Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... D... épouse R..., Mmes et M. Q..., Laurie, Arnaud et Maryse E..., M. et Mme G... et F... P..., M. et Mme B... et A... N..., Mme I... O..., M. L... M... et M. et Mme C... et J... K... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le maire de Marvejols a accordé un permis de construire à la société par actions simplifiée Chausson Immo pour le réaménagement d'un négoce en matériaux et le déplacement d'une centrale à béton et, d'autre part, l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel la même autorité a délivré un permis modificatif pour le même projet.
Par un jugement n° 1900660 rendu le 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir donné acte des désistements de MM. et Mmes P... et K..., a rejeté la demande de Mme D... et des autres requérants, ainsi que les conclusions présentées tant par la commune de Marvejols que par la société Chausson Immo au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mars 2022 sous le n° 22MA00820 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL20845 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis des mémoires enregistrés les 10 mars, 28 avril et 29 décembre 2023, Mme H... D... épouse R..., Mmes et M. Q..., Laurie, Arnaud et Maryse E..., Mme I... O... et M. L... M..., représentés par Me Belet-Cessac, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2021 ;
2°) d'annuler les arrêtés du maire de Marvejols des 29 mars 2018 et 13 mars 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel le maire de Marvejols a délivré un nouveau permis modificatif à la société Chausson Immo ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Marvejols et de la société Chausson Immo le versement d'une somme de 1 500 euros à chacun d'entre eux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur la recevabilité de leur demande :
- ils ont justifié de leur qualité de propriétaires de parcelles voisines et ont un intérêt suffisant pour contester les permis de construire en litige ;
- leur demande de première instance n'était pas tardive en l'absence d'un affichage régulier du permis sur le terrain d'assiette de l'opération ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges n'ont pas analysé d'une manière exhaustive leur moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire ;
- ils n'ont pas répondu à leurs moyens tirés, d'une part, de l'absence de justification de la construction de la centrale à béton et, d'autre part, du non-respect des articles Ux 1 et Ux 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Marvejols ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- la société pétitionnaire n'a pas joint une étude d'impact ou, au moins, une étude environnementale à son dossier de demande de permis de construire ;
- ladite société n'a pas déposé une nouvelle déclaration initiale au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;
- les permis de construire méconnaissent l'article L. 752-1 du code de commerce en l'absence d'une autorisation au titre de l'urbanisme commercial ;
- le projet ne respecte pas l'article Ux 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Marvejols s'agissant des places de stationnement ;
- il n'est pas conforme à l'article Ux 10 du même règlement s'agissant des règles relatives à la hauteur maximale des constructions ;
- il méconnaît le préambule du règlement de la zone Ux relatif à la vocation de ladite zone, lequel y interdit les activités industrielles polluantes ;
- le permis méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu des atteintes portées par le projet à la salubrité et à la sécurité publiques ;
Sur le permis modificatif du 30 octobre 2023 :
- les modifications apportées au projet ne pouvaient pas être autorisées par un simple permis de construire modificatif mais devaient faire l'objet d'un nouveau permis ;
- l'intervention du permis modificatif du 30 octobre 2023 ne rend pas inopérants les moyens soulevés contre le permis initial et le permis modificatif du 13 mars 2020 ;
- le permis modificatif du 30 octobre 2023 ne régularise pas les illégalités entachant le permis initial s'agissant de l'absence d'évaluation environnementale, de l'absence de déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, de la méconnaissance de l'article L. 752-1 du code de commerce et de celle de l'article Ux 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Marvejols ;
- le permis modificatif est illégal en raison de l'insuffisance de l'avis de l'architecte des bâtiments de France, lequel n'a pas été émis au regard du bon dossier ;
- le dossier de demande de permis modificatif comporte des incohérences de nature à tromper le service instructeur sur la régularité du projet ;
- le permis en cause méconnaît la loi sur l'eau en l'absence de déclaration à ce titre et en raison de l'insuffisance du dossier de demande sur ce point ;
- il méconnaît l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme en ce que la notice descriptive ne comporte pas les informations prévues par cet article.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 janvier, 12 avril, 16 mai, 9 octobre et 14 novembre 2023 et le 29 janvier 2024, la société par actions simplifiée Chausson Immo, représentée par Me Schlegel, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des requérants une somme globale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, d'une part, les requérants ne justifient pas d'une qualité et d'un intérêt suffisant pour agir et, d'autre part, leur demande de première instance était tardive.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 janvier 2023 et le 31 janvier 2024, la commune de Marvejols, représentée par la SCP S. Joseph-Barloy et F. Barloy, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la demande de première instance était tardive ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'environnement ;
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Cessac, représentant les appelants,
- les observations de Me Schlegel, représentant la société intimée.
