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23/05/2024 | FRANCE | N°23TL02269

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 23 mai 2024, 23TL02269


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B..., épouse B... B..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté portant refus de séjour pris par le préfet de l'Hérault le 31 juillet 2020, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux exercé à l'encontre de cette décision le 15 décembre 2020.



Par un jugement n° 2005791 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :





Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., épouse B... B..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté portant refus de séjour pris par le préfet de l'Hérault le 31 juillet 2020, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux exercé à l'encontre de cette décision le 15 décembre 2020.

Par un jugement n° 2005791 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 du préfet de l'Hérault portant refus de titre de séjour, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux exercé à l'encontre de cette décision le 15 décembre 2020 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne " ou " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à payer à son conseil, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la délégation de signature accordée au secrétaire général de la préfecture est générale et donc irrégulière ;

- elle a droit au séjour en France en application des dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 qui prévoient que les enfants d'un ressortissant de l'Union européenne bénéficient d'un droit à l'enseignement ;

- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de fait quant aux ressources de la famille ;

- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- il méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 5 juillet 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par ordonnance du 6 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1962, a bénéficié de plusieurs titres de séjours en qualité de membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne valables entre le 12 mars 2012 et le 2 octobre 2016. Le 12 juin 2017, la demande de renouvellement de son titre de séjour a été refusée. Son recours a été rejeté par le tribunal administratif de Montpellier par jugement du 11 avril 2019. Le 17 décembre 2019, Mme B... a déposé une demande d'admission au séjour en qualité de " membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne ". Par arrêté du 31 juillet 2020, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande. Mme B... fait appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à celle de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union, dont les dispositions se sont substituées à celles de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 : " Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie privée et familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans deux arrêts du 23 février 2010 C-310/08 Ibrahim et C-480/08 Texeira, qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre, ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant, peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète dans cet Etat.

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'extrait de l'Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France produit par le préfet de l'Hérault en première instance, que l'époux de Mme B... a été titulaire d'une carte de séjour temporaire en tant que citoyen de l'Union européenne référencée " UE07 ", accordée en raison de l'exercice d'une activité salariée en France, du 3 octobre 2013 au 2 octobre 2016. Le relevé de carrière de l'époux de Mme B... indique qu'il a perçu des revenus entre 2013 et 2016 en travaillant pour l'agence d'intérim " Get carrières " et pour l'entreprise de construction " Miras frères ". En outre, il est constant que Mme B... a bénéficié de plusieurs titres de séjours en qualité de membre de la famille d'un ressortissant européen valables entre le 12 mars 2012 et le 2 octobre 2016. Il ressort également des certificats de scolarité et attestations d'assurance que ses deux enfants mineurs, de nationalité espagnole et dont elle a la garde, ont débuté leur scolarité en France au titre de l'année scolaire 2010/2011 et ont poursuivi leur cursus durant les années 2015/2016, 2016/2017, 2017/2018, 2018/2019, 2019/2020 et 2020/2021. A la date de la décision du préfet de l'Hérault, le 31 juillet 2020, Mohamed-Amin était scolarisé en première " sciences et technologies du management et de la gestion " au lycée Jean Monnet de Montpellier et Sara était scolarisée en troisième générale au collège " Les Escholiers de la Mosson " de Montpellier. Ainsi, quand bien même l'époux de Mme B..., faute d'être parvenu à trouver un nouvel emploi, pouvait être regardé, à la date de la décision préfectorale, comme ayant perdu la qualité de travailleur migrant, il est établi qu'il a possédé un tel titre, que les enfants mineurs du couple étaient scolarisés sur le territoire français lorsqu'il en bénéficiait encore et qu'ils poursuivaient leur scolarité en France à la date de la décision administrative contestée. Par voie de conséquence, le préfet de l'Hérault n'a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011, refuser à Mme B... l'octroi d'un titre de séjour en qualité de " membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne ".

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. L'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de justice :

7. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2023. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant, sous réserve qu'il renonce à la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2005791 du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 31 juillet 2020 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne à Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Ruffel une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., épouse B... B..., à Me Christophe Ruffel et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le président-rapporteur,

A. BarthezL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL02269 2


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02269
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Alain Barthez
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-23;23tl02269 ?
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