Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération toulousaine " Tisséo SMTC " devenu Tisséo Collectivités, à lui verser la somme de 322 500 euros en réparation des préjudices subis du fait de la passation de plusieurs bons de commande avec la société Parmenion, devenue par la suite la société Ethics Group, pour des missions de communication et de rédaction.
Par un jugement n° 1906998 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2022 et le 26 avril 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, ainsi que des pièces nouvelles produites le 26 avril 2024, non communiquées, M. A... représenté par Me Herrmann demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner Tisséo Collectivités à lui verser la somme de 322 500 euros, à parfaire, en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2019 ;
3°) de mettre à la charge de Tisséo Collectivités la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, faute de signature de la minute du jugement contrairement à ce qu'impose l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- par ailleurs, le mémoire produit le 29 juin 2021 par Tisséo Collectivités ne lui a pas été communiqué, alors que rien ne démontre qu'il n'aurait pas été pris en compte par les premiers juges ;
- le jugement est également entaché d'irrégularité, dès lors qu'il est insuffisamment motivé, qu'il est entaché d'omission à statuer faute pour les premiers juges d'avoir répondu à certains des moyens qu'il avait invoqués, alors qu'il a en revanche statué ultra petita en allant au-delà des écritures qu'il avait présentées en première instance ;
- le jugement est par ailleurs entaché d'irrégularité en ce que les premiers juges n'ont pas fait usage de leur pouvoir d'instruction en ne demandant pas à Tisséo Collectivités la communication des bons de commande n°s 18 et 21 à 26, passés entre Tisséo Collectivités et la société Parménion, pour un montant total de 152 512,80 euros toutes taxes comprises ;
- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne justifiait pas de ce que des prestations confiées, par bons de commande, en 2015 et 2016, à la société Parmenion pour un montant total de 152 512, 80 euros toutes taxes comprises, relevaient en réalité de son contrat, dès lors que ces bons de commande portaient sur la communication et la rédaction ;
- l'intervention de la société Ethics Group dans des missions relevant de l'exécution du lot n°1, est intervenue dès 2015 ; il a donc été évincé, par l'absence de toute commande, au profit de la société Ethics Group et de sa filiale Parménion, et a été victime de manœuvres dolosives et d'un manquement au principe de loyauté des relations contractuelles ;
- le lien de causalité entre les dommages subis et les fautes commises par Tisséo Collectivités est établi ; il n'a facturé Tisséo Collectivités qu'à hauteur d'un montant de 12 780 euros hors taxes, soit 15 336 euros toutes taxes comprises pendant la période d'un an de relations contractuelles, alors que l'article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières prévoyait une possibilité de reconduction tacite du contrat pour une période de trois ans, et que l'article 2 du contrat prévoyait un seuil minimum de 30 000 euros hors taxes et un seuil maximum de 460 000 euros hors taxes et qu'il a été confié à la société Parmenion des missions pour un montant de 152 512,80 euros toutes taxes comprises ;
- compte tenu des manœuvres dont il a été victime de la part de Tisséo Collectivités, visant à le priver des sommes auxquelles il pouvait prétendre en vertu de son contrat, et alors qu'il travaillait pour Tisséo Collectivités depuis cinq ans, il est en droit de réclamer le versement de la somme de 120 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice financier résultant de la privation de l'exécution de certaines prestations durant la période contractuelle ;
- il a également subi une perte de chance de poursuivre des relations contractuelles postérieurement à l'échéance de la période contractuelle, pouvant être évaluée à la somme de 152 500 euros ;
- il est enfin en droit d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à hauteur de la somme de 50 000 euros.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 mai 2023 et 27 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le syndicat Tisséo Collectivités, représenté par Me Sire, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que l'intéressé se place dans un cadre extracontractuel alors qu'il devait saisir le juge du contrat ;
- subsidiairement, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Sire, représentant le syndicat Tisséo Collectivités.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement signé le 19 mars 2013, le syndicat mixte Tisséo Collectivités a conclu avec la société Parmenion, devenue par la suite la société Ethics Group, un marché public de services ayant pour objet " une mission d'assistance à la personne publique pour l'organisation des phases de concertation, d'information et de consultation relatives au nouveau plan de mobilité durable de la Métropole Toulousaine et aux projets de transport public associés ". Conclu pour une durée initiale de trois ans, ce marché a été prolongé de six mois par un avenant du 9 février 2016. Parallèlement, le syndicat mixte Tisséo Collectivités a attribué, le 13 avril 2015, le lot n° 1 d'un marché public de services à bons de commande intitulé " Traitement et réalisation de l'information projets et chantiers, production d'images de synthèse et de films d'animation ", à un groupement composé de la société Pôle Impression OGHAM, mandataire, et de M. A.... Les montants minimum et maximum pour la durée initiale de ce marché avaient respectivement été fixés à 30 000 euros hors taxes et 460 000 euros hors taxes. À l'issue de la période initiale prévue par le marché, et en application des stipulations de l'article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières de ce marché, le syndicat Tisséo Collectivité a décidé, le 15 janvier 2016, de ne pas renouveler le contrat dont était notamment titulaire M. A.... Par des courriers en date des 25 février et 13 avril 2016, celui-ci, sans contester le non-renouvellement de son contrat, informait le président du syndicat Tisséo Collectivités de ce qu'il aurait constaté que des prestations de stratégie, de conception rédactionnelle, de rédaction et d'édition, relevant selon lui de son marché, auraient été confiées à la société Parmenion, alors qu'il n'avait plus reçu de commandes depuis plusieurs mois. Le 23 mai 2016, le président de ce syndicat lui indiquait qu'aucune des prestations correspondant à l'objet de son marché n'avait été exécutée par un autre intervenant.
