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29/02/2024 | FRANCE | N°21TL03694

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 21TL03694


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Eight Oysters Company LLC a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, d'une somme de 274 913 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'exercice clos en 2017 en application des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts.



Par un jugement n° 1902079 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure

devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 27 août 2021 sous le n° 21MA03694 au greffe de la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eight Oysters Company LLC a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, d'une somme de 274 913 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'exercice clos en 2017 en application des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1902079 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2021 sous le n° 21MA03694 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03694 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 février 2022, la société Eight Oysters Company LLC, représentée par Me Foucault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, d'une somme de 274 913 euros dont elle s'estime titulaire au titre de l'exercice clos en 2017 en application des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts.

Elle soutient qu'elle remplit les conditions prévues au V de l'article 244 bis A du code général des impôts pour obtenir la restitution de l'excédent de prélèvement, acquitté à l'occasion de la cession d'un bien immobilier le 21 décembre 2017 et qui s'impute sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû en France au titre de l'exercice clos le même jour, alors même qu'elle n'a pas acquitté un tel impôt et que ce dernier n'a pas été mis en recouvrement.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 7 décembre 2021 et le 24 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par la société requérante n'est pas fondé.

Par ordonnance du 28 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2022.

Par une lettre du 10 janvier 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant au versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en l'absence de litige né et actuel avec le comptable public.

Par un mémoire, enregistré le 11 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a présenté des observations en réponse à la mesure d'information du 10 janvier 2024.

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2024, la société Eight Oysters Company LLC a présenté des observations en réponse à la mesure d'information du 10 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eight Oysters Company LLC a vendu, le 21 décembre 2017, un bien immobilier situé route de Vacqueyras, Les Eygaux, à Sarrians (Vaucluse), qu'elle avait acquis le 8 novembre 2002. La plus-value réalisée à cette occasion a donné lieu au paiement d'une somme de 324 370 euros au titre du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts. Par ailleurs, la société Eight Oysters Company LLC a déposé, au titre de son exercice clos le 21 décembre 2017, une déclaration de résultats faisant apparaître un bénéfice de 175 237 euros donnant lieu, selon elle, à un impôt sur les sociétés de 49 457 euros. Estimant que le prélèvement acquitté s'imputait sur ce montant, la société a présenté concomitamment, en application des dispositions du V de l'article 244 bis A du code général des impôts, une demande de remboursement d'une somme de 274 913 euros correspondant à la différence entre le montant du prélèvement et celui de l'impôt sur les sociétés. Cette réclamation ayant été implicitement rejetée par l'administration fiscale, la société a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la restitution de cette somme, assortie des intérêts moratoires. Elle fait appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la demande en restitution :

2. Aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts : " I. - 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon les taux fixés au III bis. (...) / 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : (...) b) Les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France (...) / 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : / a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens (...) / V. - Le prélèvement mentionné au I (...) s'impute, le cas échéant, sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable à raison de cette plus-value au titre de l'année de sa réalisation. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué aux personnes morales résidentes d'un Etat de l'Union européenne ou d'un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en matière d'échange de renseignements et de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et n'étant pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A ".

3. En premier lieu, il n'est pas sérieusement contesté que le siège social de la société Eight Oysters Company LLC, qui est identifié au 575 Madison Avenue à New-York (Etats-Unis d'Amérique) dans les déclarations de résultats des exercices clos les 31 décembre 2003 et 2004, dans l'acte de vente du 21 décembre 2017, dans la déclaration de plus-value correspondante et dans l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés le 7 juin 2018, a toujours été situé hors de France, ainsi que le confirme un justificatif de résidence établi en juillet 2020.

4. En deuxième lieu, la circonstance que la déclaration de plus-value sur les cessions d'immeubles souscrite pour la société Eight Oysters Company LLC le 21 décembre 2017 n'aurait pas été déposée auprès du service des impôts des entreprises de Carpentras ou du service des impôts des entreprises étrangères, alors qu'une telle formalité n'est d'ailleurs pas prévue par les dispositions de l'article 171 quater de l'annexe II au code général des impôts dans le cas d'une cession constatée par un acte, est en tout état de cause sans incidence sur le droit à restitution que la requérante revendique sur le fondement du V de l'article 244 bis A du même code, dès lors qu'il est établi que le prélèvement prévu par cet article, d'un montant de 324 338 euros, a été régulièrement acquitté.

