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25/04/2024 | FRANCE | N°22TL21026

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 avril 2024, 22TL21026


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Montauban a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a fixé le montant de sa reprise financière pour l'année 2018, en application du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, ainsi que de la décision du 24 mars 2022 portant rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n°2002285 du

24 février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté litigieux en tant qu'il ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Montauban a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a fixé le montant de sa reprise financière pour l'année 2018, en application du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, ainsi que de la décision du 24 mars 2022 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n°2002285 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté litigieux en tant qu'il ne prend pas en compte la hausse des dépenses réelles de fonctionnement à hauteur de 387 500 euros liée à la modification, en 2018, de la répartition de l'annuité de la dette du contrat de partenariat de la piscine, ainsi que, dans la même mesure, le rejet de son recours gracieux.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule partiellement l'arrêté préfectoral du 22 novembre 2019 et le rejet du recours gracieux ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Montauban devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 22 novembre 2019 et du rejet de son recours gracieux.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur d'appréciation en droit et en fait dès lors que les conditions de l'" élément exceptionnel " prévues par le V de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 sont cumulatives et ne sont pas remplies s'agissant de la modification de la répartition de l'annuité de la dette de la piscine municipale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, la commune de Montauban, représentée par Me Schmidt, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il n'a annulé que partiellement l'arrêté préfectoral du 22 novembre 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 en tant qu'il procède à la réintégration de dépenses correspondant à des charges transférées à compter de 2018 sur des budgets annexes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;

- les retraitements à la hausse opérés par le préfet de Tarn-et-Garonne méconnaissent les dispositions de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 ainsi que les recommandations du guide pratique des modalités financières et comptables de retraitement des dépenses réelles de fonctionnement.

Une ordonnance du 25 octobre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me Schmidt, représentant la commune de Montauban.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté non contesté du 20 septembre 2018, le préfet de Tarn-et-Garonne a, en application de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, fixé le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement de la commune de Montauban, à hauteur de 63 718 587 euros au titre de l'année 2018. Le compte de gestion définitif de l'année 2018 a arrêté le montant total des dépenses réelles de fonctionnement de la commune à une somme de 63 822 976 euros. Toutefois, et à l'issue d'une procédure contradictoire, le préfet de Tarn-et-Garonne a constaté un écart de 886 649 euros entre le niveau de dépenses réelles exécutées en 2018, après retraitement, et le niveau maximal précédemment fixé, et a prononcé, par arrêté du 22 novembre 2019 pris en application du VI de l'article 29 de la loi précitée, une reprise financière à hauteur de 100 % de cet écart. Le recours gracieux formé par la commune de Montauban contre ce dernier arrêté a été rejeté par le préfet de Tarn-et-Garonne le 24 mars 2020. Par jugement du 24 février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 22 novembre 2019 en tant qu'il ne prenait pas en compte la hausse des dépenses réelles de fonctionnement liée à la modification de la répartition de l'annuité de la dette du contrat de partenariat de la piscine, ainsi que, dans la même mesure, le rejet du recours gracieux. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait appel de ce jugement devant la cour en tant qu'il annule partiellement l'arrêté préfectoral du 22 novembre 2019. Par la voie de l'appel incident, la commune de Montauban demande à la cour d'annuler le jugement en tant qu'il n'a pas intégralement annulé l'arrêté litigieux.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par les parties, ont suffisamment exposé, aux points 2, 3 et 5, les motifs justifiant leur solution ainsi que le raisonnement les ayant conduits à faire droit à la demande de la commune de Montauban s'agissant de la prise en compte de la modification de la répartition des charges de la dette résultant du contrat de partenariat de la piscine.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 : " I. - Des contrats conclus à l'issue d'un dialogue entre le représentant de l'Etat et les régions, la collectivité de Corse, les collectivités territoriales de Martinique et de Guyane, les départements et la métropole de Lyon ont pour objet de consolider leur capacité d'autofinancement et d'organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public. / Des contrats de même nature sont conclus entre le représentant de l'Etat, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l'année 2016 sont supérieures à 60 millions d'euros. / (...) III. - Les dépenses réelles de fonctionnement s'entendent comme le total des charges nettes de l'exercice entraînant des mouvements réels au sein de la section de fonctionnement des collectivités ou établissements concernés. Elles correspondent aux opérations budgétaires comptabilisées dans les comptes de classe 6, à l'exception des opérations d'ordre budgétaire, et excluent en totalité les valeurs comptables des immobilisations cédées, les différences sur réalisations (positives) transférées en investissement et les dotations aux amortissements et provisions. / (...) V. - A compter de 2018, il est constaté chaque année la différence entre le niveau des dépenses réelles de fonctionnement exécuté par la collectivité territoriale ou l'établissement et l'objectif annuel de dépenses fixé dans le contrat. Cette différence est appréciée sur la base des derniers comptes de gestion disponibles. / (...) Le niveau des dépenses réelles de fonctionnement considéré pour l'application du deuxième alinéa du présent V prend en compte les éléments susceptibles d'affecter leur comparaison sur plusieurs exercices, et notamment les changements de périmètre et les transferts de charges entre collectivité et établissement à fiscalité propre ou la survenance d'éléments exceptionnels affectant significativement le résultat. Le représentant de l'Etat propose, s'il y a lieu, le montant de la reprise financière. / (...) VI. - Pour les collectivités territoriales et établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre entrant dans le champ des deux premiers alinéas du I du présent article et n'ayant pas signé de contrat dans les conditions prévues au même I, le représentant de l'Etat leur notifie un niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement qui évolue comme l'indice mentionné au III de l'article 13, après application des conditions prévues au IV du présent article. / Ces collectivités et établissements se voient appliquer une reprise financière si l'évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement dépasse le niveau arrêté en application du premier alinéa du présent VI. Le montant de cette reprise est égal à 100 % du dépassement constaté. / Le montant de cette reprise ne peut excéder 2 % des recettes réelles de fonctionnement du budget principal. / Les troisième à dernier alinéas du V s'appliquent (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées que le représentant de l'État doit apprécier le niveau des dépenses réelles de fonctionnement en prenant en compte les éléments susceptibles d'affecter leur comparaison sur plusieurs exercices, notamment les changements de périmètre ou la survenance d'éléments exceptionnels affectant significativement le résultat. Les dépenses réelles de fonctionnement s'entendent comme le total des charges nettes de l'exercice entraînant des mouvements réels au sein de la section de fonctionnement des collectivités ou établissements concernés, et correspondent aux opérations budgétaires comptabilisées dans les comptes de classe 6.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'est intervenue, au cours de l'exercice 2018, une modification de la répartition des charges de la dette de la commune de Montauban résultant du contrat de partenariat de la piscine conclu en 2013. Le montant global de l'annuité est resté inchangé. Toutefois, le montant des intérêts, supporté par la section de fonctionnement, est passé de 44 110,98 euros en 2017 à 431 610,55 euros en 2018, tandis que le montant du remboursement en capital, supporté par la section d'investissement, a diminué à due proportion. Cette modification, prévue au contrat, a eu pour conséquence d'augmenter de 387 500 euros la charge des intérêts de la dette en 2018, représentant 54 % du montant des charges financières réalisées au chapitre 66 du budget principal de la commune en 2017. Un tel événement, qui résulte directement de l'exécution du contrat de partenariat conclu entre la commune et son prestataire, et a vocation à se répéter dans le temps dès lors qu'il modifie pour l'avenir les modalités de remboursement de la dette supportée par la commune, n'est pas susceptible, eu égard à son caractère prévisible et non occasionnel, de caractériser la survenance d'un élément exceptionnel au sens des dispositions du V de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 précitée. Il constitue néanmoins, eu égard notamment à l'objectif du dispositif tenant à la contribution des collectivités territoriales à l'effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique, un élément susceptible d'affecter la comparaison des dépenses réelles de fonctionnement entre les exercices, au sens de ces mêmes dispositions, lesquelles n'énumèrent pas de manière exhaustive les éléments devant être pris en compte pour apprécier le niveau des dépenses réelles de fonctionnement exécuté. Il appartenait donc au préfet de le prendre en compte au titre des retraitements pour déterminer le montant des dépenses réelles de fonctionnement exécutées au titre de l'exercice 2018.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 22 novembre 2019 en tant qu'il ne prend pas en compte la hausse des dépenses réelles de fonctionnement à hauteur de 387 500 euros liée à la modification, en 2018, de la répartition de l'annuité de la dette du contrat de partenariat de la piscine, ainsi que dans cette même mesure le rejet du recours gracieux de la commune de Montauban.