Considérant ce qui suit :
1. La société Chausson Immo a sollicité, le 18 décembre 2017, un permis de construire portant sur " le réaménagement d'un négoce en matériaux et le déplacement d'une centrale à béton prêt à l'emploi ", sur une unité foncière constituée par les parcelles cadastrées section C nos 2432, 2689 et 216P, d'une superficie totale de 23 147,5 m2, sises avenue Pierre Sémard, sur le territoire de la commune de Marvejols (Lozère). Par un arrêté du 29 mars 2018, le maire de ladite commune lui a accordé ce permis de construire. Mme D... et douze autres personnes, propriétaires de parcelles situées à proximité du terrain d'assiette du projet, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le permis de construire du 29 mars 2018, ainsi que l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le maire de Marvejols a délivré un permis de construire modificatif à la société Chausson Immo au titre de ce même projet. Par un jugement rendu le 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a donné acte du désistement de quatre requérants et rejeté la demande. Par la présente requête, Mme D..., Mmes et M. E..., Mme O... et M. M... interjettent appel de ce jugement. Ils demandent également à la cour, dans le dernier état de leurs écritures, l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel le maire de Marvejols a accordé un nouveau permis modificatif à la société Chausson Immo à la suite d'une demande déposée par cette dernière en ce sens le 11 juillet 2023.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement doit notamment comporter l'analyse des mémoires des parties. En l'espèce, il ressort des termes du jugement litigieux qu'il vise bien le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire en mentionnant l'ensemble des pièces de ce dossier sur lesquelles portaient les critiques des demandeurs, s'agissant tant du permis initial que du permis modificatif du 13 mars 2020. Les premiers juges ont en outre répondu à l'ensemble de ces critiques aux points 5, 7 et 36 de leur décision et ont notamment relevé au point 5 que le service instructeur et l'architecte des bâtiments de France avaient été mis à même d'apprécier l'insertion paysagère du projet. Par suite, le moyen soulevé par les appelants sur ce point ne peut qu'être écarté.
3. Il ressort par ailleurs des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a répondu, aux points 2, 3 et 13, au moyen tiré de ce que le déplacement de la centrale à béton ne pouvait pas se réaliser sans faire l'objet d'un permis de construire et d'une déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Les premiers juges ont également répondu, aux points 26 et 27, au moyen tenant à ce que le déplacement de l'installation classée méconnaîtrait les prescriptions des articles Ux 1 et Ux 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Marvejols. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est pas entaché des omissions invoquées par les requérants sur ces différents points.
