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28/05/2024 | FRANCE | N°22TL21849

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 28 mai 2024, 22TL21849


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



MM. A... E... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la région Occitanie et la société Cogemip à leur verser la somme de 447 362,37 euros toutes taxes comprises au titre du solde des honoraires de maîtrise d'œuvre de M. E... et celle de 163 072,14 euros toutes taxes comprises au titre du solde des honoraires de maîtrise d'œuvre de M. C... D....



Par un jugement n° 1905633 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif d

e Toulouse a rejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour :



Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. A... E... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la région Occitanie et la société Cogemip à leur verser la somme de 447 362,37 euros toutes taxes comprises au titre du solde des honoraires de maîtrise d'œuvre de M. E... et celle de 163 072,14 euros toutes taxes comprises au titre du solde des honoraires de maîtrise d'œuvre de M. C... D....

Par un jugement n° 1905633 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2022, des mémoires, enregistrés le 19 octobre 2022 et les 12 et 28 avril 2023, MM. E... et D..., représentés par Me Renaudin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 juillet 2022 ;

2°) de condamner la société Cogemip, devenue Agence régionale de l'aménagament et de construction Occitanie, et la région Occitanie à verser à M. E... la somme de 447 362,37 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché public de maîtrise d'œuvre ;

3°) de condamner ces mêmes personnes morales à verser à M. D... la somme de 163 072,14 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché public de maîtrise d'œuvre ;

4°) de mettre à la charge de ces personnes morales la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande indemnitaire est recevable ; le maître d'ouvrage a implicitement mais nécessairement accepté le projet de décompte général du 12 octobre 2018 notifié le 15 octobre 2018 par M. E... ; de plus, le courrier du 11 juillet 2019 constitue un mémoire en réclamation portant réclamation du paiement du solde du marché ; la lettre du 12 août 2019, qui accuse réception du décompte général notifié le 31 juillet 2019 par le maître d'ouvrage, réitère le mémoire en réclamation du 11 juillet 2019 ;

- ils ont droit à un complément de rémunération dès lors qu'il résulte des pièces du marché que le maître de l'ouvrage a décidé une modification de programme conduisant à une modification dans la consistance du projet et dans le coût des travaux ; ils ont ainsi accompli des prestations supplémentaires comme en attestent les ordres de service n° 14, n° 16 à n° 20 et n° 22 à n° 24 ;

- le solde du marché de maîtrise d'œuvre pour la restructuration générale du lycée Saint-Sernin à Toulouse est de 447 362,37 euros toutes taxes comprises au titre des honoraires dus à M. E... et de 163 072,14 euros toutes taxes comprises au titre des honoraires dus à M. D....

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, la région Occitanie et l'Agence régionale d'aménagement et de construction Occitanie, représentées par Me Cabanes, concluent :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre soit limitée à la somme de 59 336,85 euros au profit de M. E... et à la somme de 29 483,36 euros au profit de M. D... ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des appelants la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- à titre liminaire, les conclusions présentées par M. B... D..., qui ne justifie pas d'un mandat délivré par les autres membres de l'indivision successorale, doivent être rejetées faute de qualité à agir ;

- la responsabilité de la société Cogemip, devenue l'Agence régionale d'aménagement et de construction Occitanie, en tant que mandataire du maître d'ouvrage ne peut être recherchée par la maîtrise d'œuvre en raison de fautes résultant de la mauvaise exécution ou de l'inexécution du contrat de mandat conclu avec le maître d'ouvrage ;

- à titre principal, les conclusions indemnitaires des appelants sont irrecevables ; le décompte général du marché, notifié le 31 juillet 2019 et reçu par le mandataire de la maîtrise d'œuvre le 2 août 2019, n'a fait l'objet d'aucune réclamation circonstanciée dans le délai contractuel de 45 jours ; dès lors, le décompte général étant devenu définitif, les appelants ne pouvaient plus formuler une demande indemnitaire au titre de l'exécution du marché ;

- à titre subsidiaire, l'avenant du 18 octobre 2012, qui accorde une rémunération supplémentaire au maître d'œuvre en fixant de façon définitive le forfait de rémunération en l'augmentant de 78 726,93 euros hors taxes, prévoit une renonciation du maître d'œuvre à toutes ses réclamations antérieures ; les ordres de service n° 14, n° 16 à n° 20, qui sont antérieurs à cet avenant, entrent dans les prévisions de ce dernier et ne peuvent donner lieu à une rémunération supplémentaire du maître d'œuvre ;

