Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le président du syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles a procédé à son licenciement en cours de période d'essai à compter du 6 juin 2019 à 18 heures.
Par un jugement n° 1905460 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2021, sous le n° 21MA04439 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04439, et un mémoire enregistré le 24 avril 2023, Mme B... A..., représentée par Me Carmier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le président du syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles a procédé à son licenciement en cours de période d'essai à compter du 6 juin 2019 à 18 heures ;
3°) d'enjoindre au syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles de la réintégrer et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge du syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, ne permettant pas d'identifier les raisons concrètes de ce licenciement et les considérations de fait le fondant ; la motivation tenant à la " bonne marche du service " n'est prévue par aucune disposition du chapitre II sur le licenciement du décret n°88-145 du 15 février 1988 ;
- la procédure est entachée d'irrégularité en l'absence d'entretien préalable de licenciement qui l'a privée d'une garantie ;
- la période d'essai de trois mois fixée dans son contrat était illégale au regard de la durée de son contrat, en violation de l'article 4 du décret du 15 février 1988 ; elle doit dès lors être regardée comme ayant été licenciée en cours de contrat et a été privée des garanties prévues à l'article 39-2 de ce décret ;
- compte-tenu de la durée de son contrat inférieure à un an, elle aurait dû bénéficier d'un délai de préavis de huit jours en application de l'article 4 de ce décret et a été privée d'une garantie ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure pour non-respect des règles procédurales disciplinaires, s'agissant d'une sanction déguisée : la commission consultative paritaire aurait dû être consultée ;
- il est entaché d'erreur matérielle des faits reprochés ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure de licenciement présente un caractère disproportionné.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 mai 2022 et le 24 mai 2023, le syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles, représenté par la SELARL Maillot Avocats et Associés, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est tardive ;
- les moyens tirés du défaut de saisine de la commission administrative paritaire et du caractère disproportionné de la décision sont inopérants dès lors que le licenciement n'a pas été prononcé à titre disciplinaire mais pour insuffisance professionnelle ;
- aucun des autres moyens invoqués n'est fondé.
Par ordonnance du 25 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2023.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Castagnino, représentant le syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles.
Considérant ce qui suit:
1. Mme A... a été recrutée par le syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles (Hérault) par contrat du 16 avril 2019 en qualité d'agent contractuel de catégorie B pour assurer des fonctions de technicienne habitat à compter du 6 mai 2019. Par un arrêté du 5 juin 2019, le président du syndicat mixte a mis fin au contrat de travail de Mme A... à compter du 6 juin 2019 à 18 heures. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cet arrêté. Par un jugement rendu le 16 avril 2021 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 juin 2019 :
2. Aux termes de l'article 4 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa version alors applicable : " Le contrat peut comporter une période d'essai qui permet à la collectivité territoriale ou à l'établissement public d'évaluer les compétences de l'agent et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. (...) La durée initiale de la période d'essai peut être modulée à raison d'un jour ouvré par semaine de durée de contrat, dans la limite : (...) - d'un mois lorsque la durée initialement prévue au contrat est inférieure à un an ; - de deux mois lorsque la durée initialement prévue au contrat est inférieure à deux ans ; (...) La période d'essai ainsi que sa durée et la possibilité de la renouveler sont expressément stipulées dans le contrat. Le licenciement en cours ou au terme de la période d'essai ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable au cours duquel l'agent peut être assisté par la personne de son choix conformément au troisième alinéa de l'article 42. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Aucune durée de préavis n'est requise lorsque la décision de mettre fin au contrat intervient au cours ou à l'expiration d'une période d'essai. Le licenciement au cours d'une période d'essai doit être motivé. Le licenciement au cours ou à l'expiration d'une période d'essai ne donne pas lieu au versement de l'indemnité de licenciement prévue au titre X. ". Aux termes de l'article 39-2 du même décret, dans sa version alors applicable : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. L'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'autorité territoriale entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel. ". Aux termes de l'article 42 du même décret, dans sa version alors applicable : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. L'agent peut se faire accompagner par la personne de son choix. Au cours de l'entretien préalable, l'autorité territoriale indique à l'agent le ou les motifs du licenciement. (...) ".