5. En troisième lieu, l'excédent dont les dispositions précitées du V de l'article 244 bis A du code général des impôts permettent la restitution correspond à la différence entre le montant du prélèvement sur la plus-value mentionné au I du même article et celui de l'impôt sur les sociétés dû, et non pas seulement acquitté, par le contribuable à raison de cette plus-value au titre de l'année de sa réalisation. Il en résulte que la circonstance que la société Eight Oysters Company LLC n'a pas été effectivement assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 21 décembre 2017 est, à elle-seule, sans incidence sur le bien-fondé de sa demande en restitution. De la même manière, le ministre ne peut utilement se prévaloir de l'irrégularité des déclarations de résultats de la société, justifiant selon lui cette absence d'assujettissement, pour refuser la restitution réclamée. Tel est le cas, en particulier, de la circonstance que la société Eight Oysters Company LLC n'aurait pas souscrit ses déclarations par voie électronique.

6. Par ailleurs, l'existence de la société Eight Oysters Company LLC était opposable à l'administration fiscale pour l'exercice clos en 2017, en dépit de son défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, qui n'est intervenue que le 7 juin 2018, dès lors qu'elle en avait eu connaissance, en tout état de cause, par le dépôt de ses déclarations de résultats depuis 2004. Dans ces conditions, l'absence d'enregistrement de la société, qui a d'ailleurs été régularisée le 7 juin 2018, avec un effet rétroactif au 1er décembre 2002, ne pouvait justifier le refus de restitution contesté.

7. Enfin, dès lors que la réclamation présentée par la société Eight Oysters Company LLC ne constituait pas une demande de restitution d'acomptes provisionnels d'impôt sur les sociétés, elle n'avait pas à être accompagnée de la production d'un relevé de solde, lequel est prévu par l'article 360 de l'annexe III au code général des impôts pour informer l'administration du détail de la liquidation de l'impôt sur les sociétés mentionnée au 2 de l'article 1668 du même code et, le cas échéant, de l'existence d'un excédent de versement de cet impôt.

8. En quatrième lieu, la société Eight Oysters Company LLC, dont il n'est pas contesté qu'elle s'est livrée en France, jusqu'à la cession du 21 décembre 2017, à une activité de location d'un bien immobilier meublé, exerçait une activité lucrative, la rendant passible de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 du code général des impôts. Par suite, cette société, qui a déclaré avoir réalisé un bénéfice de 175 237 euros au titre de l'exercice clos en 2017, est en droit de demander, sur le fondement des dispositions précitées du V de l'article 244 bis A du code général des impôts, la restitution, dans la limite de 274 913 euros, de l'excédent correspondant à la différence entre le montant du prélèvement acquitté, qui s'est élevé à 324 370 euros, et celui de l'impôt sur les sociétés dû à raison de la seule plus-value réalisée à l'occasion de la cession du 21 décembre 2017. Ce second montant est potentiellement différent de celui de la cotisation d'impôt sur les sociétés dont la requérante était redevable à hauteur de 49 457 euros au titre de l'exercice clos en 2017.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Eight Oysters Company LLC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de restitution de la somme de 274 913 euros.

Sur la demande tendant à l'octroi d'intérêts moratoires :

10. Faute de litige né et actuel avec le comptable public responsable de la restitution de la somme de 274 913 euros, les conclusions de la société Eight Oysters Company LLC tendant à ce que cette restitution soit assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, sont en tout état de cause irrecevables.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Eight Oysters Company LLC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2021 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la société Eight Oysters Company LLC la restitution de l'excédent correspondant à la différence entre la somme de 324 370 euros et le montant de l'impôt sur les sociétés dû à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession du 21 décembre 2017, dans la limite de 274 913 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Eight Oysters Company LLC est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eight Oysters Company LLC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, où siégeaient :

- M. Lafon, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Restino, première conseillère,

- Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le président rapporteur,

N. Lafon

L'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

V. Restino

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL03694 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03694
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. LAFON
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : CABINET J-P. FOUCAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;21tl03694 ?
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