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18/07/2023 | FRANCE | N°22TL21279

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 18 juillet 2023, 22TL21279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Septfonds à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de 36 000 euros au titre de la privation des allocations Pôle Emploi pour la période de 2011 à 2014, de 103 000 euros pour privation de traitements pour la période du 20 mars 2014 au 5 décembre 2019, de 10 000 euros pour les frais engendrés par la précarité de sa situation, de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, de 30 000 euros au titre des

troubles dans son existence personnelle et familiale, d'assortir ces sommes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Septfonds à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de 36 000 euros au titre de la privation des allocations Pôle Emploi pour la période de 2011 à 2014, de 103 000 euros pour privation de traitements pour la période du 20 mars 2014 au 5 décembre 2019, de 10 000 euros pour les frais engendrés par la précarité de sa situation, de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, de 30 000 euros au titre des troubles dans son existence personnelle et familiale, d'assortir ces sommes des intérêts de retard à compter de la date de la demande de réparation du préjudice et de mettre à la charge de la commune de Septfonds une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001526 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Septfonds à verser à M. B... une indemnité pour illégalité tenant au défaut de réintégration entre janvier 2014 et le 2 décembre 2019, dans la limite de la somme de 103 000 euros demandée et sous déduction des sommes gagnées par M. B... pendant la même période, en invitant M. B... à produire devant la commune tous justificatifs afférents aux gains obtenus notamment dans le cadre de son activité privée de garagiste pour liquidation des sommes auxquelles il a droit, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence afférents à l'illégalité de sa réintégration par arrêté du 13 janvier 2020, a mis à la charge de la commune de Septfonds une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 mai 2022, 16 février 2023, 4 avril 2023 et 25 avril 2023, la commune de Septfonds, représentée par Me Zouania de la SCP Cambriel de Malafosse Stremoouhoff Gerbaud-Couture Zouania, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2022 ;

2°) à titre principal, de rejeter l'intégralité des demandes de M. B... ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter les condamnations aux traitements que celui-ci aurait dû percevoir du 24 avril 2017 au 5 décembre 2019, déduction faite des sommes gagnées pendant la même période, d'enjoindre avant dire droit à M. B... de communiquer l'intégralité de ses relevés de comptes bancaires sur la période comprise entre janvier 2014 et le 2 décembre 2019 sur ses quatre comptes bancaires, d'ordonner la compensation avec les condamnations prononcées contre M. B... au profit de la commune pour travail dissimulé par le tribunal correctionnel de Montauban puis la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Toulouse et de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt définitif de cette dernière ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner la compensation judiciaire de la condamnation au paiement de la somme de 103 000 euros avec les condamnations prononcées par le jugement du tribunal correctionnel de Montauban du 6 juillet 2021, de réduire les condamnations à la somme de 67 560,89 euros et d'ordonner la consignation de cette somme sur le compte CARPA de Me Bellinzona, somme qui restera indisponible dans l'attente de l'arrêt définitif de la cour ;

5°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les demandes de M. B... présentées au titre de la perte des allocations chômage ou au titre de la privation de traitements du 20 mars 2014 au 5 décembre 2019 sont irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 octobre 2019 ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable pour tardiveté la demande relative à la privation des allocations chômage ; la même solution aurait dû s'appliquer à la demande portant sur la privation de traitements ;

- la demande présentée au titre de la perte des revenus est entachée de prescription, celle-ci étant acquise à la date du 4 août 2015 ;

- le tribunal n'a pas répondu à cette fin de non-recevoir tirée de la prescription, qui était opposée à l'ensemble des demandes formées par M. B... ;

- la demande au titre de la perte du droit aux allocations chômage de 2011 à 2014 est mal fondée dès lors que l'intéressé exerçait une activité indépendante ;

- la demande au titre de la privation de traitements du 20 mars 2014 au 5 décembre 2019 est également mal fondée et illégitime alors qu'il a exercé une activité privée à but lucratif de manière illégale au regard de son statut durant cette période ;