- s'agissant des ordres de service n° 22, n° 23 et n° 24, le caractère utile des prestations ou des missions que le maître d'œuvre allègue avoir effectuées dans le cadre de la modification de programme, n'est pas rapporté par ce dernier ;

- en tout état de cause, si la cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre du maître d'ouvrage, le montant de la condamnation ne pourrait excéder la somme qui résulterait de l'application du coefficient de rémunération au nouveau montant des travaux issu des modifications apportées au dossier PRO.

Par une ordonnance en date du 12 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°78-1306 du 26 décembre 1978 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles et la modification du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés industriels ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Couette pour la région Occitanie et l'Agence régionale d'aménagement et de construction Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 5 juin 2010, la région Occitanie, sur maîtrise d'ouvrage déléguée à la société Cogemip, a confié à un groupement composé entre autres de M. E..., mandataire, et de M. C... D..., un marché de maîtrise d'œuvre portant sur la restructuration du lycée Saint-Sernin de Toulouse, pour un forfait de rémunération provisoire de 1 579 111,55 euros hors taxes. Par un courrier du 12 octobre 2018, reçu le 15 octobre suivant, M. E..., en sa qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, a adressé à la société Cogemip le projet de décompte final du marché de maîtrise d'œuvre, faisant apparaître un solde global d'un montant de 1 374 263,20 euros toutes taxes comprises, dont 447 362,37 euros toutes taxes comprises pour M. E... et 163 072,14 euros toutes taxes comprises pour M. D.... Le maître de l'ouvrage délégué a notifié à la maîtrise d'œuvre, par l'ordre de service n° 43 du 31 juillet 2019, reçu le 2 août suivant, le décompte général du marché de maîtrise d'œuvre arrêté au montant de 1 883 954,52 euros toutes taxes comprises, avec un solde restant dû de 54 018,19 euros toutes taxes comprises. M. E... et M. B... D... relèvent appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande de condamnation de la société Cogemip, devenue Agence régionale d'aménagement et de construction Occitanie et de la région Occitanie au paiement d'une somme globale de 610 434,51 euros toutes taxes comprises au titre du règlement de leur marché de maîtrise d'œuvre.

Sur la recevabilité de la demande :

2. D'une part, aux termes de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché public de service de maîtrise d'œuvre en litige : " Solde - Après constatation de l'achèvement de sa mission dans les conditions prévues à l'article 26, le maître d'œuvre adresse au maître de l'ouvrage une demande de paiement du solde sous forme d'un projet de décompte final. / 6.3.1 Décompte final - Le décompte final établi par le maître d'œuvre et accepté par le maître de l'ouvrage mandataire comprend : / a) La rémunération en prix de base (...) / b) Les retenues, primes, réfactions soumises à TVA, éventuellement applicables au maître d'œuvre. / Ce résultat constitue le montant du décompte final. / 6.3.2 Décompte général - Etat du solde - Le maître d'œuvre prépare le décompte général qui comprend : - le décompte final ci-dessus ; la récapitulation du montant des acomptes arrêtés par le maître de l'ouvrage ; (...) / Le maître de l'ouvrage notifie après acceptation au maître d'œuvre le décompte général et l'état du solde. / Le décompte général devient définitif dès l'acceptation par le maître d'œuvre, dans les conditions définies à l'article 12.32 du CCAG-PI ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 12.32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, dans sa version applicable au marché en litige et alors en vigueur : " Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. (...) ". Aux termes de l'article 40 de ce même cahier : " 40.1. Différends. Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché. La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".