Sur la légalité du permis de construire modificatif du 30 octobre 2023 :
4. En premier lieu, l'autorité administrative compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé par le permis initial et le permis modificatif du 13 mars 2020 prévoyait, d'une part, le réaménagement d'un site de négoce de matériaux, incluant notamment l'édification d'un nouveau bâtiment d'accueil et d'un nouveau hangar de stockage en extension de la construction existante, et, d'autre part, le transfert, sur le site en cause, d'une installation de production de béton prêt à l'emploi actuellement implantée sur une parcelle voisine. Il ressort par ailleurs de la demande de permis modificatif déposée le 11 juillet 2023 qu'elle a eu pour objet de renoncer au projet initial de transfert de la centrale à béton sur le site, de mettre en place de nouveaux espaces verts et de modifier les aménagements relatifs à la voirie. Les évolutions ainsi envisagées ne peuvent être regardées comme apportant au projet de la société Chausson Immo, tel qu'il avait été précédemment autorisé par le permis initial et le premier permis modificatif, un bouleversement tel qu'elles en changeraient la nature même. Les modifications en cause ne nécessitaient donc pas un nouveau permis et le maire de Marvejols a dès lors pu valablement les autoriser par un simple permis modificatif.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées, ou son avis pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine. ".
7. Il est constant que le terrain d'assiette du projet est situé dans le périmètre de protection du château de Saint-Lambert inscrit à l'inventaire des monuments historiques et que l'octroi du permis de construire était ainsi subordonné à l'accord préalable de l'architecte des bâtiments de France. Les intimées ont versé au dossier l'avis favorable assorti de prescriptions rendu par ledit architecte le 11 août 2023, visé par l'arrêté du 30 octobre 2023. Si les appelants relèvent que l'avis en cause mentionne le numéro d'enregistrement d'une demande de permis modificatif antérieure, présentée par la société pétitionnaire le 2 mai 2023 et retirée par celle-ci le 4 juillet suivant, ils ne précisent toutefois pas quelles modifications du projet survenues entre les deux demandes de permis modificatif auraient nécessité de saisir à nouveau l'architecte des bâtiments de France. Il ressort au demeurant de la comparaison de ces deux demandes que le projet n'a subi aucun changement notable s'agissant de l'aspect extérieur des bâtiments et que les matériaux des clôtures et du portail ont été modifiés pour se conformer précisément aux préconisations de l'architecte des bâtiments de France. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'architecte des bâtiments de France ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par le code de l'urbanisme ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
9. D'une part, la notice jointe à la demande de permis de construire modificatif du 11 juillet 2023 rappelle la nature des activités commerciales pratiquées par la société intimée, précise les parties du projet affectées à cet usage et comporte en annexe une attestation établie par le directeur administratif et financier de ladite société indiquant la part de chiffre d'affaires réalisée avec une clientèle de particuliers. L'administration a ainsi été mise à même d'apprécier la situation du projet au regard de la législation relative à l'urbanisme commercial. D'autre part, la notice et les plans mentionnent le nombre de places de stationnement prévues par le projet modifié et ont donc permis au service instructeur de s'assurer de sa conformité avec les règles prescrites par le règlement du plan local d'urbanisme en la matière, lesquelles sont sans lien avec la capacité d'accueil maximale déclarée au titre de la législation relative aux établissements recevant du public. Enfin, les pièces composant le dossier de demande de permis modificatif indiquent de manière explicite que la société intimée ne prévoit plus le transfert de la centrale à béton sur le site, de sorte que le service instructeur a pu analyser en connaissance de cause la situation du projet modifié au regard de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Par conséquent, le dossier de demande de permis modificatif ne présentait aucune incohérence de nature à fausser l'appréciation de l'administration.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur des travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4 ou sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, sur un immeuble situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, la notice mentionnée à l'article R. 431-8 indique en outre les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux. ".
