Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2106786 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Chmani, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle quant à la plainte déposée contre son ex-conjoint et aux violences conjugales dont elle a été victime ;
- elle méconnaît l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 59 de la convention d'Istanbul ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits quant aux violences conjugales dont elle a été victime ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 28 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 décembre 2023 à 12 heures.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 24 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'Istanbul du conseil de l'Europe du 12 avril 2011 relative à la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 3 janvier 1986, est entrée en France le 25 décembre 2016, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " conjointe de Français ", valable du 8 décembre 2016 au 8 décembre 2017 après avoir contracté mariage avec un ressortissant français, le 16 août 2016 au Maroc. Du 5 mars 2018 au 16 mai 2021, l'intéressée a séjourné en France sous couvert d'un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " puis d'un titre de séjour pluriannuel portant la même mention. Le 3 mars 2021, l'intéressée a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Mme B... relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Sur le moyen commun aux décisions en litige :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions en litige par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 3 du jugement attaqué.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il ne ressort pas de l'arrêté en litige, en particulier de son exhaustive motivation, que l'autorité préfectorale n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... quant aux violences conjugales dont elle s'estime victime et à la plainte déposée contre son ancien conjoint.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 423-3 du même code : " Lorsque la rupture du lien conjugal ou la rupture de la vie commune est constatée au cours de la durée de validité de la carte de séjour prévue aux articles L. 423-1 ou L. 423-2, cette dernière peut être retirée. / Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française ". Aux termes de l'article L. 423-5 du même code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. (...) ".
5. Si les dispositions précitées de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne créent aucun droit au renouvellement du titre de séjour d'un étranger dont la communauté de vie avec son conjoint de nationalité française a été rompue en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de ce dernier, de telles violences, subies pendant la vie commune, ouvrent la faculté d'obtenir, sur le fondement de cet article, un titre de séjour, sans que cette possibilité soit limitée au premier renouvellement d'un tel titre. Il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie le renouvellement du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, du délai qui s'est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies.
6. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 5 mars 2018, le préfet de la Haute-Garonne a renouvelé le droit au séjour de Mme B... sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 423-3 du même code, dans l'attente de la décision à intervenir sur la demande de divorce pour faute présentée par l'intéressée motivée par l'existence de violences conjugales et le dépôt d'une plainte contre son conjoint, le 5 décembre 2017. Par la suite, l'autorité préfectorale a délivré un titre de séjour pluriannuel à l'intéressée, valable du 17 mai 2019 au 16 mai 2021, portant la mention " vie privée et familiale ".
7. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Châteauroux du 21 septembre 2020 que le divorce de Mme B... a été prononcé aux torts exclusifs de cette dernière, laquelle a été regardée comme ayant abandonné le domicile conjugal et comme n'établissant pas la réalité des faits de violences conjugales dont elle indique avoir été victime. Si l'appelante se prévaut du procès-verbal de dépôt de plainte qu'elle a présentée à l'encontre de son ancien époux, le 5 décembre 2017, sans établir les suites qui y ont été données, et de l'attestation d'une association venant en aide aux victimes de violences conjugales, établie le 12 février 2018 sur la base de ses déclarations, ces éléments, qui ne sont corroborés par aucune pièce probante et sont antérieurs au jugement précité, ne sont de nature ni à contredire les constatations matérielles opérées par le juge aux affaires familiales ni à établir l'existence de violences conjugales d'ordre physique et psychologique. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B....
