Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2300679 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2023, Mme A..., représentée Me Marcel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour en qualité de " salarié " autorisant à travailler sous astreinte de 50 euros par jour à compter du troisième jour ouvrable suivant le prononcé de la décision ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de procéder au réexamen de sa situation en application de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à ses conclusions subsidiaires ;
- l'application erronée des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvait pas faire l'objet d'une substitution de base légale ;
- les premiers juges auraient dû considérer que son séjour pouvait être régularisé sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
- ils auraient dû accueillir le moyen tiré de l'erreur de fait ;
- ils n'ont pas examiné sérieusement sa situation ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que la réponse au moyen tiré de l'erreur de fait est insuffisamment motivée ;
- l'arrêté de la préfète de Vaucluse est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut de visa et d'un défaut d'application de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 1° de l'article L. 422-10 du même code ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas pris en compte la création d'une entreprise ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 431-12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'accord franco-marocain ;
- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
La requête a été communiquée à la préfète de Vaucluse qui n'a pas produit d'observation.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2023.
Par ordonnance du 6 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 3 novembre 1992, est entrée en France le 29 septembre 2019 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". La préfecture de la Vienne lui a délivré le 31 décembre 2020 un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", valable jusqu'au 30 décembre 2021. Elle a sollicité le 21 décembre 2021 du préfet de la Vienne un titre de séjour " salarié " et des récépissés lui ont alors été remis, dont le dernier a expiré le 30 septembre 2022. Mme A... ayant déménagé dans le département de Vaucluse au cours de l'été 2022, elle a sollicité le 27 octobre 2022 les services de la préfecture de Vaucluse afin de bénéficier d'un titre de séjour. Ces services ayant vainement demandé à l'intéressée de lui adresser un contrat de travail à durée indéterminée accompagné d'une autorisation de travail, la préfète de Vaucluse a décidé, par un arrêté du 16 novembre 2022, de rejeter la demande de titre de séjour portant la mention " salarié " présentée par Mme A... et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme A... fait appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2022.
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté de la préfète de Vaucluse ne vise ni ne cite l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Il se borne à viser de manière générale le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans se référer au moindre article de ce code. Ainsi, cet arrêté, qui ne permet pas de comprendre les motifs de la décision de refus de titre de séjour, ne comporte pas l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est donc insuffisamment motivé.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, notamment les moyens relatifs à la régularité du jugement, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
5. Eu égard au moyen d'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2022 qui est retenu, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de Vaucluse de réexaminer la demande de Mme A... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. L'Etat versera une somme de 1 000 euros au conseil de Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 12 mai 2023 et l'arrêté du 16 novembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par Mme A... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au conseil de Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
Le président-rapporteur,
A. Barthez
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
Le République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23TL01350 2