3. L'arrêté contesté est motivé par les circonstances que Mme A... " ne se conforme pas à l'article 28 de la loi n° 84-53 dans le sens où (elle) a une vision très personnelle de sa charge de travail, qu'(elle) ne tient pas compte des directives rappelées à plusieurs reprises, oralement et par mail, par son supérieur hiérarchique " et qu'" il lui a été signifié à plusieurs reprises son non-respect du cadre hiérarchique ne permettant pas d'assurer la bonne marche du service ". Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté est entaché d'une erreur matérielle en ce qu'il mentionne l'article 28 de la loi n°84-53 en lieu et place de l'article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui dispose que le fonctionnaire " doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique ". De tels motifs permettaient néanmoins à Mme A... de comprendre les reproches formulés à son encontre par le syndicat mixte concernant sa manière de servir, portant principalement sur le non-respect des consignes données par sa supérieure hiérarchique. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit dès lors être écarté.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été convoquée à un entretien préalable à licenciement en cours de période d'essai par courrier recommandé du 23 mai 2019 dont elle a accusé réception, par lequel le président du syndicat mixte l'informait de son droit à communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes, et de son droit à l'assistance de défenseurs de son choix. Si Mme A... expose que le compte-rendu versé au dossier en première instance n'est pas signé, il n'est cependant pas sérieusement contesté que l'intéressée s'est présentée à l'entretien qui s'est tenu le 4 mai 2019, accompagnée d'un délégué syndical de la CGT, ainsi qu'elle l'a elle-même mentionné dans l'attestation sur l'honneur établie le 10 novembre 2020. Le moyen tiré du défaut d'entretien préalable en violation des dispositions prévues à l'article 4 du décret du 15 février 1988 énoncées au point 2 doit dès lors être écarté comme manquant en fait.
5. Selon l'article 1er du contrat conclu le 16 avril 2019, Mme A... a été engagée pour une durée d'un an prenant effet au 6 mai 2019 jusqu'au 5 mai 2020. La requérante ne peut sérieusement soutenir que son contrat était conclu pour une durée de onze mois et trente jours, laquelle serait inférieure à un an, et qu'elle aurait dès lors été licenciée après la fin de la période d'essai d'un mois. Le moyen tiré de ce qu'elle aurait dû bénéficier d'un délai de préavis de huit jours en application de l'article 4 du décret du 15 février 1988 ne peut dès lors qu'être écarté.
6. Il ressort des mentions portées à l'article 2 de ce contrat que la période d'essai prévue par les parties était fixée à trois mois, alors que les dispositions précitées de l'article 4 du décret du 15 février 1988 limitent à deux mois cette période pour les contrats à durée déterminée dont la durée est supérieure ou égale à un an et inférieure à deux ans. Mme A... ne peut cependant utilement se prévaloir de l'illégalité des mentions portées à l'article 2 de son contrat au regard de la date à laquelle il a été mis fin à celui-ci. Ainsi, son licenciement qui a été prononcé à la date du 6 juin 2019 alors que son contrat de travail prévoyait une prise d'effet au 6 mai 2019, doit, en tout état de cause, être regardé comme ayant eu lieu en cours de période d'essai.
7. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que le moyen tiré de ce que Mme A... aurait été privée des garanties prévues à l'article 39-2 du décret du 15 février 1988 au motif qu'elle n'aurait pas été mise à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier dans un délai suffisant et aurait ainsi été privée d'une garantie, ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article 20 du décret du 28 décembre 2016 relatif aux commissions consultatives paritaires et aux conseils de discipline de recours des agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les commissions consultatives paritaires sont consultées sur les décisions individuelles relatives aux licenciements des agents contractuels intervenant postérieurement à la période d'essai, à l'exception des agents recrutés en application des articles 47 et 110 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, au non-renouvellement du contrat des personnes investies d'un mandat syndical et aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme... ".