2. M. A... relève appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte Tisséo Collectivités à lui verser la somme de 322 500 euros à parfaire au titre des préjudices subis du fait de la méconnaissance par ce dernier de son droit d'exclusivité.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, il résulte de l'instruction que la minute du jugement contesté, qui a été communiquée aux parties, a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur, ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen soulevé tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signatures de la minute, manque en fait et doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, le jugement attaqué indique que le mémoire produit le 29 juin 2021 par le syndicat Tisséo Collectivités, qui n'était pas le premier mémoire en défense de ce dernier, n'a pas été communiqué, et contrairement à ce qu'allègue M. A..., sans aucune précision à cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que ce mémoire aurait été pris en compte par les premiers juges.
5. En troisième lieu, le jugement est suffisamment motivé et les moyens tirés de ce que les premiers juges n'auraient pas répondu à certains des moyens qu'il avait invoqués, et seraient allés au-delà de ses écritures, ne sont pas assortis de précisions permettant d'en apprécier la portée.
6. En quatrième lieu, les premiers juges en ne demandant pas à Tisséo Collectivités la communication des bons de commande n°s 18 et 21 à 26, passés entre Tisséo Collectivités et la société Parménion n'ont ni méconnu leurs pouvoirs d'instruction ni entaché de ce fait le jugement d'irrégularité. En effet, ces bons étaient cités par M. A... dans sa demande devant le tribunal administratif, avec une précision, quant à leur objet, suffisante pour permettre de répondre au moyen selon lequel Tisséo Collectivités par la passation de ces bons de commande n'aurait pas respecté le droit d'exclusivité qu'il tenait de son contrat alors, du reste, ainsi qu'il est indiqué au point 9 du présent arrêt, que compte tenu de ce que le seuil minimum de passation du marché à bons de commande était atteint, le tribunal ne pouvait que rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. A....
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
7. Aux termes de l'article 77 du code des marchés publics, applicable au contrat en litige : " I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. (...). / Dans ce marché le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, ou un minimum, ou un maximum, ou prévoir que le marché est conclu sans minimum ni maximum. / L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché. /Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l'exécution est demandée et en déterminent la quantité. / (...) / III. - Pour des besoins occasionnels de faible montant, le pouvoir adjudicateur peut s'adresser à un prestataire autre que le ou les titulaires du marché, pour autant que le montant cumulé de tels achats ne dépasse pas 1 % du montant total du marché, ni la somme de 10 000 Euros HT. Le recours à cette possibilité ne dispense pas le pouvoir adjudicateur de respecter son engagement de passer des commandes à hauteur du montant minimum du marché lorsque celui-ci est prévu ".
8. Si le titulaire d'un marché dont le droit d'exclusivité a été méconnu peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d'établir la réalité de ce préjudice. Dans le cas d'un marché à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en ce qu'il porte sur ce minimum garanti.
9. Il résulte de l'instruction que le syndicat Tisséo Collectivités a adressé au groupement titulaire, dont M. A... faisait partie, 56 bons de commande dans le cadre de l'exécution du marché du 13 avril 2015, pour un montant cumulé de 274 669 euros hors taxes dépassant ainsi le seuil minimum de commandes de 30 000 euros hors taxes fixé dans l'acte d'engagement dudit marché. Dès lors, l'appelant ne saurait prétendre avoir subi un préjudice certain du fait de la méconnaissance de son droit d'exclusivité. Ses conclusions indemnitaires ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Tisséo Collectivités, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros à verser à Tisséo Collectivités sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à Tisséo Collectivités la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à Tisséo Collectivités.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21621