11. La notice annexée à la demande de permis de construire modificatif contient des informations détaillées sur les matériaux utilisés, tant en ce qui concerne les façades, toitures et menuiseries des bâtiments qu'en ce qui concerne les clôtures et le portail. S'il est vrai que la même notice ne comporte pas d'indication précise sur les modalités d'exécution des travaux et à supposer même qu'il existe une covisibilité entre le projet et le monument historique évoqué au point 7 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de l'opération se situe à plusieurs centaines de mètres de ce monument. Par suite, l'insuffisance de la notice sur ce point n'a pas été susceptible de fausser l'appréciation portée tant par le service instructeur que par l'architecte des bâtiments de France sur la conformité du projet à la règlementation.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 214-2 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu de l'existence des zones et périmètres institués pour la protection de l'eau et des milieux aquatiques. / (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société intimée prévoit la mise en place d'un système de gestion des eaux pluviales comportant notamment un bassin de rétention, lequel est précisément décrit dans la notice annexée à la demande de permis et a pour effet de soumettre l'opération à un régime de déclaration au titre de la législation sur l'eau. La société pétitionnaire a d'ailleurs établi avoir procédé aux déclarations nécessaires auprès des services préfectoraux compétents parallèlement à l'obtention du permis de construire initial et du premier permis de construire modificatif. Si les appelants soutiennent que la société intimée n'aurait pas déclaré à ces mêmes services les modifications apportées au projet par le nouveau permis modificatif délivré le 30 octobre 2023, une telle circonstance, à la supposer même avérée, serait sans incidence sur la légalité du permis modificatif en cause, dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose à un pétitionnaire de justifier du dépôt d'une déclaration relevant de la législation sur l'eau à l'appui d'une demande de permis de construire.
Sur la légalité du projet tel que modifié par l'arrêté du 30 octobre 2023 :
14. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à son octroi, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière des formalités initialement omises. Les irrégularités ainsi régularisées à la suite de la modification de son projet par le pétitionnaire et en l'absence de toute intervention du juge ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui du recours dirigé contre le permis initial.
15. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité environnementale de ne pas le soumettre à évaluation environnementale ; / (...) ".
16. D'une part, le permis de construire modificatif accordé le 30 octobre 2023 a pris acte du renoncement de la société Chausson Immo à son projet initial de déplacement, sur le terrain d'assiette du projet, de la centrale à béton, laquelle relevait du régime de la déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, mais ne nécessitait, en toute hypothèse, ni la réalisation d'une étude d'impact, ni un examen au cas par cas. D'autre part, si le projet en litige est soumis à déclaration au titre de la législation sur l'eau ainsi qu'il a été dit au point 13 ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que le bassin de rétention des eaux pluviales envisagé par la société présente une capacité de stockage et une surface inférieures aux seuils prévus à la rubrique 21 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, si bien qu'il n'imposait pas non plus une étude d'impact ou un examen au cas par cas. En outre et en tout état de cause, le projet n'excède pas davantage les seuils fixés par la rubrique 39 du même tableau en termes de surface de plancher ou d'emprise au sol. Enfin, les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article R. 181-14 du code de l'environnement pour soutenir que le projet aurait dû donner lieu à une étude d'incidences dès lors que ces dispositions ne sont applicables qu'à des autorisations environnementales et que l'opération en cause ne relève pas de ce régime. En conséquence, le moyen tiré de l'absence de réalisation d'une étude d'impact ou d'une étude environnementale ne peut qu'être écarté.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur une installation classée soumise à enregistrement ou déclaration en application des articles L. 512-7 et L. 512-8 du code de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'enregistrement ou de la déclaration. ". Et selon l'article R. 512-47 du code de l'environnement : " La déclaration relative à une installation est adressée, avant la mise en service de l'installation, au préfet du département dans lequel celle-ci doit être implantée. ".
18. Dès lors que le projet litigieux, tel que modifié par l'arrêté du 30 octobre 2023, ne porte plus sur une installation classée pour la protection de l'environnement et alors que la société pétitionnaire avait au demeurant justifié du dépôt des déclarations requises à ce titre à l'appui de ses demandes de permis initial et de premier permis modificatif, les appelants ne peuvent plus utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées. Il ne résulte par ailleurs ni de ces dispositions, ni d'aucun autre texte, que la société pétitionnaire aurait dû procéder à une déclaration spécifique auprès des services préfectoraux compétents avant de pouvoir retirer la centrale à béton du périmètre de son autorisation d'urbanisme initiale.
