions

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Perpignan tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Perpignan.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 22TL21165


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21165
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Céline Arquié
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS SANGUINEDE - DI FRENNA & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-04;22tl21165 ?
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