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 59 de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique dit convention d'Istanbul : " 1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour garantir que les victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, se voient accorder, sur demande, dans l'éventualité de la dissolution du mariage ou de la relation, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome, indépendamment de la durée du mariage ou de la relation. / Les conditions relatives à l'octroi et à la durée du permis de résidence autonome sont établies conformément au droit interne. (...) / 3. Les Parties délivrent un permis de résidence renouvelable aux victimes, dans l'une ou les deux situations suivantes : / a lorsque l'autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire au regard de leur situation personnelle. / b lorsque l'autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire aux fins de leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre d'une enquête ou de procédures pénales (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, à les supposer d'effet direct, doit, en tout état de cause, être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si Mme B... se prévaut, notamment des liens qu'elle a tissés sur le territoire français et de ses efforts d'intégration socio-professionnelle, elle ne démontre toutefois pas l'ancienneté et l'intensité des liens qu'elle a développés en France, pays dans lequel elle vit de manière précaire et isolée, au regard de ceux conservés dans son pays d'origine, qu'elle a quitté à l'âge de trente ans, dans lequel résident ses deux parents et dans lequel elle occupait l'emploi d'infographiste. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de la durée du séjour de l'intéressée en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ". Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
12. Il ne ressort des pièces du dossier ni que Mme B... aurait sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé ni que l'autorité préfectorale aurait d'office, examiné son droit au séjour sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". L'article R. 5221-1 du même code dispose que : " I. - Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : / 1° Étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; / (...) II. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. (...) ". En se bornant à soutenir qu'elle dispose d'une promesse d'embauche par contrat à durée indéterminée en qualité d'infographiste depuis le 20 mai 2021, Mme B... qui ne justifie pas du dépôt, par son futur employeur, de demande d'autorisation de travail à son bénéfice, ne remplit, en tout état de cause, pas les conditions requises pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité de salariée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain doit être écarté.
14. En septième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 10 et 12, l'autorité préfectorale n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelante.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
16. Lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de sa charte des droits fondamentaux. Ce droit n'implique toutefois pas l'obligation, pour le préfet, d'entendre l'étranger spécifiquement au sujet de l'obligation de quitter le territoire français qu'il envisage de prendre après avoir statué sur le droit au séjour à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, Mme B... n'aurait pas été mise en mesure de présenter des observations, écrites ou orales, en complément de sa demande de titre ni qu'elle aurait sollicité, en vain, un entretien avec les services préfectoraux. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision en litige a été prise en violation du droit de Mme B... à être entendue doit être écarté.
17. En deuxième lieu, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 14, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté.
18. En troisième lieu, aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France. Dans ce cadre, et dès lors qu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration ou le médecin de l'Office pour avis dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. Mme B... indique souffrir d'une neurofibromatose de type 1, pathologie ayant donné lieu à un taux d'invalidité supérieur à 80 %, associée à une scoliose sévère et à des malformations osseuses multiples. Elle précise bénéficier d'un suivi spécialisé pluridisciplinaire. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelante aurait porté à la connaissance de l'autorité préfectorale, dans des termes suffisamment précis, des éléments susceptibles d'établir que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, pas plus qu'elle ne produit des éléments précis et circonstanciés de nature à établir que le défaut de prise en charge médicale serait susceptible d'entraîner des conséquences graves et qu'elle serait dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Sur ce point, les pièces médicales versées au dossier, qui, pour l'essentiel, décrivent la pathologie de l'intéressée et font état de la nécessité d'une prise en charge médicale pluridisciplinaire ne permettent pas de déduire qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Enfin, compte tenu de la formulation de la demande d'admission au séjour, il n'est pas établi, ni même soutenu, que Mme B... ait entendu solliciter son admission au séjour au titre de son état de santé ou qu'elle aurait été privée de le faire. Par suite, en faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
20. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes moyens que ceux retenus au point 10.
21. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de Mme B... doit être écarté pour les mêmes moyens que ceux retenus aux points 10 et 19.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
22. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire doit être écarté pour les mêmes moyens que ceux retenus au point 16.
23. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus des points 15 à 21.
24. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige, qui accorde à Mme B... le délai de droit commun de trente jours pour déférer à son éloignement, serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, l'intéressée n'établissant pas avoir sollicité l'octroi d'un délai supérieur en se prévalant de circonstances particulières ou avoir été privée de le faire.
25. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 19 et 24.
26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 25 mai 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01432