- la somme de 103 000 euros demandée n'est nullement expliquée dans son calcul ;

- le tribunal a statué ultra petita en prononçant une condamnation pour la période de janvier 2014 au 20 mars 2014 ;

- il n'a pas tiré les conséquences de ses constatations concernant l'activité de garagiste de M. B..., sans même ordonner de compensation avec la condamnation judiciaire au 6 juillet 2021 ou rendre un jugement avant dire droit permettant la communication des justificatifs de ses revenus sous le contrôle du juge ;

- la demande présentée au titre des frais engendrés par la précarité de sa situation est mal fondée ;

- il en est de même de la demande présentée au titre de la souffrance morale en lien avec ses conditions de réintégration et de celle présentée au titre des troubles de l'existence personnelle et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2023, M. A... B..., représenté par Me Bellinzona, conclut au rejet de la requête, demande de confirmer le jugement et de mettre à la charge de la commune de Septfonds le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de l'exception de prescription est inopérant ;

- c'est à juste titre que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;

- la condamnation de la commune à lui verser la somme de 103 000 euros du fait de l'absence de réintégration est parfaitement justifiée en ce qu'elle résulte de la chose jugée par le tribunal le 4 octobre 2019 ;

- la condamnation de la commune à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral à raison d'une réintégration non conforme aux attributions prévues par son cadre d'emplois est parfaitement justifiée ;

- la commune fait preuve de résistance abusive dès lors qu'il a fourni tous les justificatifs demandés le 8 avril 2022, dont il ressort que la somme due est de 100 135 euros au titre de ses pertes de revenus.

II. Par une requête, enregistrée le 16 février 2023, la commune de Septfonds, représentée par Me Zouania de la SCP Cambriel de Malafosse Stremoouhoff Gerbaud-Couture Zouania, demande à la cour, en application des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 1er avril 2022 ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre avant dire droit à M. B... de communiquer l'intégralité de ses relevés de comptes bancaires sur la période comprise entre janvier 2014 et le 2 décembre 2019 sur ses quatre comptes bancaires ;

3°) à titre plus subsidiaire, d'ordonner la compensation judiciaire de la condamnation au paiement de 103 000 euros avec les condamnations prononcées par le jugement du tribunal correctionnel de Montauban du 6 juillet 2021, de réduire les condamnations à la somme de 67 560,89 euros et d'ordonner la consignation de cette somme sur le compte CARPA de Me Bellinzona, somme qui restera indisponible dans l'attente de l'arrêt définitif de la cour ;

4°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. B... n'a jamais communiqué les éléments demandés pour permettre l'exécution du jugement du tribunal ;

- elle justifie de moyens sérieux d'obtenir la réformation ou l'annulation du jugement du 1er avril 2022 en raison de l'irrecevabilité manifeste des demandes de M. B... et de leur caractère mal fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Bellinzona, conclut au rejet de la requête, demande d'enjoindre à la commune de Septfonds de lui verser une indemnité d'un montant de 101 315 euros sous astreinte de 500 euros par jour de retard à expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de la commune la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que la commune fait preuve de résistance abusive en refusant de lui verser l'indemnité qui lui est due, alors qu'il a fourni tous les justificatifs demandés le 8 avril 2022, dont il ressort que la somme due est de 100 135 euros au titre de ses pertes de revenus, et que la commune n'étant pas créancière ne peut se prévaloir du jugement du tribunal du 1er avril 2022 comme d'une décision de justice exécutoire, autorisant l'huissier à solliciter le FICOBA.

