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23/05/2024 | FRANCE | N°22TL00140

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 23 mai 2024, 22TL00140


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2013 et 2014.



Par un jugement n° 2000308 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enreg

istrée le 13 janvier 2022 sous le n° 22MA00140 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2000308 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2022 sous le n° 22MA00140 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00140 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté par Me Pacini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2013 et 2014.

Il soutient que :

- les opérations de vérification de comptabilité, qui ont permis de constater qu'il n'avait pas déclaré des revenus tirés d'une activité illicite, sont irrégulières dès lors qu'elles ont été menées à l'initiative du vérificateur dans les locaux de l'administration et non à son domicile ;

- le vérificateur n'a pas apporté la preuve de l'exercice d'une activité occulte et illicite de détournement de fonds et a méconnu le principe de présomption d'innocence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... fait appel du jugement du 19 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2013 et 2014, procédant de l'imposition, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, de détournements de fonds.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) / 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 (...) ". L'article L. 73 du même livre dispose que : " Peuvent être évalués d'office : / (...) / 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes enfin du deuxième alinéa de l'article L. 169 du même livre, dans sa rédaction applicable : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a été informée par les autorités judiciaires, dans le cadre des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, de détournements de fonds commis par M. B... au moyen de faux contrats de prêts ou de faux contrats d'assurance-vie ou d'investissement. D'après les documents obtenus dans ce cadre, le mode opératoire consistait à inciter les victimes à débloquer des fonds détenus sur leurs contrats d'assurance-vie pour des placements présentés comme étant plus rémunérateurs et à se faire remettre des chèques du montant des fonds débloqués, libellés au nom de M. B... et encaissés sur ses comptes bancaires personnels ou sur des comptes de sociétés liées, qu'il contrôlait ou que contrôlait un complice. Par ces éléments, l'administration établit, d'une part, l'existence de revenus tirés d'une activité de détournement de fonds, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, d'autre part, dès lors que le contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité, d'ailleurs illicite, et qu'il n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives, l'exercice occulte de l'activité professionnelle correspondante.

4. Ainsi, M. B... se trouvait en situation d'évaluation d'office de ses bénéfices en application du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, alors même qu'il n'a pas été procédé à la mise en demeure prévue à l'article L. 68 du même livre, et la perception par l'intéressé de revenus provenant d'une activité occulte de détournement de fonds n'avait pas été révélée à l'administration par une vérification de comptabilité. Ainsi, bien que M. B... ait reconnu les faits reprochés lors des différents entretiens tenus avec le vérificateur, sa situation d'évaluation d'office de ses bénéfices n'a pas été révélée par les opérations de vérification. Dans ces conditions, les irrégularités qui ont pu entacher cette vérification, tirées de ce que les opérations ont été menées dans les locaux de l'administration, à l'initiative du vérificateur, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ". En application de ces dispositions, des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il résulte des documents, procès-verbaux et pièces établis au stade de l'enquête judiciaire, dont le service vérificateur a pris connaissance à la suite de la mise en œuvre du droit de communication prévu à l'article L. 101 du livre des procédures fiscales pour accéder au dossier d'information judiciaire ouverte contre M. B... auprès du tribunal de grande instance de Tarascon, que l'intéressé s'est livré, au cours des années en litige, à une activité de détournement de fonds. En se bornant à se prévaloir de l'absence de jugement pénal reconnaissant sa culpabilité, le requérant, qui a d'ailleurs reconnu les faits à l'occasion des différents entretiens tenus dans le cadre des opérations de vérification, ne remet pas sérieusement en cause la réalité de l'exercice de cette activité. A cet égard, la circonstance qu'aucune décision pénale n'ait été rendue à l'encontre de M. B... ne fait pas obstacle à ce que les éléments recueillis par l'administration fiscale auprès de l'autorité judiciaire soient utilisés pour établir l'impôt. Dans ces conditions, eu égard à l'indépendance des procédures fiscale et pénale, le requérant n'est pas fondé à invoquer une prétendue violation du principe de la présomption d'innocence. L'administration était par conséquent fondée à imposer les revenus correspondants dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en tant que revenus tirés d'une activité de détournement de fonds, qui a d'ailleurs un caractère illicite et occulte.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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