19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ". Selon l'article L. 752-1 du code de commerce auquel il est ainsi renvoyé : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. / (...) / 7° La création ou l'extension d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile. / Par dérogation au 7°, n'est pas soumise à autorisation d'exploitation commerciale la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, intégré à un magasin de détail ouvert au public à la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, et n'emportant pas la création d'une surface de plancher de plus de 20 mètres carrés. / (...). ". En outre, aux termes de l'article L. 752-3 du même code : " (...) / III. - Au sens du présent code, constituent des points permanents de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisés pour l'accès en automobile, les installations, aménagements ou équipements conçus pour le retrait par la clientèle de marchandises commandées par voie télématique, ainsi que les pistes de ravitaillement attenantes. ".
20. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le magasin de négoce de matériaux sur lequel porte le permis en litige pratique pour l'essentiel une activité de commerce en gros destinée à une clientèle de professionnels et qu'il n'exerce qu'à raison d'environ 21 % de son chiffre d'affaires une activité de commerce de détail pour une clientèle de particuliers. Il ressort en outre de la notice de sécurité, jointe à la demande de permis de construire au titre de la législation sur les établissements recevant du public, que la surface du magasin accessible au public, laquelle est la seule à prendre en compte pour déterminer la surface de vente au sens des 1° et 2° précités de l'article L. 752-1 du code de commerce, sera de seulement 206,18 m2. Dès lors, l'opération de construction litigieuse ne peut être regardée ni comme portant création d'un magasin de commerce de détail présentant une surface de vente de plus de 1 000 m2, ni comme portant extension de la surface de vente d'un tel magasin ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser. Dans ces conditions, le projet de la société Chausson Immo n'était pas soumis à l'exigence d'une autorisation d'exploitation commerciale au titre des 1° ou 2° précités.
21. D'autre part, il ressort du plan de masse du projet modifié que la société intimée a prévu l'aménagement de huit places de stationnement pour véhicules légers, portant la mention " parking clients/chargement/déchargement ", le long de la façade sud du hangar de stockage. Si les appelants relèvent que l'une de ces places était matérialisée avec l'indication " drive " sur le plan de masse du projet initial et alors au demeurant que cette indication n'apparaît plus sur les plans de masse du projet modifié, il ne ressort d'aucune pièce du dossier de demande que la société pétitionnaire aurait envisagé de créer ou d'étendre, au sein de ce magasin ouvert depuis l'année 1995, un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, au sens des dispositions précitées du 7° de l'article L. 752-1 du code de commerce. La simple représentation de places de stationnement permettant le chargement ou le déchargement des marchandises ne suffit notamment pas pour retenir que le projet comporterait un tel point de retrait, alors en outre qu'il n'a été prévu aucune piste de ravitaillement réservée à cet usage. Par suite, l'opération n'était pas non plus soumise à l'exigence d'une autorisation d'exploitation commerciale au titre du 7° susmentionné.
22. En quatrième lieu, selon le préambule du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Marvejols applicable à la zone Ux dans laquelle se situe le terrain d'assiette de l'opération, ladite zone Ux constitue une " Zone urbaine destinée aux activités industrielles, artisanales, commerciales et de services non polluantes ". Selon l'article Ux 1 de ce même règlement, figurent au nombre des occupations et utilisations du sol interdites : " Les nouvelles installations classées soumises à autorisation (hormis en secteur Ux 1 et Ux 2) ".
23. Dès lors que le projet contesté, tel que modifié par l'arrêté du 30 octobre 2023, ne prévoit plus le transfert de la centrale à béton sur l'unité foncière concernée, les appelants ne peuvent plus utilement soutenir que l'autorisation d'urbanisme méconnaîtrait les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Marvejols en tant qu'elle permettrait l'implantation d'une activité industrielle polluante au sein de la zone Ux.
24. En cinquième lieu, selon l'article Ux 10 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la hauteur des constructions : " La hauteur au faîtage de la construction ne doit pas excéder 12,00 mètres par rapport au terrain naturel, sauf impératifs techniques justifiés. ".