Par ordonnance du 26 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-547 du 6 mai 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Panfili, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui a été recruté par la commune de Septfonds (Tarn-et-Garonne) le 1er avril 1997 en tant qu'agent d'entretien puis agent de maîtrise, a présenté une demande de placement en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 13 avril 2006. Il a sollicité sa réintégration à compter du 24 avril 2011. Le maire de Septfonds a refusé sa réintégration au motif de l'absence d'emploi disponible et l'a maintenu en disponibilité. M. B... a réitéré sa demande de réintégration à plusieurs reprises et s'est vu opposer plusieurs refus de la commune. Par un jugement n° 1703074 du 4 octobre 2019 devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions du maire de Septfonds des 12 et 20 avril 2017 refusant de réintégrer M. B... après disponibilité, a enjoint au maire de Septfonds, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de procéder à la réintégration de M. B... sur un emploi à temps complet correspondant à son grade et de reconstituer sa carrière avec effet rétroactif au 24 avril 2017. Par un arrêté du 13 janvier 2020, M. B... a été réintégré à compter du 2 décembre 2019. Par un courrier du 26 décembre 2019 reçu le lendemain, M. B... a demandé à la commune de Septfonds de l'indemniser des préjudices matériels et moraux qu'il estimait avoir subis du fait de l'absence de versement des allocations chômage au titre de la période allant de 2011 à 2014, ainsi que du refus de le réintégrer et des conditions de sa réintégration à la suite du jugement n° 1703074. En l'absence de réponse à sa demande, M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Septfonds à lui verser la somme totale de 189 000 euros.

2. Par un jugement du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Septfonds à verser à M. B... une indemnité pour illégalité tenant au défaut de réintégration entre janvier 2014 et le 2 décembre 2019, dans la limite de la somme de 103 000 euros demandée et sous déduction des sommes gagnées par M. B... pendant la même période, en invitant l'intéressé à produire devant la commune tous justificatifs afférents aux gains obtenus notamment dans le cadre de son activité privée de garagiste pour liquidation des sommes auxquelles il a droit, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de sa réintégration par arrêté du 13 janvier 2020, et rejeté le surplus de ses demandes. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL21279, la commune de Sepfonds relève appel de ce jugement en demandant d'annuler le jugement du 1er avril 2022 et de rejeter l'intégralité des demandes de M. B.... Par la requête n° 23TL00405, la commune demande qu'il soit sursis à exécution de ce même jugement.

3. Les requêtes susvisées nos 22TL21279 et 23TL00405 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. (...) ".

5. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulouse a omis de se prononcer sur l'exception soulevée dans les mémoires en défense de la commune de Septfonds, tirée de ce que la demande présentée par M. B... au titre de la perte de ses revenus, s'agissant notamment de l'absence de traitement, est entachée de prescription. Ainsi, le jugement du 1er avril 2022 est entaché d'une insuffisance de motifs et doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur l'exception de prescription quadriennale s'agissant des préjudices liés à la privation des traitements dont est redevable la commune à l'encontre de M. B....

6. Par suite, il y a lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. B... tendant à la réparation des préjudices liés à la privation des traitements pour la période du 20 mars 2014 au 5 décembre 2019 et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les conclusions de M. B... tendant à la réparation des autres préjudices invoqués.

Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal :

7. En premier lieu, les parties ne contestent pas que les conclusions tendant au paiement des allocations chômage pour la période de 2011 à 2014 sont irrecevables pour cause de tardiveté. Il y a lieu, par suite, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à la condamnation de la commune de Septfonds à lui verser la somme de 36 000 euros à ce titre.

8. En deuxième lieu, si par un jugement n° 1703074 du 1er octobre 2019 devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus des conclusions des demandes présentées par M. B..., notamment les conclusions tendant à enjoindre à la commune de Septfonds de lui verser la somme correspondant au montant des allocations chômage dues depuis le 23 avril 2011, la demande présentée par l'intéressé tendait à l'annulation des décisions en date des 12 et 20 avril 2017 par lesquelles le maire de Septfonds a refusé de le réintégrer à l'issue d'une période de disponibilité. Contrairement à ce que soutient la commune de Septfonds, la demande d'indemnisation présentée au titre de la privation de traitements pour la période du 20 mars 2014 au 5 décembre 2019 n'a pas le même objet que celle présentée antérieurement par M. B.... Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée par le jugement du 1er octobre 2019 doit être écartée.

