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30/01/2024 | FRANCE | N°22TL21201

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 22TL21201


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... et Mme B... C... et M. E... C..., leurs fils, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'une part, d'annuler les décisions des 23 septembre et 31 décembre 2013 par lesquelles la société Électricité Réseau Distribution France a refusé de faire droit à leurs demandes d'enlèvement du poteau électrique et des câbles irrégulièrement implantés sur leur parcelle ... et d'annuler la décision implicite de refus opposée par cette société à leur demande du 10

février 2014 d'enlèvement du câble irrégulièrement implanté sur la parcelle ..., d'autre part,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et Mme B... C... et M. E... C..., leurs fils, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'une part, d'annuler les décisions des 23 septembre et 31 décembre 2013 par lesquelles la société Électricité Réseau Distribution France a refusé de faire droit à leurs demandes d'enlèvement du poteau électrique et des câbles irrégulièrement implantés sur leur parcelle ... et d'annuler la décision implicite de refus opposée par cette société à leur demande du 10 février 2014 d'enlèvement du câble irrégulièrement implanté sur la parcelle ..., d'autre part, d'enjoindre à cette société d'enlever le poteau et les câbles souterrains dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et enfin, de condamner cette société à leur verser une indemnité de 8 000 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2013 et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement avant-dire droit n° 1401035 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision de la société Électricité Réseau Distribution France de refus de retrait du câble électrique implanté sur la parcelle ... et à fin d'injonction et, d'autre part, sursis à statuer sur le surplus des conclusions jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la propriété de la bande de terrain située au droit de la parcelle ... et la route départementale n° ..., sur laquelle sont implantés les ouvrages litigieux.

Par un jugement n° 1401035 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions des consorts C... qui avaient été réservées par le jugement avant-dire-droit du 31 janvier 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire en communication de pièces, enregistré le 11 janvier 2024 et n'ayant pas été communiqué, M et Mme A... C... et M. E... C..., leur fils, représentés par Me Courrech, demandent à la cour :

1°) d'annuler ces jugements du tribunal administratif de Toulouse des 31 janvier 2017 et 24 mars 2022 et les décisions des 23 septembre et 31 décembre 2013 par lesquelles la société Électricité Réseau Distribution France a refusé de faire droit à leurs demandes d'enlèvement du poteau électrique et des câbles irrégulièrement implantés sur leur parcelle ... et d'annuler la décision implicite de refus opposée par cette société à leur demande du 10 février 2014 d'enlèvement du câble irrégulièrement implanté sur la parcelle ... ;

2°) d'enjoindre à la société Électricité Réseau Distribution France devenue Enedis d'enlever, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de deux cents euros par jour de retard, le poteau électrique et les câbles souterrains implantés sur la parcelle ... et sur la parcelle indivise ... ;

3°) de condamner cette société à leur verser la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2013 ;

4°) de mettre à la charge de cette société la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement avant-dire droit du 31 janvier 2017, qui a posé, à tort, en l'absence de difficulté sérieuse, une question préjudicielle au juge judiciaire sur la question de la propriété de la bande de terre sur laquelle est implanté le poteau électrique en litige, doit être annulé ;

- le jugement du 24 mars 2022, qui a mis fin à l'instance, n'a pas, à tort, maintenu le sursis à statuer dans l'attente d'une décision irrévocable du juge judiciaire sur la question de la propriété de la bande de terrain située au droit de leur parcelle ... ;

- en ce qui concerne l'emprise irrégulière sur la parcelle ..., le câble souterrain implanté en décembre 2011 sur cette parcelle a été installé sans la constitution préalable d'une servitude au profit de la société Électricité Réseau Distribution France ;

- la convention instituant une servitude administrative et autorisant le concessionnaire du réseau électrique à implanter des éléments de ce réseau, est sans aucun rapport avec la servitude civile de passage entre deux fonds, prévue à l'article 637 du code civil ; dès lors, que ces servitudes n'ont pas le même objet, leur consentement à la servitude civile de passage ne vaut pas consentement à la servitude administrative qu'ils ont expressément refusé de signer ;

- la présence de la ligne sur la parcelle ... présente des inconvénients ; son enlèvement ne portera pas atteinte à l'intérêt général puisqu'elle ne dessert qu'un seul bâtiment recouvert de panneaux photovoltaïques, construit sur la parcelle ... en toute illégalité ;

