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25/04/2024 | FRANCE | N°22TL00054

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 avril 2024, 22TL00054


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 54 émis à son encontre le 15 mai 2019 par la commune de Catllar (Pyrénées-Orientales), pour un montant de 14 859 euros, ainsi que la lettre de relance reçue le 6 juillet 2019.



Par un jugement n° 1904233 du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 54 émis à son encontre le 15 mai 2019 par la commune de Catllar (Pyrénées-Orientales), pour un montant de 14 859 euros, ainsi que la lettre de relance reçue le 6 juillet 2019.

Par un jugement n° 1904233 du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2022, et deux mémoires complémentaires enregistrés le 2 juin 2022 et le 29 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Margall, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 54 émis à son encontre le 15 mai 2019 par la commune de Catllar, pour un montant de 14 859 euros, ainsi que la lettre de relance reçue le 6 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Catllar une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a, à tort, estimé que les conclusions dirigées contre le titre exécutoire étaient tardives ;

- c'est également à tort qu'il a jugé que la lettre de relance contestée n'était pas susceptible de recours ;

- le mémoire en défense, enregistré par le tribunal le 14 janvier 2020, était irrecevable, faute d'accord spécifique du conseil municipal ;

- le titre exécutoire ne comporte pas l'indication des bases de liquidation de la créance ;

- une participation pour voirie et réseaux ne peut lui être réclamée, dès lors qu'elle n'a pas d'autorisation d'urbanisme et que la convention de préfinancement du 12 décembre 2003, qui est dépourvue de valeur contractuelle, ne peut servir de base légale au titre contesté ;

- le calcul de la participation ne tient pas compte de la modification de la superficie de ses parcelles et de l'absence d'exécution intégrale des travaux.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 7 juillet 2022 et le 29 novembre 2022, la commune de Catllar, représentée par Me Bonnet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le litige, qui relève du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales, est de la compétence de la juridiction judiciaire ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 27 octobre 2023, le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en mettant hors de cause la direction des finances publiques en application du principe de la séparation des ordonnateurs et comptables.

Par ordonnance du 27 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Akel pour Mme B....

Une note en délibéré présentée pour Mme B... par Me Margall et Me Akel a été enregistrée le 4 avril 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... fait appel du jugement du 15 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 54 émis à son encontre le 15 mai 2019 par la commune de Catllar (Pyrénées-Orientales), pour un montant de 14 859 euros, au titre du paiement d'une participation pour voirie et réseaux relative à deux parcelles dont elle est propriétaire au lieu-dit " Le Figueral ", ainsi que de la lettre de relance émise le 21 juin 2019 par le comptable public du centre des finances publiques de Prades, reçue le 6 juillet 2019.

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel (...) émis par la collectivité territoriale (...) permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale (...) pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) / (...) / 6° Pour les créances d'un montant inférieur à 15 000 €, la mise en demeure de payer est précédée d'une lettre de relance adressée par le comptable public compétent ou d'une phase comminatoire, par laquelle il demande à un huissier de justice d'obtenir du redevable qu'il s'acquitte auprès de lui du montant de sa dette. / (...) / Lorsque la lettre de relance ou la phase comminatoire n'a pas été suivie de paiement, le comptable public compétent peut adresser une mise en demeure de payer. Dans ce cas, l'exécution forcée des poursuites donnant lieu à des frais peut être engagée à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la notification de la mise en demeure de payer (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) /

Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

5. En premier lieu, la contestation du titre exécutoire n° 54 émis le 15 mai 2019, relatif au paiement d'une participation pour voirie et réseaux, relève du contentieux du bien-fondé d'une créance de nature administrative. Elle relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

6. En second lieu, la participation pour voirie et réseaux prévue par l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, avant son abrogation par la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, constitue une créance non fiscale. La contestation de la lettre de relance prévue au 6° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, qui invite le débiteur défaillant à s'acquitter de sa dette avant l'engagement de poursuites pour son recouvrement forcé et qui constitue ainsi un acte préparatoire d'un acte de poursuite, relève, en vertu des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales et lorsqu'elle concerne le paiement d'une participation pour voirie et réseaux instituée par une commune, du contentieux du recouvrement d'une créance non fiscale d'une collectivité territoriale et, par suite, de la compétence du juge de l'exécution. Il s'ensuit qu'il n'appartient pas aux juridictions administratives de connaître des conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la lettre de relance émise le 21 juin 2019. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement du 15 novembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ces conclusions sans relever l'incompétence de la juridiction administrative et, statuant par voie d'évocation, de les rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la recevabilité du mémoire en défense de première instance :

7. Aux termes de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune ". L'article L. 2122-22 du même code dispose que : " Le maire peut (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) / 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat.

8. Par une délibération n° 2014-168 du 14 avril 2014, le conseil municipal de Catllar a, sur le fondement des dispositions citées au point 7, autorisé le maire à défendre la commune dans les actions dirigées contre elle. Par une délibération n° 2020-010 du 3 juillet 2020, le conseil municipal a renouvelé cette délégation, en précisant qu'elle concernait " toutes les actions en cours ou à venir auprès de toutes les juridictions ". Cette délégation, bien qu'elle ne définisse pas tous les cas dans lesquels le maire pourra agir en justice, lui a donné qualité pour agir en justice au nom de la commune et la représenter régulièrement dans l'instance l'opposant à Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier. Il s'ensuit que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le mémoire en défense présenté par la commune de Catllar devant le tribunal administratif de Montpellier, qui opposait une fin de non-recevoir à la demande de Mme B..., était irrecevable. De la même manière, la délibération du 3 juillet 2020, d'ailleurs confirmée par une délibération n° 2022-038 du 28 novembre 2022, spécifique à la présente instance d'appel, habilite régulièrement le maire de Catllar à présenter les observations en défense de la commune devant la cour.

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier :

9. Il est constant que Mme B... a reçu notification le 25 mai 2019 du titre exécutoire n° 54 émis à son encontre le 15 mai 2019. Ce titre comportait l'indication des voies et délais de recours et la circonstance qu'il ne précisait pas la juridiction compétente à l'intérieur de la juridiction administrative pour connaître d'un recours éventuel est sans influence sur la computation des délais. La lettre adressée à la commune de Catllar le 2 juillet 2019 se bornait à indiquer que le titre exécutoire " ne s'appuyant pas sur des bases légales, je me vois dans l'obligation de saisir le tribunal administratif pour en solliciter l'annulation " et à demander le règlement de sommes dues en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mars 2019. Elle ne contenait aucune demande tendant au retrait de ce titre. Ainsi, cette lettre, qui ne présentait pas le caractère d'un recours gracieux, n'a pu avoir pour effet d'interrompre le délai du recours contentieux. Les conclusions de la demande dirigées contre le titre contesté, qui ont été enregistrées le 9 août 2019 au greffe du tribunal administratif de Montpellier, soit après l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois prévu au 1° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, qui a commencé à courir le 25 mai 2019, étaient tardives. Dès lors, les premiers juges ont pu les rejeter comme irrecevables sans entacher leur jugement d'irrégularité.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions dirigées contre le titre exécutoire n° 54 émis à son encontre le 15 mai 2019.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Catllar, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Catllar de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1904233 du 15 novembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la lettre de relance émise le 21 juin 2019.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la lettre de relance émise le 21 juin 2019 sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme B... est rejeté.

Article 4 : Mme B... versera à la commune de Catllar la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Catllar.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL00054 2


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00054
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par des textes spéciaux.

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - État exécutoire.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais - Existence ou absence d'une forclusion.

Urbanisme et aménagement du territoire - Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : BONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-25;22tl00054 ?
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