Sur la responsabilité :

9. Ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de Toulouse dans son jugement n° 1703074 du 4 octobre 2019 devenu définitif, qui a l'autorité de la chose jugée dans le cadre du présent litige, un poste d'agent de maîtrise correspondant au grade dont M. B... est titulaire, était vacant lorsque celui-ci a réitéré sa demande de réintégration en janvier 2014. A cette date, il était en disponibilité depuis avril 2006, soit depuis huit ans dont trois ans en disponibilité d'office. Le tribunal a estimé que le délai raisonnable dont disposait la commune pour prendre des mesures afin de permettre la réintégration de M. B... et qui courait depuis la date du 24 avril 2011 à compter de laquelle l'intéressé avait demandé sa réintégration, était expiré sans qu'aucune proposition ne lui ait été faite. Il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait reçu une proposition d'emploi en vue de sa réintégration jusqu'à la date du 2 décembre 2019 correspondant à la date d'effet de sa réintégration juridique résultant de l'arrêté du 13 janvier 2020. Dès lors, le refus de réintégrer M. B... à la suite de sa demande présentée en janvier 2014 constitue une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Septfonds.

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Sepfonds :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".

11. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 précité de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date l'étendue de cette créance puisse être mesurée.

12. Il résulte de l'instruction que M. B... a demandé l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'absence de réintégration par lettre du 26 décembre 2019 reçue le lendemain par la commune de Septfonds. Si l'intéressé expose qu'il n'a eu connaissance de l'illégalité fautive commise par la commune qu'à l'issue du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 octobre 2019, sa demande d'annulation des décisions des 12 et 20 avril 2017 portant refus de le réintégrer n'a pu avoir pour effet de proroger le délai de prescription de la créance dont il se prévaut dans le cadre de la présente procédure. Par suite, la créance de M. B... est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2015, compte-tenu de sa demande effectuée le 26 décembre 2019.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Septfonds est seulement fondée à soutenir que la créance de M. B... est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2015.

Sur l'indemnisation :

14. Il résulte des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique qu'un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité sont ainsi indemnisables. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due au titre du préjudice financier, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la réparation du préjudice financier de M. B... résultant directement de son éviction irrégulière porte sur une période de 4 ans et 11 mois, compte-tenu de la date de réintégration effective de l'intéressé à compter du 2 décembre 2019. Il résulte cependant de l'instruction que M. B... a exercé une activité privée en qualité de garagiste au cours de la totalité de cette période. Il avait en effet créé une entreprise sous l'enseigne " A... Autos " en 2011, laquelle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 1er août 2019. A cette date, il a créé la société " After Bus " ayant une activité de location de véhicules évènementiels et de véhicules de loisirs. M. B... produit ses avis de non-imposition au titre de la période en litige, desquels il apparaît qu'il n'a déclaré des revenus industriels et commerciaux qu'au titre de l'année 2015 à hauteur de la somme nette de 1 685 euros, l'attestation fiscale établie par le régime social des indépendants au titre de la seule année 2015 faisant état d'un montant de recettes de 1 211 euros et des documents émanant de la Banque Postale faisant état d'incidents bancaires. Il expose avoir vécu de la solidarité familiale pendant la période en litige et produit plusieurs attestations de proches pour en justifier. Il résulte toutefois de l'instruction qu'en vue d'assurer l'exécution du jugement contesté, la commune de Septfonds a demandé à l'intéressé, le 22 juin 2022, de lui communiquer des documents justificatifs complémentaires, consistant en la production de l'intégralité de ses relevés de comptes bancaires sur la période en litige sur les quatre comptes visés dans le procès-verbal d'investigation du 15 février 2021 établi par la brigade de gendarmerie de Caussade dans le cadre de l'enquête préliminaire ayant abouti à sa condamnation pour travail dissimulé au titre de l'année 2020, par jugement du tribunal correctionnel du 6 juillet 2021 dont M. B... a interjeté appel. L'intéressé a alors sollicité le mandatement d'office de la somme dont il estime qu'elle lui est due par courrier adressé au préfet de Tarn-et-Garonne le 28 juin 2022. Si l'intéressé produit des attestations de proches faisant état de ses difficultés financières depuis 2011 et de ce qu'il aurait bénéficié de prêts de la part de quatre d'entre eux, en espèces ou par virements bancaires lesquels ne sont par ailleurs pas assortis de pièces venant en justifier, entre 2011 et 2018, il résulte cependant des justificatifs bancaires produits que M. B... a effectué plusieurs versements en espèces sur son compte chèque ouvert auprès du crédit agricole n° ... entre le 1er mars et le 25 septembre 2018 pour un montant total de 6 045 euros afin de solder son emprunt immobilier. Au regard des circonstances particulières de l'espèce, en se bornant à produire ses avis de non-imposition et les documents précités, et à indiquer que la commune a fait preuve de résistance abusive en refusant de procéder au mandatement de la somme à laquelle les premiers juges tribunal l'ont condamnée en réparation de son préjudice financier, en exposant dans ses écritures présentées dans le cadre de la requête à fin de sursis à exécution du jugement contesté enregistrée sous le n° 2300405 que la demande de communication de ses relevés bancaires est disproportionnée au vu du secret bancaire et de la protection de sa vie privée, M. B... ne saurait être regardé comme apportant les justificatifs permettant de justifier le montant des rémunérations qu'il a perçu au titre de la période en litige et de déterminer le quantum de son préjudice. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander l'indemnisation du préjudice financier subi en raison de la perte de chance sérieuse d'être réintégré sur un poste lui convenant entre le 1er janvier 2015 et le 2 décembre 2019.