- en ce qui concerne la question de la propriété de la bande de terre sur laquelle sont implantés le poteau et la ligne électrique, le poteau électrique et son socle sont implantés dans leur champ et dans une bande de 50 centimètres après la crête du talus ; la propriété de la bande de terrain située au droit de leur parcelle ... ne présentait aucune difficulté sérieuse ;

- l'installation du poteau électrique et des câbles souterrains sur la parcelle ... et ... dont ils sont propriétaires, constitue une emprise irrégulière ;

- la responsabilité pour faute de la société Enedis est engagée du fait de l'emprise irrégulière des ouvrages en litige ; ils subissent un trouble de jouissance dans l'exploitation agricole de leur champ et une gêne pour la manœuvre de leurs engins agricoles hors gabarit du fait de la présence du poteau électrique et de la ligne électrique souterraine implantée sur la parcelle ... ;

- indépendamment de la propriété du poteau, ils subissent, du fait de la présence du poteau, un trouble de jouissance dans l'exploitation de leur champ ;

- la responsabilité sans faute de la société Enedis est engagée dès lors qu'ils subissent du fait de la présence des ouvrages électriques en litige, un préjudice anormal et spécial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2023, et une pièce, enregistrée le 12 décembre 2023, la société Enedis, représentée par Me Piquemal, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de déplacement des ouvrages électriques implantés sur la parcelle ... est irrecevable dès lors que cette demande constitue un manquement par les appelants à leurs obligations contractuelles, les intéressés ne justifiant pas d'un intérêt licite et légitime à agir ;

- les ouvrages électriques ont été régulièrement implantés sur la parcelle ... en vertu d'une convention de servitude opposable aux appelants ;

- la demande de déplacement du poteau électrique est irrecevable dès lors que le tribunal judiciaire de Toulouse a jugé, le 14 octobre 2021, que cet ouvrage n'est pas implanté sur la propriété des appelants ;

- les conclusions indemnitaires des appelants ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'ils ne sont pas fondés à contester la régularité des emprises des ouvrages qu'elle exploite.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées par lettre du 2 janvier 2024 que la cour est susceptible de soulever d'office l'incompétence du juge administratif à connaître des conclusions indemnitaires concernant le dommage occasionné par la présence de la ligne électrique implantée sur la parcelle ... qui est la conséquence directe de la servitude que constitue ladite ligne électrique.

Un mémoire en réponse à cette information, enregistré le 3 janvier 2024, a été présenté pour les consorts C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'énergie ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Köth représentant les consorts C....

Considérant ce qui suit :

1. M et Mme A... C... sont propriétaires d'une parcelle cadastrée ... riveraine de la route départementale ... A au lieu-dit ... à ... (Haute-Garonne) et, en indivision avec leur fils E... et les consorts G..., d'une parcelle ... contiguë à la parcelle .... En décembre 2011, la société Électricité Réseau Distribution France a installé une canalisation électrique souterraine sur la parcelle ... et, en janvier 2012, un poteau électrique et une ligne aérienne en bordure de la route départementale n° .... Estimant que ce dernier ouvrage empiétait sur leur parcelle ... et que le câble souterrain installé sous la parcelle ... l'avait été sans autorisation, les consorts C... ont demandé à la société Électricité Réseau Distribution France, devenue Enedis, l'enlèvement de ces ouvrages électriques et l'indemnisation des préjudices ayant découlé de leur implantation. Ces derniers relèvent appel du jugement avant-dire droit du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision de la société Électricité Réseau Distribution France de refus de retrait du câble électrique implanté sur la parcelle ... et à fin d'injonction et, d'autre part, sursis à statuer sur le surplus des conclusions jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la propriété de la bande de terrain située au droit de la parcelle ... et la route départementale n° ..., sur laquelle sont implantés les ouvrages litigieux. Ils relèvent également appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel ce tribunal a rejeté leurs conclusions qui avaient été réservées par le jugement avant-dire-droit du 31 janvier 2017.

Sur les conclusions tendant à l'enlèvement du poteau électrique implanté sur la parcelle ZH 51 :

2. En premier lieu, d'une part lorsque le tribunal administratif a, à tort, sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle, le juge d'appel annule le jugement en tant qu'il a sursis à statuer.

