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28/05/2024 | FRANCE | N°22TL21696

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 28 mai 2024, 22TL21696


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... et M. A... B..., ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions implicites du département du Gard et de la commune de Saint-Ambroix des 4 juillet et 24 août 2020 ayant rejeté leur demande de réalisation de travaux visant à mettre fin aux désordres qu'ils indiquaient subir sur leur propriété du fait du ruissellement des eaux pluviales et de l'insuffisante sécurisation de la route départementale n° 37, d'enjoindre à la commune de Saint-Ambroi

x et au département du Gard de réaliser des travaux pour la part qui leur incombe r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... et M. A... B..., ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions implicites du département du Gard et de la commune de Saint-Ambroix des 4 juillet et 24 août 2020 ayant rejeté leur demande de réalisation de travaux visant à mettre fin aux désordres qu'ils indiquaient subir sur leur propriété du fait du ruissellement des eaux pluviales et de l'insuffisante sécurisation de la route départementale n° 37, d'enjoindre à la commune de Saint-Ambroix et au département du Gard de réaliser des travaux pour la part qui leur incombe respectivement, et de condamner solidairement la commune de Saint-Ambroix et le département du Gard à leur verser la somme de 87 690 euros en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 2002508 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes, par l'article 1er de ce jugement, au titre des préjudices subis du fait du caractère accidentogène de la route départementale n° 37, a condamné le département du Gard à verser à Mme B... et à M. B... une somme de 1 000 euros à chacun d'entre eux, en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2020 et capitalisation des intérêts à compter du 4 mai 2021, par son article 2 a rejeté les conclusions des consorts B... à fin d'injonction de réaliser des travaux de ralentissement de la circulation et de sécurisation routière au droit de leur propriété et par l'article 3 du jugement a, concernant le ruissellement des eaux pluviales sur la propriété des consorts B..., ordonné une expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2022, Mme B... et M. B..., représentés par Me Bocognano, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2022 du tribunal administratif de Nîmes, en tant qu'il limite, en ce qui concerne les dommages subis du fait du fait de l'absence de sécurisation routière de la route départementale n° 37, le montant de la condamnation prononcée au titre du préjudice moral à hauteur de la somme de 1 000 euros au profit de chacun d'entre eux ;

2°) d'annuler les décisions implicites du département du Gard et de la commune de Saint-Ambroix des 4 juillet et 24 août 2020 ayant rejeté leur demande de réalisation de travaux visant à mettre fin aux désordres qu'ils subissent sur leur propriété du fait de l'insuffisante sécurisation de la route départementale n° 37 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Ambroix et au département du Gard de réaliser des travaux de sécurisation de la route départementale n° 37 pour la part qui leur incombe respectivement ;

4°) de condamner solidairement la commune de Saint-Ambroix et le département du Gard à leur verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des désordres inhérents à la voirie routière et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2020, date de leur réclamation préalable, et de la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint-Ambroix et du département du Gard, à leur profit, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- alors que leur maison se trouve en contrebas de la route départementale n° 37, aucune protection des habitations n'est prévue aux abords de cette voie, en dépit des accidents déjà survenus en 2014 et 2018 ; les risques encourus par la présence de cette voie leur créent des préjudices moraux et des troubles dans les conditions d'existence que la somme allouée à chacun par le jugement attaqué ne suffit pas à réparer ;

- par ailleurs, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au département et à la commune de réaliser des travaux de ralentissement de la circulation et de sécurisation routière au droit de leur propriété alors que les travaux exécutés jusqu'ici ne sont pas de nature à empêcher les accidents ;

- la responsabilité sans faute du département du Gard est engagée en raison du défaut de sécurisation de la route départementale n° 37, du fait notamment de l'absence d'accotement qui favorise une vitesse excessive des usagers.

Par une ordonnance du 9 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Soulier, représentant les consorts B... et celles de Me Bezard, représentant la commune de Saint-Ambroix.

