Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler le titre de perception émis le 11 septembre 2019 par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), notifié le 17 septembre 2019, portant reversement de l'acompte d'aide à l'investissement viticole majorée de 10 % ainsi que d'une pénalité de 20 %, pour un montant total de 66 067,79 euros, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux ; d'autre part, d'annuler la lettre de relance du 14 janvier 2020 valant mise en demeure de payer la somme restant due après compensation, soit 65 537,55 euros, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2000604, 2004571 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a, par son article 1er, rejeté les conclusions dirigées contre la lettre de relance valant mise en demeure de payer comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, et, par son article 2, annulé les décisions implicites de rejet des recours gracieux de M. A... ainsi que le titre de perception du 11 septembre 2019, ramenant la somme de celui-ci à 65 537,55 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 avril 2022 et le 6 octobre 2023, l'établissement FranceAgriMer, représenté par Me Vandepoorter, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal tendant à l'annulation du titre de perception du 11 septembre 2019, ainsi que la décision implicite du 8 janvier 2020 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges, tout en retenant que l'illégalité n'entachait que la partie du titre de perception infligeant une sanction de 20 %, ont prononcé à tort l'annulation totale de l'acte attaqué, pourtant divisible ;
- la sanction appliquée à M. A... en application de l'article 9.5 de la décision INTV-SANAEI-2014-72 du 6 novembre 2014 pour fausse déclaration intentionnelle est justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2022, M. B... A..., représenté par Me Pinet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le titre exécutoire forme un tout indivisible insusceptible de faire l'objet d'une annulation partielle ;
- l'application de la sanction est injustifiée dès lors qu'aucune intention frauduleuse ne peut lui être attribuée.
Une ordonnance du 25 octobre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;
- le règlement n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;
- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 ;
- la décision INTV-SANAEI-2014-72 du 6 novembre 2014 du directeur général de FranceAgriMer ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Malbet, représentant FranceAgriMer.
Considérant ce qui suit :
1. FranceAgriMer a donné à M. A... un accord de principe pour un montant d'aide à l'investissement viticole de 88 090,39 euros, correspondant à 251 686,82 euros de dépenses éligibles à engager à compter du 8 janvier 2015. Le 9 novembre 2015, il a versé à M. A... un acompte de 44 045,19 euros. A la réception de la demande de paiement de solde adressée par M. A... assortie des pièces justificatives, l'établissement a constaté une anomalie sur deux factures et a informé M. A... du rejet total de son dossier. Après un réexamen de son dossier, et mise en œuvre de la procédure contradictoire, l'établissement a notifié, par une lettre du 17 septembre 2019, un titre de perception du 11 septembre 2019 d'un montant total de 66 067,79 euros correspondant au reversement de l'aide perçue, majorée de 10% et assortie d'une pénalité de 20 % du montant de l'aide accordée. FranceAgriMer demande à la cour d'annuler l'article 2 du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre de perception du 11 septembre 2019, ainsi que le rejet implicite des recours gracieux formés par M. A....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges ont considéré que seule la pénalité de 20 % du montant de l'aide accordée, infligée à M. A... et mise à sa charge par le titre de perception du 11 septembre 2019, était illégale. Ils ont toutefois considéré qu'une telle illégalité justifiait l'annulation totale du titre de perception. En statuant ainsi, alors que le détail de la créance indiqué dans la lettre du 17 septembre 2019 accompagnant le titre de perception permettait d'identifier précisément la somme de 17 618,08 euros correspondant à l'application d'une telle majoration, laquelle présentait dès lors un caractère divisible, le tribunal administratif a méconnu son office. Par suite, FranceAgriMer est fondé à soutenir que l'article 2 de ce jugement, qui est entaché d'irrégularité, doit être annulé en tant seulement qu'il a annulé en totalité le titre de perception du 11 septembre 2019 ainsi que le rejet du recours gracieux de M. A....
