Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Restinclières à lui payer la somme de 599 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la responsabilité pour faute de la commune.
Par un jugement n° 2002170 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai 2022 et 22 mai 2023, M. A... C..., représenté par la SCP Lemoine Clabeaut, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Restinclières à lui payer la somme de 599 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la responsabilité pour faute de la commune et de la responsabilité sans faute de la commune pour rupture d'égalité devant les charges publiques ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Restinclières une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas statué sur l'ensemble des moyens soulevés en première instance ;
- la commune a commis des agissements fautifs de nature à engager sa responsabilité en dissuadant les acquéreurs potentiels de sa parcelle et en revendant à vil prix cette parcelle ;
- la responsabilité sans faute de la commune pour rupture d'égalité devant les charges publiques est engagée dès lors que la délibération du 22 mai 2013 modifiant le plan local d'urbanisme, qui réduit ses droits à construire sur sa parcelle, fait peser sur lui une charge anormale et spéciale ;
- son préjudice est constitué par le manque à gagner entre le prix indiqué dans le compromis de vente de sa parcelle établi en 2009 et celui auquel il l'a vendue à la commune en 2016, soit 599 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mars 2023 et 3 juin 2023, la commune de Restinclières, représentée par la SELARL Maillot Avocats Associés, conclut, à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable, à titre subsidiaire, à son rejet au fond et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance était tardive ;
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ;
- les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lemoine, représentant M. A... C..., et de Me Raynal, représentant la commune de Restinclières.
Une note en délibéré, présentée par M. A... C..., représenté par la SCP Lemoine Clabeaut, a été enregistrée le 25 avril 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Restinclières (Hérault) à lui verser la somme de 599 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements dissuasifs de cette dernière à l'encontre des acquéreurs de la parcelle cadastrée section ...dont il était propriétaire et des refus de permis de construire qu'elle lui a opposés concernant cette même parcelle. Il demande en outre, pour la première fois en appel, que la responsabilité sans faute de la même commune soit engagée pour rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors que la délibération du conseil municipal de Restinclières du 22 mai 2013 modifiant le plan local d'urbanisme de la commune, qui réduit ses droits à construire sur cette parcelle, fait peser sur lui une charge anormale et spéciale.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Montpellier a expressément répondu aux moyens contenus dans la demande et les mémoires produits par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés de ce que la commune de Restinclières aurait commis des fautes en dissuadant les acheteurs potentiels de sa parcelle et en la revendant à un prix plus bas par rapport à celui auquel il lui avait cédé. Par suite, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune :
3. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice subi par la victime.
4. D'une part, M. A... C... soutient que la commune de Restinclières s'est opposée de manière fautive aux projets des différents acquéreurs potentiels de la parcelle en litige. Toutefois, les seules attestations produites par l'appelant, en particulier celle d'une agence immobilière du 21 octobre 2019 se bornant à faire état, sans aucune précision, de trois refus du service urbanisme de la commune opposés à des projets d'acheteurs potentiels, ne permettent pas d'établir de tels agissements. Par suite, et alors au demeurant qu'il n'est pas établi que la commune aurait refusé des permis de construire à ces acquéreurs potentiels, M. A... C... ne démontre pas que la commune aurait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction que, dans le courant de l'année 2016, M. A... C... a conclu un contrat de vente de la parcelle en litige au bénéfice de la commune de Restinclières pour un montant de 430 000 euros. Si le requérant soutient que son préjudice est constitué par le manque à gagner entre le prix de cession à hauteur de 1 029 000 euros figurant dans un compromis de vente avec un acquéreur potentiel qui aurait été conclu en 2009 et le prix auquel il a vendu sa parcelle à la commune en 2016, le compromis de vente dont il se prévaut n'est ni daté ni revêtu des signatures du vendeur et de l'acquéreur. Il résulte également de l'instruction que, par délibération du 10 avril 2019, le conseil municipal de Restinclières a autorisé la vente à la société Terre du Soleil d'une partie de la parcelle communale acquise auprès de M. A... C... aux fins de construire un immeuble de seize logements pour un montant de 260 000 euros. Si M. A... C... soutient que la commune a vendu cette partie de la parcelle en litige à " vil prix ", il n'établit pas le lien de causalité entre cette vente et le préjudice dont il se prévaut tenant au manque à gagner de 599 000 euros qu'il aurait subi du fait de la non réalisation d'un compromis de vente qu'il aurait signé en 2009. Par suite, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune est engagée en raison d'agissements fautifs.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute du fait des actes réglementaires légaux :
6. Aux termes de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. Cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui tient compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan local d'urbanisme approuvé ou du document en tenant lieu ". Ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Elles ne font toutefois pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.
7. D'une part, il résulte de l'instruction que, par délibération du 22 mai 2013, le conseil municipal de Restinclières a modifié son plan local d'urbanisme et classé la parcelle en litige en zone UD1, restreignant les droits à construire sur cette parcelle appartenant alors à M. A... C.... Toutefois, il résulte également de l'instruction que cette modification est motivée par la préservation de la qualité de vie dans le village et la sécurité des déplacements routiers. Ainsi, M. A... C... ne peut pas être regardé comme supportant dans les circonstances de l'espèce une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.
8. D'autre part, ainsi qu'il a été exposé au point 5 du présent arrêt, le préjudice à hauteur de 599 000 euros dont M. A... C... demande réparation ne peut être regardé comme établi par le compromis de vente non daté et non signé concernant la parcelle dont il était propriétaire et ce préjudice se trouve en tout état de cause sans lien de causalité avec la revente par la commune d'une partie de cette parcelle. Par suite, un tel préjudice ne saurait ouvrir droit à réparation sur le fondement de la responsabilité sans faute de la commune intimée. M. A... C... n'est donc pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune est engagée du fait d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de la demande de première instance, que M. A... C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Restinclières, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. A... C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... C... une somme de 1 000 euros en application de ces mêmes dispositions à verser à la commune de Restinclières.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.
Article 2 : M. A... C... versera à la commune de Restinclières une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et à la commune de Restinclières.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21155