Considérant ce qui suit :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

1. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers, qui doivent établir, le lien de causalité avec les dommages invoqués, ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

2. Ainsi que l'ont considéré les premiers juges, les consorts B..., tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par la route départementale n° 37, sont en droit de se prévaloir de l'existence de préjudices inhérents aux dommages accidentels liés à la présence de l'ouvrage public appartenant au département du Gard.

3. Les appelants font valoir que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante de leurs préjudices en fixant à 1 000 euros pour chacun d'entre eux le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis du fait des accidents survenus sur la route départementale n° 37, l'un d'entre eux ayant notamment entraîné, le 11 juillet 2018, la chute d'une camionnette dans leur jardin, à proximité immédiate de leur maison. Toutefois, ils n'apportent en appel aucun élément quant au fait qu'ils auraient subi ou subiraient un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à des hauteurs supérieures aux sommes qui leur ont été accordées en première instance. Leurs conclusions indemnitaires, présentées tant contre le département en sa qualité de propriétaire de l'ouvrage public constitué par la route départementale, que contre la commune, à l'encontre de laquelle les appelants ne font valoir aucun moyen, doivent donc être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions en injonction :

4. La personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d'une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables de ce comportement. Elle peut également, lorsqu'elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu'elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. De telles conclusions à fin d'injonction ne peuvent être présentées qu'en complément de conclusions indemnitaires. De la même façon, le juge administratif peut être saisi en complément de conclusions indemnitaires, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets.

5. L'article L 131-2 du code de la voirie routière dispose, concernant les routes départementales : " Les caractéristiques techniques auxquelles doivent répondre les routes départementales sont fixées par décret. Les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes départementales sont à la charge du département ".

6. Il résulte de l'instruction que la route départementale n° 37 présente un caractère particulièrement accidentogène compte tenu de sa configuration, en courbe et en pente au droit de la propriété, en contrebas, des consorts B..., juste après une longue ligne droite, et de l'absence, attestée, de respect par les automobilistes de la limitation de vitesse à cet endroit. En outre, cette dangerosité est également établie par la survenance de plusieurs accidents dont un, notamment, survenu le 11 juillet 2018, qui a entraîné la chute d'une camionnette dans le jardin des consorts B..., à proximité immédiate de leur maison. Dans les circonstances de l'espèce, alors que ni le marquage, réalisé en 2019 par la commune de Saint-Ambroix, par de la peinture blanche au sol signalant la limite de la chaussée départementale, ni la mise en place de balises ne paraissent aptes à garantir le risque de basculement de véhicules dans la propriété des consorts B..., il y a lieu d'enjoindre au département du Gard, propriétaire du domaine public routier constitué par les routes départementales, et chargé en vertu de l'article L. 131-2 précité du code de la voirie routière, y compris en agglomération, de l'aménagement des routes départementales, de mettre en place des glissières de sécurité dans la courbe de la route départementale se trouvant au droit de la propriété des consorts B... et ce dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, alors même que le maire assure, en vertu de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, la police de la circulation sur les routes départementales qui traversent l'agglomération, les conclusions en injonction présentées par les appelants, qui ne tendent qu'à la mise en place de glissières de sécurité laquelle, ainsi qu'il a été dit, ne relève que des prérogatives du département, présentées à l'encontre de la commune, ne peuvent être que rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au département du Gard de réaliser des travaux de sécurisation routière au droit de leur propriété.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu sur le fondement de ces dispositions de mettre à la charge du département du Gard, la somme de 750 euros au profit de Mme B... et la même somme de 750 euros au profit de M. B... et de rejeter les conclusions présentées contre la commune de Saint-Ambroix, qui n'est pas partie perdante au présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint au département du Gard, de mettre en place, dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, des glissières de sécurité, dans la courbe de la route départementale n° 37 se trouvant au droit de la propriété des consorts B....

Article 2 : Le département du Gard versera la somme de 750 euros à Mme B... et la même somme à M. B..., sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 4 : Le surplus de la requête des consorts B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. A... B..., au département du Gard et à la commune de Saint-Ambroix.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21696
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SCP LESAGE BERGUET GOUARD-ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-28;22tl21696 ?
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