25. Dès lors que le projet modifié ne comporte plus les silos de la centrale à béton dont les sommets atteignaient plus de 15 mètres de hauteur et alors que tous les autres bâtiments projetés présentent des hauteurs inférieures à 8 mètres, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article Ux 10 précité du règlement du plan local d'urbanisme ne peut qu'être écarté.
26. En sixième lieu, selon l'article Ux 12 du règlement du plan local d'urbanisme relatif aux obligations à respecter en matière de stationnement des véhicules : " 12.1 - Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions ou installations nouvelles doit être assuré en dehors des voies publiques. / Il sera notamment exigé : / - une place pour 33 m2 de surface hors œuvre nette pour les bureaux ; / - une place pour 33 m2 de surface hors œuvre nette pour les commerces ; / - une place pour 50 m2 de surface hors œuvre nette pour les activités. / 12.2 - La règle applicable aux constructions ou établissements non prévus ci-dessus est celle à laquelle ces établissements sont le plus directement assimilables. ".
27. Il ressort du tableau des surfaces de plancher contenu dans la demande de permis modificatif du 11 juillet 2023 que l'unité foncière comportera, après la réalisation du projet, 84,50 m2 de surfaces à usage de bureaux, 193,6 m2 de surfaces à destination de commerce et 1 111,15 m2 de surfaces à usage d'entrepôt. En prenant en compte l'ensemble de ces surfaces, les besoins de stationnement résultant des ratios prévus par l'article Ux 12 précité s'élèveraient à 2 places au titre des bureaux, 5 places au titre du commerce et 22 places au titre de l'entrepôt, lequel doit être rattaché à la rubrique des " activités " et non à celle des " commerces " puisqu'il n'est pas accessible au public, soit un besoin total théorique de 29 places. Dès lors que le plan de masse du projet modifié comporte 34 places de stationnement et alors qu'il résulte des termes mêmes de l'article Ux 12 que ses exigences n'ont vocation à s'appliquer qu'aux seules surfaces nouvelles, lesdites exigences sont nécessairement satisfaites. Par conséquent, le moyen tiré du non-respect de l'article Ux 12 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.
28. En septième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité administrative et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire ou l'édiction de prescriptions spéciales, de tenir compte de la probabilité de réalisation de ces risques ainsi que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
29. D'une part, le projet tel que modifié par l'arrêté du 30 octobre 2023 ne prévoyant plus l'implantation de la centrale à béton, les appelants ne peuvent plus utilement invoquer les nuisances liées à l'exploitation d'une telle installation en termes de bruit ou de pollution. D'autre part, si les requérants se prévalent également des risques liés à la circulation des camions sur les voies publiques environnantes, ils n'apportent aucun commencement de preuve au soutien de leurs allégations sur ce point, alors que la zone accueille déjà des activités comparables, que le projet n'a pas vocation à induire un trafic supplémentaire important, que les vues aériennes et les photographies produites par les parties confirment la largeur suffisante de la voie de desserte immédiate oscillant entre 6 et 7 mètres et que la société intimée a prévu une réorganisation de l'accès au site de nature à fluidifier la circulation. Dans ces conditions et alors que les intéressés ne peuvent utilement invoquer les conditions générales de circulation dans le secteur, les permis litigieux ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des impératifs de sécurité et de salubrité publiques posés par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
30. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par les intimées, d'une part, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande et, d'autre part, que les intéressés ne sont pas davantage fondés à demander l'annulation du permis modificatif délivré par le maire de Marvejols le 30 octobre 2023.
Sur les frais liés au litige :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Marvejols et de la société Chausson Immo, lesquelles ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants les sommes réclamées par la commune de Marvejols et la société Chausson Immo au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... et des autres requérants est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Marvejols et par la société Chausson Immo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... D... épouse R..., première nommée, pour l'ensemble des requérants, à la commune de Marvejols et à la société par actions simplifiée Chausson Immo.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de la Lozère, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL20845