9. Le licenciement de Mme A... n'étant pas intervenu postérieurement à la période d'essai, la requérante ne peut utilement soutenir que la commission consultative paritaire aurait dû être consultée avant l'édiction de l'arrêté contesté.
10. Il appartient au juge administratif d'exercer un plein contrôle sur la décision procédant au licenciement d'un agent contractuel au cours de sa période d'essai. En l'espèce, pour prendre la décision contestée, le président du syndicat mixte a considéré que Mme A... avait une vision très personnelle de sa charge de travail et ne tenait pas compte des directives rappelées à plusieurs reprises oralement et par courriel par son supérieur hiérarchique, et que ce non-respect du cadre hiérarchique ne permettait pas d'assurer la bonne marche du service. Il ressort des pièces du dossier que le mercredi 22 mai 2019, alors qu'elle se trouvait en jour de repos et à son domicile, Mme A... a tenté en vain de transmettre par courriel au représentant des services départementaux un dossier ainsi que des pièces jointes modifiés sans l'aval de sa supérieure hiérarchique, Mme C..., en vue d'une importante réunion de la commission locale d'amélioration à l'habitat qui devait se tenir le lendemain. Alors qu'elle n'avait pas accès à sa messagerie professionnelle de son domicile en raison du caractère récent de son recrutement, Mme A... a tenté d'envoyer un message à son interlocuteur au sein des services départementaux, lequel n'est cependant pas parvenu à son destinataire en raison d'une erreur d'adresse. L'intéressée a alors contacté sa supérieure hiérarchique pour lui demander l'adresse électronique de cet agent. Sa supérieure hiérarchique a alors rappelé à l'intéressée qu'elle n'était pas autorisée à envoyer des courriels sans la mettre en copie. Ces reproches ont été formalisés dans un courriel, reçu le lendemain par Mme A... sur sa messagerie professionnelle. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressée avait été destinataire le 21 mai à 17 heures 04 d'un message adressé par Mme C... sur le téléphone portable de Mme A... lui indiquant qu'elle se rapprocherait de leur interlocuteur pour s'assurer que tout était en ordre en vue de la réunion du 23 mai 2019. Sa supérieure hiérarchique lui a également envoyé un message sur sa messagerie professionnelle lui indiquant qu'elle prendrait le relais le lendemain si nécessaire. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation établie par Mme C... le 18 septembre 2020, que la requérante a été informée dès sa prise de poste de la nécessité de transmettre à sa supérieure toutes les informations concernant le dossier complexe dont elle avait la charge et qu'elle a fait l'objet de rappels oraux et écrits de ces consignes à plusieurs reprises. La requérante a par ailleurs reconnu dans le courriel qu'elle a adressé à sa supérieure le 23 mai 2019 que celle-ci lui avait effectivement déjà fait la remarque à deux reprises auparavant. Ainsi, la matérialité des faits reprochés à la requérante est établie, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le courriel qu'elle a tenté d'adresser au représentant des services départementaux le 22 mai 2019 ne soit pas parvenu à ce dernier. L'absence réitérée de respect des consignes mises en place par sa hiérarchie constitue un manquement de nature à justifier le licenciement de la requérante en cours de période d'essai, alors même que sa bonne conscience professionnelle et sa technicité n'ont pas été remises en cause. Au regard des éléments qui viennent d'être exposés, notamment des deux messages qui lui avaient été adressés le 21 mai 2019 par sa supérieure, l'imminence de la réunion de la commission locale d'amélioration à l'habitat prévue le 23 mai suivant ne dispensait pas la requérante du respect des directives selon lesquelles elle devait tenir informée sa supérieure hiérarchique de l'ensemble de ses actions. Contrairement à ce que soutient Mme A..., la décision qui est fondée sur sa manière de servir ne constitue pas une sanction déguisée, quand bien même sa relation avec sa supérieure est par la suite devenue conflictuelle. Il s'ensuit que le moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure prise à son encontre est inopérant. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation dans la caractérisation de son insuffisance professionnelle doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par le syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Carmier et au syndicat mixte du pays Haut Languedoc et Vignobles.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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