Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de suspendre les effets de l'arrêté du 6 mai 2021 l'obligeant à quitter le territoire français et de lui délivrer, dans un délai de 7 jours à compter du jugement à intervenir un formulaire de demande de titre de séjour " étranger malade ", et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à intervenir.
Par un jugement n° 2201641 du 6 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2022 et des pièces complémentaires enregistrées le 08 septembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Sergent, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201641 du 6 avril 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un formulaire de demande de titre de séjour " étranger malade " dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à venir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- il a également a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'a pas usé de ses pouvoirs d'instruction ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation ;
- il est entaché d'une contradiction de motifs ;
- le préfet a commis une erreur de droit en estimant que la dégradation de son état de santé est sans incidence sur le caractère exécutoire de la décision portant éloignement ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L.611-3-9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales compte tenu son état de santé.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial Pech de Laclause Escale Knoepffler Huot Piret Joubes, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Il fait valoir que :
- dans l'hypothèse où il serait considéré que Mme B... était dans l'impossibilité de regagner son pays d'origine, la décision d'assignation à résidence pouvait être légalement prise sur le fondement des dispositions l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 juin 2022.
Par une ordonnance du 25 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 mai 2023 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,
- et les observations de Me Rolland substituant Me Joubes pour le préfet des Pyrénées-rientales.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante gabonaise née le 7 juin 1972, relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 avril 2022 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " et aux termes de son article L. 732-3 : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ".
3. D'autre part aux termes de l'article L. 731-3 du même code : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...). Et l'article L. 732-4 du même code précise que : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée. Toutefois, dans les cas prévus aux 2° et 5° du même article, elle ne peut être renouvelée que tant que l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire. ".
4. Le préfet des Pyrénées-Orientales a assigné Mme B... à résidence pour une durée de 45 jours afin de préparer son éloignement vers son pays d'origine. Si l'intéressée dispose d'un passeport en cours de validité, il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux des 1er et 31 mars 2022 établis par le gastro-entérologue du centre hospitalier de Perpignan que Mme B... souffre d'une pathologie chronique lourde la mettant dans l'impossibilité de prendre l'avion. Dans ces conditions, son éloignement ne pouvait être regardé, à la date de la décision attaquée, comme une perspective raisonnable au sens des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Si le préfet des Pyrénées-Orientales demande de substituer à l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'article L. 731-3 du même code, l'assignation à résidence d'une durée maximum de 45 jours renouvelable une fois dans le cas où existe une perspective raisonnable d'éloignement au sens des dispositions citées au point 2 et l'assignation à résidence d'une durée de 6 mois maximum dans le cas dérogatoire où une perspective d'éloignement est à attendre au sens des dispositions citées au point 3, sont deux décisions de nature différente, dont les contestations sont régies par des procédures contentieuses distinctes. Par suite, il ne peut être procédé à la substitution de base légale sollicitée.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit mis fin à la mesure d'assignation dont l'annulation est prononcée. Par suite les conclusions de Mme B... sollicitant la délivrance d'un formulaire de demande de titre de séjour " étranger malade " dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ou celles sollicitant le réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à venir doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sergent, conseil de Mme B..., d'une somme de 1 000 euros, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2201641 du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 30 mars 2022 du préfet des Pyrénées-Orientales est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à Me Sergent, conseil de Mme B..., une somme de 1 000 euros, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B..., à Me Sergent et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera faite au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.
La rapporteure,
C. Arquié
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 22TL21158