3. D'autre part, il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire une question préjudicielle en cas de contestation sur la propriété du bien litigieux dont l'examen soulève une difficulté sérieuse. Le caractère sérieux de la contestation s'apprécie au regard des prétentions contraires des parties et au vu de l'ensemble des pièces du dossier. Le juge doit prendre en compte tant les éléments de fait que les titres privés invoqués par les parties.

4. Les appelants soutiennent que la question de la propriété de la bande de terrain située au droit de la parcelle ZH 51 leur appartenant et de la route départementale n° ..., sur laquelle sont implantés le poteau électrique et la ligne aérienne en litige, ne présentait aucune difficulté sérieuse.

5. Il résulte de l'instruction que cette bande de terre, qui est comprise entre la parcelle ... appartenant aux appelants et la route départementale n° ..., constitue l'accotement de la voie. Or, si les appelants disposent d'un titre de propriété pour la parcelle ..., le département de la Haute-Garonne revendiquait également la propriété de cette bande de terre. Il s'ensuit que les limites du domaine public routier départemental par rapport à la parcelle ... étaient sérieusement contestées du fait du titre de propriété opposé par M. et Mme C....

6. Dès lors que l'appréciation du caractère régulier ou irrégulier de l'implantation sur cette bande de terre des ouvrages électriques en cause dépendait de la question de savoir si M. et Mme C... étaient propriétaires de cette bande de terre, le tribunal administratif se heurtait à une difficulté sérieuse qui justifiait qu'il renvoyât cette question au juge judiciaire. Il en résulte que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement avant-dire droit du 31 janvier 2017, le tribunal administratif a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur cette question de la propriété de la bande de terre sur laquelle les ouvrages électriques en litige sont implantés.

7. En deuxième lieu, d'une part, lorsque le tribunal administratif n'a pas, à tort, sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée, le juge d'appel, sans annuler le jugement attaqué, sursoit à statuer dans l'attente de la réponse de la juridiction compétente.

8. D'autre part, le juge administratif peut tenir la question préjudicielle comme tranchée lorsque la décision du juge de renvoi est passée en force de chose jugée, c'est-à-dire a été rendue en premier et dernier ressort ou n'est plus susceptible d'appel.

9. Enfin, aux termes de l'article 126-15 du code de procédure civile qui figure dans son Titre V ter relatif à " la procédure sur question préjudicielle de la juridiction administrative : " La juridiction statue à bref délai. Le jugement est rendu en premier et en dernier ressort. Le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours à compter de la notification du jugement. "

10. Par un jugement du 14 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a jugé, en réponse à la question préjudicielle dont il était saisi, que la bande de terrain correspondant au talus situé en bordure de la route départementale n° ..., sur la parcelle cadastrée section ..., au lieudit ... à ... fait partie du domaine public routier du département de la Haute-Garonne et a débouté les appelants de leur prétention visant à ce qu'ils soient déclarés propriétaires de cette bande de terrain comme faisant partie de la parcelle cadastrée .... Dès lors que ce jugement devait être regardé comme ayant été rendu en premier et dernier ressort, le tribunal administratif devait regarder la question préjudicielle tranchée par le juge judiciaire et n'était pas tenu, contrairement à ce que les appelants soutiennent, de maintenir le sursis à statuer. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. En dernier lieu, dès lors que, comme il vient d'être dit, par un jugement en premier et dernier ressort du 14 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a débouté les appelants de leur prétention visant à ce qu'ils soient déclarés propriétaires de la bande de terrain sur laquelle est implanté le poteau électrique en litige et que les appelants ne justifient pas avoir, dans le délai de quinze jours à compter de sa notification, formé un recours en cassation à l'encontre de ce jugement, ces derniers ne disposent d'aucune qualité leur donnant intérêt pour demander le déplacement de cet ouvrage public, qui ne se situe pas sur leur propriété. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par la société Enedis tirée du défaut de qualité des appelants à demander le déplacement de l'ouvrage public litigieux, doit être accueillie.

12. Il résulte de ce qui précède que les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant au déplacement du poteau électrique prétendument implanté de façon irrégulière sur leur propriété.

