Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :
1°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ariège de lui délivrer le titre de séjour sollicité avec droit au travail, ou à tout le moins de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ou à verser à la requérante sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'hypothèse où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2201904 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté de la préfète de l'Ariège, a enjoint à la préfète de réexaminer la situation de Mme A... C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kosseva-Venzal en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Kosseva-Venzal renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2022 sous le n° 22TL22460, la préfète de l'Ariège demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 25 novembre 2022.
Elle soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement contesté et le rejet des conclusions accueillies par ce jugement dès lors que la pathologie dont est atteinte la fille de Mme A... C... ne nécessite pas un suivi en France, ainsi qu'il résulte de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 18 octobre 2018, et que le tribunal a violé l'autorité de la chose jugée par la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux n°21BX00768 du 6 juillet 2021, alors que Mme A... C... a versé les mêmes documents médicaux concernant le suivi cardiaque de sa fille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, Mme D... A... C..., représentée par Me Kosseva-Venzal, demande de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, de condamner l'Etat à lui verser la même somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle semble avoir été déposée et enregistrée au greffe avant la requête d'appel et en ce qu'elle se borne à reprendre la requête d'appel ;
- aucun moyen sérieux justifiant la demande de sursis à exécution n'est soulevé, alors qu'elle s'est prévalue de circonstances humanitaires et de motifs exceptionnels justifiant sa régularisation et qu'il y a un changement notable dans les circonstances de droit et de fait depuis la précédente mesure d'éloignement.
Par ordonnance du 3 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2023.
II. Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2022 sous le n° 22TL22461, la préfète de l'Ariège demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 novembre 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... C... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Elle soutient que le jugement doit être annulé dès lors que la pathologie dont est atteinte la fille de Mme A... C... ne nécessite pas un suivi en France, ainsi qu'il résulte de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 18 octobre 2018, et que le tribunal a violé l'autorité de la chose jugée par la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux n°21BX00768 du 6 juillet 2021, alors que Mme A... C... a versé les mêmes documents médicaux concernant le suivi cardiaque de sa fille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, Mme A... C..., représentée par Me Kosseva-Venzal, demande de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, de condamner l'Etat à lui verser la même somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par ordonnance du 3 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2023.
Mme A... C... a obtenu le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle par décisions du 19 avril 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Kosseva-Venzal, représentant Mme A... C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante marocaine née le 18 février 1982, est entrée en France le 29 septembre 2017, munie d'un visa court séjour, accompagnée de ses deux enfants mineurs, et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de l'état de santé de sa fille B... en sa qualité de parent accompagnant un enfant malade. Elle a bénéficié à ce titre d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'au 25 septembre 2018. Par un arrêté du 12 février 2019, la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant malade et a assorti sa décision de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt n° 21BX00768 du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête présentée à l'encontre de ce jugement. A la suite du courrier de la préfète de l'Ariège du 18 mars 2021 portant procédure contradictoire préalable à une décision individuelle, Mme A... C... a sollicité son admission au séjour le 3 mai 2021, en se prévalant de l'état de santé de sa fille et de la nécessité de protéger sa famille des menaces et conflit de son ex-mari. Par un arrêté du 1er mars 2022, la préfète de l'Ariège a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL22461, la préfète de l'Ariège relève appel du jugement du 25 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er mars 2022. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 22TL22460, la préfète sollicite qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes de la préfète de l'Ariège sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions de Mme A... C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
3. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". L'article 20 de la même loi dispose que : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que Mme A... C..., qui a bénéficié de l'aide juridictionnelle pour l'instance qu'elle a introduite devant le tribunal administratif de Toulouse, en conserve de plein droit le bénéfice, ainsi que l'a constaté le bureau d'aide juridictionnelle dans ses décisions du 19 avril 2023. Les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont donc devenues, en tout état de cause, sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... C... a sollicité à nouveau son admission au séjour, le 3 mai 2021, à la suite du courrier de la préfète de l'Ariège en date du 18 mars 2021 l'informant de ce qu'une décision portant obligation de quitter le territoire français était susceptible d'être prise à son encontre en raison de l'irrégularité de sa situation sur le territoire français. Il résulte des termes de sa demande que Mme A... C... faisait état de son souhait de séjourner en France pour la santé de sa fille B... et pour protéger sa famille des menaces et du conflit émanant de son ex-mari. La préfète de l'Ariège a considéré qu'elle n'était saisie que d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions prévues à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a estimé que l'intéressée n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit. Or, si l'arrêté contesté en date du 1er mars 2022 par lequel la préfète de l'Ariège a refusé de faire droit à la demande de l'intéressée, a notamment été pris au visa de l'article L. 425-10 du code précité, il ne comporte cependant l'énoncé d'aucun motif de fait concernant la demande d'admission au séjour de Mme A... C... en qualité de parent d'enfant malade. La seule mention de l'autorisation provisoire de séjour dont elle a bénéficié en cette qualité du 26 mars au 25 septembre 2018 et de l'arrêté préfectoral édicté à son encontre le 12 février 2019 ne permet pas de considérer que la préfète a procédé à un examen complet de la situation de Mme A... C... s'agissant de sa demande présentée au regard de l'état de santé de sa fille mineure B.... Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'arrêté contesté était entaché d'une insuffisance de motivation en fait et d'un défaut d'examen de la situation de Mme A... C.... En revanche, en l'absence de présentation d'éléments nouveaux ou de nouvelles pièces médicales à l'appui de la demande présentée en qualité de parent d'enfant malade, la préfète de l'Ariège n'était pas tenue de saisir de nouveau le collège de médecins l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel a considéré dans son avis du 18 octobre 2018 que si l'enfant B... A... C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut cependant bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et peut voyager sans risque.
7. La préfète de l'Ariège soutient que le tribunal a violé l'autorité de la chose jugée par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt n° 21BX00768 du 6 juillet 2021. Toutefois, s'il est constant que, par cette décision, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en date du 19 avril 2019 rejetant une première demande de Mme A... C... tendant à l'annulation d'une précédente décision du préfet en date du 12 février 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, ce jugement de rejet, revêtu de la seule autorité relative de la chose jugée, ne faisait pas obstacle à ce que les premiers juges annulent, par le jugement attaqué, le nouvel arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en litige, en l'absence d'identité d'objet entre ces deux instances.
8. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ariège n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er mars 2022 et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de Mme A... C... dans un délai de deux mois et de délivrer à l'intéressée, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :
9. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 25 novembre 2022. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
10. Sous réserve de la renonciation de Me Kosseva-Venzal à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le versement d'une somme de 1 200 euros au conseil de Mme A... C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... C... tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête n° 22TL22461 de la préfète de l'Ariège est rejetée.
Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL22460.
Article 4 : L'Etat versera à Me Kosseva-Venzal une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... C..., à Me Kosseva-Venzal et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL22460, 22TL22461 2