4. Un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre sans le joindre à son mémoire.

5. Le 12 octobre 2018, M. E..., mandataire de la maîtrise d'œuvre, a adressé au maître de l'ouvrage un projet de décompte final aux termes duquel il réclamait le paiement du solde du marché pour un montant toutes taxes comprises de de 447 362,37 euros pour M. E... et de 163 072,14 euros pour M. D.... Ce projet a toutefois été suspendu par le maître de l'ouvrage dans l'attente de l'analyse et des conclusions relatives à la réclamation présentée par l'une des entreprises du marché. En outre, des négociations concernant le montant de la rémunération de la maîtrise d'œuvre pour la réalisation de missions complémentaires sont ensuite intervenues entre le mandataire du maitre d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre ayant abouti, en dernier lieu, à une proposition de rémunération, le 22 mars 2019, de 237 095 euros hors taxes. Puis, par une lettre du 11 juillet 2019, M. E... a informé le maître d'ouvrage qu'il refusait sa proposition et demandait le paiement du solde du marché pour le même montant que celui fixé dans le projet de décompte final. Par ordre de service n° 43 du 31 juillet 2019, reçu le 2 août 2019, le maître de l'ouvrage a alors notifié à M. E... le décompte général du marché, arrêté au montant de 1 883 954, 52 euros toutes taxes comprises, avec un solde restant dû de 54 018,19 euros toutes taxes comprises.

6. Il résulte ainsi de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le maître de l'ouvrage n'a pas, en tout état de cause, implicitement accepté leur projet de décompte final du 12 décembre 2018 puisqu'il a réservé son accord dans l'attente des résultats de l'instruction de la réclamation de l'une des entreprises intervenantes au marché et des négociations sur la rémunération des missions complémentaires réalisées par la maîtrise d'œuvre. Faute d'accord du maître de l'ouvrage, le projet de décompte final ne pouvait en application de l'article 6.3.1 du cahier des clauses administratives particulières précité , au point 2, être regardé comme étant devenu le décompte final du marché et, a fortiori, comme constituant le décompte général de ce marché. Dès lors, la lettre de la maîtrise d'œuvre du 11 juillet 2019 ne peut être regardée comme constituant une réclamation sur un décompte général au sens des articles 12.32 et 40-1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles.

7. Par ailleurs, si en application des stipulations combinées des articles 6.3.2. du cahier des clauses administratives particulières et 12.32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles précités, le maître d'œuvre disposait d'un délai de quarante-cinq jours, à compter de la réception, le 2 août 2019, de la notification du décompte général du marché pour adresser à la personne responsable du marché un mémoire de réclamation en contestation de ce décompte, M. E... s'est toutefois borné à contester, dans sa lettre adressée dans le délai imparti, le 12 août 2019, de manière globale " les modifications apportées au document initial " et à refuser le décompte général du marché tel que notifié par le maître de l'ouvrage. Ce courrier, qui ne comporte pas l'exposé détaillé des chefs de la contestation, n'indique ni le montant des sommes dont le paiement est demandé ni les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées, ne peut être regardé comme un mémoire de réclamation au sens et pour l'application des stipulations précitées des articles 12.32 et 40.1. Par ailleurs, les appelants ne peuvent utilement soutenir que ces éléments ainsi que les justifications nécessaires figuraient dans le projet de décompte reçu et dans la lettre du 11 juillet 2019 dès lors que ces documents ne pouvaient, à cette date, comporter une contestation du décompte général notifié le 2 août 2019, et n'ont, du reste, pas été joints à leur réclamation. Dans ces conditions, faute de réclamation circonstanciée du décompte général dans le délai de quarante-cinq jours, ce décompte général est devenu définitif et les demandes présentées par MM. E... et D... devant le tribunal administratif de Toulouse étaient irrecevables.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense aux conclusions présentées par M. D..., que MM. E... et D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes indemnitaires.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de MM. E... et D... présentées sur leur fondement, la région Occitanie et la société Agence régionale d'aménagement et de construction Occitanie n'étant pas les parties perdantes à l'instance.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacun des appelants une somme de 750 euros à verser tant à la région Occitanie qu'à la société Agence régionale d'aménagement et de construction Occitanie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de MM. E... et D... est rejetée.

Article 2 : MM. E... et D... verseront chacun tant à la région Occitanie qu'à la société Arac Occitanie, venant aux droits de la société Cogemip une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à M. B... D..., à la société Agence régionale d'aménagement et de construction Occitanie, venant aux droits de la société Cogemip et à la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21849


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21849
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Règlement des marchés. - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SELARL CABINET CABANES - CABANES NEVEU ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-28;22tl21849 ?
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