Sur les conclusions tendant à l'enlèvement de la canalisation électrique souterraine dont il est allégué qu'elle est irrégulièrement implantée sur la parcelle ... :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de recevoir opposée en défense :

13. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

14. Il est constant que le câble électrique souterrain litigieux a été implanté en décembre 2011 sur la parcelle ... appartenant en indivision à M. et Mme C..., avec leur fils E... C... et les consorts G..., afin de raccorder l'installation de production d'énergie électrique de la société ... gérée par Mme F... au réseau public de distribution Haute Tension A. Il est non moins constant qu'une convention de servitude a été signée le 19 décembre 2011 entre la société Électricité Réseau Distribution France et M. D... et Mme F... ayant déclaré être propriétaires de la parcelle ... située à ..., ayant pour objet, notamment, l'établissement à demeure dans une bande de 0,5 mètre de large, d'une canalisation souterraine sur une longueur totale de 175 mètres et l'utilisation de ces ouvrages pour les besoins du service public de la distribution d'électricité.

15. Par ailleurs, il résulte de l'acte de vente du 3 octobre 2002 et de l'acte de donation du 19 août 2009 que les époux C... et M. E... C..., leur fils, ont accepté que la parcelle ZH n° 52 qui leur appartient en indivision avec les consorts G... soit grevée d'une servitude de passage de canalisations et réseau divers, s'exerçant sur toute l'assiette de la parcelle, au profit des fonds dominants ZH n° 31 appartenant aux consorts G..., ... appartenant aux époux C... et ZH n° 50 appartenant à M. E... C... et permettre ainsi leur desserte en réseaux et canalisations. En acceptant ces clauses contractuelles, les appelants se sont engagés à consentir toutes servitudes, actuelles et futures, de passage de canalisations et de réseaux divers sur la parcelle ZH n° 52 à la condition qu'elles soient utiles à l'un des fonds dominants contractuellement définis. Dès lors, les appelants ne pouvaient pas s'opposer à l'installation sur la parcelle ZH n° 52 de la canalisation électrique souterraine nécessaire au raccordement au réseau public de distribution d'électricité de la centrale photovoltaïque située sur la parcelle ZH n° 31. Aussi, même si les appelants, copropriétaires de la parcelle ZH n° 52, ont refusé de signer la convention de servitude avec Électricité Réseau Distribution France, ils doivent néanmoins être regardés, compte tenu de leur engagement contenu dans les actes du 3 octobre 2002 et du 19 août 2009, comme ayant accepté l'implantation de la canalisation électrique souterraine sur la parcelle .... Dans ces conditions, l'implantation de cet ouvrage public ne présente pas un caractère irrégulier.

16. Il en résulte que les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'enlèvement de la canalisation électrique souterraine implantée sur leur propriété.

Sur les conclusions indemnitaires :

17. Aux termes de l'article L. 323-7 du code de l'énergie : " Lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L. 323-4 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L'indemnité qui peut être due à raison des servitudes est fixée, à défaut d'accord amiable, par le juge judiciaire ".

18. Il résulte de ces dispositions que si les conséquences des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction, de réparation ou d'entretien des ouvrages ressortissent à la compétence des juridictions administratives, en revanche, les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées par les dispositions du code de l'énergie au profit des concessionnaires de distribution d'énergie, tels que la dépréciation de l'immeuble, les troubles de jouissance et d'exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l'entretien.

19. La demande des consorts C..., propriétaires de la parcelle ... sur laquelle la société Enédis avait implanté une ligne électrique souterraine, tendant à être indemnisés du trouble de jouissance dans l'exploitation agricole de leur champ et de la gêne subie pour la manœuvre et la circulation de leurs engins agricoles hors gabarit du fait de la présence de cet ouvrage, doit être regardée comme tendant à l'indemnisation d'un dommage constituant une conséquence d'une servitude au sens de l'article L. 323-7 du code de l'énergie. Il en résulte que le litige opposant les consorts C... à Enedis quant à l'indemnisation de ce dommage relève de la compétence du juge judiciaire.

20. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant que le tribunal administratif de Toulouse s'est reconnu compétent pour connaître de la demande indemnitaire présentée par les consorts C... et, statuant par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Enedis, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par les consorts C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts C... le versement à la société Enedis de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il statue sur la demande indemnitaire des consorts C....

Article 2 : Les conclusions indemnitaires de la requête des consorts C... sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les consorts C... verseront à la société Enedis la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C..., à M. E... C... et à la société anonyme Enedis.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21201
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07-03 Procédure. - Pouvoirs et devoirs du juge. - Pouvoirs du juge de plein contentieux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : SCP COURRECH & ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;22tl21201 ?
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