3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande d'annulation présentée par M. A... devant le tribunal administratif en tant qu'elle concerne le remboursement de l'aide accordée majorée de 10 %, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête de FranceAgriMer, lequel porte sur la sanction de 20 % du montant de l'aide accordée, soit 17 618,08 euros.
Sur l'évocation partielle :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir présentée par FranceAgriMer :
4. FranceAgriMer fait valoir que la requête enregistrée le 15 octobre 2020 au tribunal administratif de Montpellier sous le n° 2004571 présente le même objet que la requête enregistrée le 7 février 2020 sous le n° 2000604 dès lors qu'elle comporte notamment des conclusions à fin d'annulation dirigées contre le titre de perception du 11 septembre 2019 et contre la décision implicite de rejet du recours gracieux née le 8 janvier 2020 et que, par ailleurs, elle a été introduite au-delà de l'expiration du délai de recours de deux mois courant à compter de la notification du titre de perception du 11 septembre 2019. Toutefois, ces circonstances sont sans incidence sur la recevabilité de la demande d'annulation présentée par M. A... dès lors que sa requête n° 2000604, jointe par le jugement attaqué à la requête n° 2004571, a été introduite le 7 février 2020, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux courant contre le titre de perception du 11 septembre 2019, notifié le 17 septembre suivant, un tel délai ayant été prorogé par l'exercice d'un recours gracieux, qui fait naître une décision implicite de rejet le 8 janvier 2020. La fin de non-recevoir opposée par FranceAgriMer doit donc être écartée.
En ce qui concerne la légalité du titre de perception du 11 septembre 2019 en tant qu'il porte remboursement de l'aide déjà versée, majoré de 10 % :
5. D'une part, aux termes de l'article 9.5 " Fausse déclaration " de la décision du 6 novembre 2014 INTV-SANAEI 2014-72 prise par le directeur général de FranceAgriMer en application de l'article 1er du décret du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 : " (...) En cas de déclaration intentionnelle portant sur une (ou plusieurs) dépense(s) identifiée(s), le montant d'aide correspondant à l'ensemble de la tranche fonctionnelle à laquelle cet investissement était rattaché est annulé et une sanction de 20% de ce montant est appliquée (...) ". Aux termes de l'article 9.6 " Remboursement de l'indu " de la même décision : " Dans tous les cas : / - si tout ou partie de l'avance a été indument perçue, le bénéficiaire doit également reverser le montant d'avance concerné à hauteur de 110% (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 5.2 " Délivrance de l'autorisation de commencer les travaux " (ACT) de la même décision : " (...) La demande doit impérativement bénéficier d'une autorisation de démarrage des travaux, dont la date est mentionnée dans l'accusé de réception, avant tout début d'exécution du projet, c'est-à-dire avant toute exécution matérielle du projet et avant le premier acte juridique passé pour la réalisation du projet (soit avant tout devis dont la date d'acceptation (signature) est antérieure à la date d'ACT, avant tout bon de commande, avant tout paiement même partiel (...) etc.) (...) ".
7. Lorsque l'autorité compétente constate la méconnaissance d'une condition à laquelle l'octroi d'une subvention a été subordonnée, il lui appartient, sans préjudice des mesures qui s'imposent en cas de constat d'une irrégularité au regard du droit de l'Union européenne, d'apprécier les conséquences à en tirer, de manière proportionnée eu égard à la teneur de cette méconnaissance, sur la réduction ou le retrait de la subvention en cause.
8. Il résulte de l'instruction et en particulier de la lettre du 17 septembre 2019 accompagnant le titre de recettes litigieux, que la somme de 48 449,71 euros mise à la charge de M. A... par FranceAgriMer correspond à la sanction de l'article 9.5 précité, qui prévoit notamment la restitution de l'aide déjà versée, majorée, en application de l'article 9.6, de 10 %.