16. M. B..., qui a été réintégré par un arrêté du maire de Septfonds du 13 janvier 2020 prenant effet au 2 décembre 2019 sur un poste d'agent polyvalent sur les espaces verts et espaces publics et mutualisation sur les missions des services techniques, au sein du service espaces verts, soutient que ses attributions ne correspondent pas au rôle d'encadrement et aux responsabilités par un agent de maîtrise. Il résulte toutefois de la liste des métiers des agents de maîtrise territoriaux issue du site " emploi-collectivités.fr " qui reprend le répertoire des métiers du centre national de la fonction publique territoriale, dont la valeur probante n'est pas contestée, que les fonctions d'agent d'entretien des espaces verts, cimetières ou terrains de sport, d'agent d'entretien de l'espace naturel et de chargé de travaux espaces verts, figurent notamment dans les emplois susceptibles d'être exercés par des agents relevant de ce cadre d'emplois. En outre, selon les attestations établies tant par la ... de Septfonds le 27 mai 2020, que par ... de Septfonds en fonction de mars 1995 à mars 2001, M. B... était chargé, avant d'être placé en disponibilité pour convenances personnelles, de tâches polyvalentes d'entretien des bâtiments, de la flotte, de la voirie et de la propreté du village, comportant des tâches de taille, tonte et débroussaillage. M. B... ne peut dès lors se prévaloir d'aucun préjudice moral ou de troubles dans ses conditions d'existence à raison des conditions de sa réintégration.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que la commune de Septfonds est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à M. B... une indemnité en lien avec son défaut de réintégration dans la limite de 103 000 euros, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence en lien avec sa réintégration, et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions d'appel incident présentées par M. B... doivent dès lors être rejetées.

Sur la requête n° 23TL00405 :

18. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 1er avril 2022. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme à la commune de Septfonds sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

20. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Septfonds, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B....

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 2004906 du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 2 : les conclusions présentées par la commune de Septfonds au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse et les conclusions d'appel incident ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL00405.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Septfonds.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Blin, présidente,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

La présidente-rapporteure,

A. Blin

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

T. Teulière

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de Tarn et Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

[LC1]

N° 22TL21279, 23TL00405 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21279
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme BLIN
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BELLINZONA FRÉDÉRIQUE;BELLINZONA FRÉDÉRIQUE;BELLINZONA FRÉDÉRIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-18;22tl21279 ?
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