Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2202193 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Rosé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision de la cour, au besoin sous astreinte, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour et, en tout état de cause, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges se sont abstenus de faire usage de leurs pouvoirs d'instruction dans le cadre d'une procédure inquisitoriale, notamment en ne demandant pas la production de l'entier dossier administratif sur lequel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est prononcé ;
- le tribunal administratif a méconnu les règles de répartition de la charge de la preuve en la faisant peser exclusivement sur elle ;
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut d'examen car il ne prend pas en compte les éléments médicaux qu'elle a produits concernant son état de santé ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation dès lors, notamment, que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas mis en œuvre les possibilités d'investigation prévues par les dispositions de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante tchadienne née le 5 août 1967, est entrée en France le 29 octobre 2019 sous couvert d'un visa court séjour valable jusqu'au 3 décembre 2019. Le 12 octobre 2021, elle a sollicité son admission au séjour au titre de son état de santé. Par un arrêté du 8 février 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le tribunal peut demander aux parties toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige, une telle demande constituant une simple faculté pour le juge. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier sur ce point. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif de Montpellier n'aurait pas été suffisamment éclairé par les éléments et pièces versées au dossier par les parties à l'instance et qu'en conséquence, il aurait dû exercer son pouvoir d'instruction pour compléter le dossier avant de statuer sur le litige.
3. En second lieu, en soutenant que le tribunal administratif de Montpellier a méconnu la répartition de la charge de la preuve en la faisant peser uniquement sur elle et n'a pas examiné certaines pièces alors qu'elles établissaient qu'elle ne pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, Mme A... conteste le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Ces moyens, en tant qu'ils contesteraient la régularité du jugement, doivent, dès lors, être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, les moyens tirés, d'une part, de l'insuffisance de la motivation de la décision et, d'autre part, du défaut d'examen complet de la situation de Mme A... par le préfet de l'Hérault et par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier, respectivement, au point 3 et aux points 5 et 6 du jugement attaqué.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
6. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
7. Pour refuser la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade de Mme A..., le préfet de l'Hérault s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 janvier 2022. Il résulte de cet avis que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et peut voyager sans risque.
8. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est atteinte d'un diabète de type II, d'hypertension artérielle et de drépanocytose AS. Elle a produit notamment un certificat médical du docteur B... C..., spécialiste ORL exerçant au centre hospitalo-universitaire de référence nationale du Tchad, attestant de l'échec de traitements médicaux suivis par Mme A... dans son pays d'origine concernant une plaie diabétique du pied et mentionnant le risque d'une amputation qui est " incontournable chez bon nombre de diabétiques dans le pays ". Il ne ressort toutefois pas de cette seule attestation, dont la rédaction est brève et ambiguë et qui émane d'ailleurs d'un spécialiste ORL, alors que Mme A... produit pour le reste principalement des documents de portée générale sur l'incidence du diabète en Afrique et sur les politiques publiques mises en place au Tchad pour améliorer le système de santé que, contrairement à ce qu'a estimé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, elle ne pourrait effectivement bénéficier des soins nécessaires à ses pathologies, notamment pour le diabète, dans son pays d'origine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de délivrer un titre de séjour pour raison de santé, le préfet de l'Hérault a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est présente sur le territoire français depuis le 29 octobre 2019, soit une ancienneté de séjour habituel de l'ordre de deux ans et trois mois seulement. En outre, le fils aîné de la requérante réside au Tchad où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans. Par ailleurs, Mme A... n'établit pas la réalité de ses allégations selon lesquelles elle serait veuve et aurait vendu son logement au Tchad. Ainsi, au regard de la durée et des conditions de séjour en France de Mme A..., et nonobstant la circonstance que son fils cadet réside régulièrement en France, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.
11. En quatrième lieu, Mme A... n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet de l'Hérault, qui n'était d'ailleurs pas tenu de le faire, n'a pas examiné à titre gracieux la possibilité de régulariser la situation de la requérante sur le fondement de ces dispositions. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de leur méconnaissance. En tout état de cause, en l'absence de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels, la décision portant refus de titre de séjour n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En cinquième lieu, aucune des circonstances de fait évoquées précédemment ne permet de regarder la décision du préfet de l'Hérault comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.
14. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier au point 14 du jugement attaqué.
15. En troisième lieu, aucune des circonstances de fait évoquées précédemment ne permet de regarder la décision du préfet de l'Hérault comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
17. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. Il ressort de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que Mme A... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au conseil de Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à Me Florence Rosé et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.
Le président-rapporteur,
A. Barthez
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
Le République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL01683 2