9. Il est constant qu'à l'appui de sa demande d'aide à l'investissement, M. A... a transmis, entre autres documents, deux devis non signés, datés du 10 et du 17 décembre 2014, correspondant à l'acquisition d'une cuve de stockage pour un montant toutes taxes comprises de 2 760 euros et d'une pompe centrifugeuse pour un montant de 1 440 euros. Ces dépenses ont été incluses dans l'assiette des dépenses éligibles pour la détermination du montant d'aide accordée à M. A... par décision du 8 novembre 2015. Il est toutefois apparu, lors de l'envoi par M. A... de sa demande de paiement de solde, que les factures correspondantes avaient été émises le 10 novembre 2014 et le 15 avril 2014, soit antérieurement à l'émission des devis, révélant ainsi que les dépenses correspondantes avaient été engagées avant la date d'autorisation de commencement des travaux, en méconnaissance de l'article 5.2 de la décision du 6 novembre 2014. Estimant que la transmission initiale des devis traduisait une manœuvre en vue de l'induire en erreur, FranceAgriMer a fait application des dispositions de l'article 9.5 précitées pour fausse déclaration. M. A..., qui a toujours reconnu, dans ses échanges avec l'administration, que les deux matériels correspondant aux factures litigieuses ont été acquis sans devis préalable avant le 8 janvier 2015, soutient que les devis ont été sollicités a posteriori par son comptable, pour répondre à la demande de l'instructeur du dossier de demande d'aide ayant constaté son caractère incomplet. M. A... a ensuite spontanément transmis les factures du 10 novembre 2014 et du 15 avril 2014 ayant permis à FranceAgriMer de constater l'anomalie du dossier. Les explications constantes de M. A... sont accréditées par le caractère marginal du montant des dépenses affectées par cette anomalie, qui ne concernent que deux factures pour un montant global de 4 200 euros sur un total de dépenses éligibles de 251 686,82 euros. Dans ces conditions, et alors que la circonstance que le formulaire signé par M. A... comportait la mention " Je certifie que le projet pour lequel la subvention est sollicitée n'a reçu aucun commencement d'exécution (...) " ne suffit à établir le caractère intentionnel de la fausse déclaration reprochée à M. A..., il ne résulte pas de l'instruction que l'anomalie entachant deux factures du dossier de demande de versement de solde présenté par M. A... ne résulterait pas d'une simple négligence. C'est par suite à tort que FranceAgriMer a fait application des dispositions de l'article 9.5 pour remettre en cause l'intégralité des tranches fonctionnelles auxquelles se rattachaient les dépenses litigieuses. Par voie de conséquence, la majoration de 10 % prévue par les dispositions de l'article 9.6 de la décision du 6 novembre 2014 et appliquée à la somme répétée à tort n'est pas davantage fondée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation du titre de perception du 11 septembre 2019 en tant qu'il porte sur une somme de 48 449,71 euros, ainsi que, par voie de conséquence et dans cette même mesure, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 8 janvier 2020.
Sur l'effet dévolutif du surplus de la requête :
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de ce que la sanction de 20 % du montant de l'aide accordée, soit 17 618,08 euros, infligée à M. A... sur le fondement de l'article 9.5 de la décision du 6 novembre 2014, serait justifiée au regard du caractère intentionnel de ses fausses déclarations, doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que FranceAgriMer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre de perception du 11 septembre 2019 en tant qu'il porte sur la somme de 17 618,08 euros, ainsi que, dans cette même mesure, le rejet du recours gracieux de M. A....
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées sur le même fondement par FranceAgriMer doivent être rejetées, M. A... n'étant pas la partie perdante dans le présent litige.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2000604, 2004571 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il prononce l'annulation totale, excédant la somme de 17 618,08 euros, du titre de perception du 11 septembre 2019 ainsi que du rejet implicite du recours gracieux de M. A....
Article 2 : Le titre de perception du 11 septembre 2019 émis par l'établissement FranceAgriMer, ainsi que la décision implicite du 8 janvier 2020 portant rejet du recours gracieux de M. A... sont annulés en tant qu'ils portent sur une somme de 48 449,71 euros, correspondant au montant d'aide déjà versée, majorée de 10 %.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par FranceAgriMer est rejeté.
Article 4 : FranceAgriMer versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à M. B... A....
Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21040