Sur l'appel incident :

7. Il ressort des pièces du dossier que, jusqu'en 2017, les dépenses de personnel de la cantine centrale étaient intégrées au budget principal de la commune de Montauban, au compte 64, et ont dès lors été incluses dans le montant des dépenses réelles de fonctionnement arrêté au titre de l'année 2017, lequel a permis de fixer le niveau maximal annuel de ces dépenses au titre des années 2018 à 2020. Si le budget principal était alors alimenté par un versement correspondant du budget annexe, une telle circonstance est demeurée sans incidence sur la détermination du niveau des dépenses réelles de fonctionnement dès lors que le produit correspondant était imputé sur le compte 708 du budget principal, non pris en compte pour déterminer le périmètre des dépenses réelles de fonctionnement, qui n'intègrent que les comptes de classe 6. Il ressort encore des pièces du dossier qu'à compter de 2018, les dépenses de personnel litigieuses ont été transférées au budget annexe de la cuisine centrale, conformément à une invitation de régularisation de la chambre régionale des comptes Occitanie. Ainsi que l'a jugé le tribunal, c'est à bon droit que le préfet a considéré que le montant correspondant devait être pris en compte au titre des dépenses réelles de fonctionnement de l'année 2018 dès lors que cette charge était incluse dans le total des charges nettes de l'exercice 2017 et que son éviction, en 2018, aurait conduit à une distorsion du périmètre des dépenses. Le retraitement ainsi opéré par le préfet, qui ne correspond pas, contrairement à ce que soutient la commune, à l'intégration de dépenses nouvelles, vise seulement à neutraliser la minoration artificielle des dépenses résultant d'un changement de comptabilisation. Il est ainsi conforme aux dispositions précitées du V de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018, et ne méconnaît ni l'objectif du dispositif qu'elles instituent, ni les recommandations, au demeurant non opposables, du guide pratique des modalités financières et comptables de retraitement des dépenses réelles de fonctionnement dont se prévaut la commune de Montauban. Pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que le préfet a opéré un retraitement à la hausse correspondant aux dépenses de taxes foncières transférées à divers budgets annexes à compter de 2018 et précédemment incluses dans le total des charges nettes de l'exercice 2017.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montauban n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 novembre 2019 en tant qu'il procède à la réintégration de dépenses correspondant à des charges transférées à compter de 2018 sur des budgets annexes.

Sur les frais liés au litige :

9. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Montauban au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Montauban présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à la commune de Montauban la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Montauban.

Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

A. Barthez, président,

N. Lafon, président assesseur,

C. B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21026


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21026
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-07 Collectivités territoriales. - Dispositions générales. - Dispositions financières.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS VEDESI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-25;22tl21026 ?
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