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21/02/2023 | FRANCE | N°22TL21782

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 21 février 2023, 22TL21782


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement et sous astreinte de

100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la ...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, et dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, de mettre à la charge de l'État la même somme à lui verser sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2104843 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne, a enjoint au préfet de délivrer à Mme B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Naciri en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Naciri renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 9 août 2022 sous le n° 22TL21782, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- son appel est recevable ratione temporis ;

- c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 28 juillet 2021 dès lors que Mme B... n'a pas renversé l'avis du collège de médecins de l'OFII selon lequel elle pourra accéder aux soins nécessaires à son état de santé dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Naciri, demande de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, de condamner l'Etat à lui verser la même somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé en ce que l'avis du collège de médecins de l'OFII ne bénéficie d'aucune présomption.

Par ordonnance du 29 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 décembre 2022.

Un mémoire présenté par le préfet de la Haute-Garonne a été enregistré le 22 décembre 2022, après la clôture de l'instruction.

Un mémoire présenté pour Mme B... a été enregistré le 1er février 2023, après la clôture de l'instruction.

II. Par une requête, enregistrée le 9 août 2022 sous le n° 22TL21783, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 13 juillet 2022.

Il soutient qu'il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement contesté, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par les premiers juges, et le rejet des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et de condamnation accueillies, ainsi qu'il en a justifié dans sa requête au fond.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Naciri, demande de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, de condamner l'Etat à lui verser la même somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête du préfet se borne à renvoyer à sa requête au fond, sans faire de démonstration particulière.

Mme B... a obtenu le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle concernant l'instance n° 22TL21782, par décision du 11 janvier 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Naciri, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 4 septembre 1986 à Saïda (Algérie), est entrée en France le 9 novembre 2019, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, valable du 17 septembre 2019 au 17 décembre 2019. Le 3 mai 2021, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 (7°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par arrêté du 28 juillet 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Toulouse dont le préfet de la Haute-Garonne relève appel par la requête enregistrée sous le n° 22TL21782. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 22TL21783, le préfet sollicite qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes du préfet de la Haute-Garonne sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

3. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". L'article 20 de la même loi dispose que : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que Mme B..., qui a bénéficié de l'aide juridictionnelle pour l'instance qu'elle a introduite devant le tribunal administratif de Toulouse, en conserve de plein droit le bénéfice, ainsi que l'a constaté le bureau d'aide juridictionnelle dans sa décision du 11 janvier 2023 concernant l'instance n° 22TL21782. En revanche, aucune demande n'a été présentée concernant l'instance n° 22TL21783. Les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont donc devenues, en tout état de cause, sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

5. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

6. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de ces stipulations, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

7. Par son avis du 18 juin 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié de soins en Algérie jusqu'à son départ le 9 novembre 2019, dès lors qu'elle présente notamment des arthralgies des mains et des genoux depuis 2006 et qu'un diagnostic de lupus articulaire pur avec anti-ADN a été posé dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort du compte-rendu d'hospitalisation à l'hôpital Purpan établi le 13 juillet 2020 à l'issue d'une hospitalisation depuis le 5 juin 2020, qu'une majoration des déformations des mains et des pieds de l'intéressée a été constatée en janvier 2019 et que le traitement prescrit par son médecin traitant a dû être rapidement arrêté devant la mauvaise tolérance avec apparition d'une anémie sévère. Mme B... a ensuite présenté une poussée de son lupus sur le plan articulaire, avec apparition d'un syndrome néphrotique avec néphropathie glomérulaire classe IV, associé à une péricardite et traité efficacement. Depuis février 2019, une aggravation des déformations des mains et des pieds est de nouveau apparue, avec luxations très invalidantes au quotidien, associées à des arthralgies mixtes avec réveil nocturne fréquent et des douleurs exacerbées à la mobilisation. Si le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans son avis que Mme B... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ressort cependant des pièces médicales produites par l'intéressée que celle-ci souffre d'une pathologie complexe associant un lupus et une atteinte articulaire hyperlaxe atypique et sévère qui nécessite des investigations toujours en cours au centre hospitalier universitaire de Toulouse ainsi qu'un suivi régulier, dont il n'est pas démontré qu'elles peuvent actuellement être réalisées en Algérie. Ainsi, selon un certificat médical établi le 15 avril 2021 par un praticien du service de traumatologie de l'hôpital Purpan à Toulouse, l'état de santé de Mme B... " nécessite sa prise en charge chirurgicale et rééducative en France pour 6 mois à partir du 23 avril 2021 ". Selon un certificat établi le 5 mai 2021 par un praticien algérien, spécialiste de médecine interne, exerçant au centre de diabète et de goitre d'Oran, l'état de santé de la patiente " nécessite un traitement à vie médical et chirurgical (...) malheureusement impossible en Algérie ". Selon un autre certificat médical établi le 28 septembre 2021 par un chirurgien algérien exerçant à Saïda lequel, bien que postérieur à la décision attaquée, confirme que l'état de santé de Mme B... nécessite des interventions chirurgicales multiples et complexes qui ne sont pas réalisables en Algérie. En outre, selon les pièces médicales produites devant la cour, qui se rapportent à l'état antérieur de l'intéressée et peuvent être utilement prises en considération, les investigations qui se poursuivent compte-tenu de la complexité de sa symptomatologie et un exome doit être réalisé, au regard de l'absence d'argument confirmant que les déformations constatées sont liées au lupus dont elle souffre, son dossier devant par ailleurs être présenté au niveau national pour recueillir l'avis de généticiens. Au regard des circonstances très particulières de l'espèce, Mme B... justifie par les pièces qu'elle produit qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'ainsi, la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien est entachée d'une erreur d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 28 juillet 2021.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :

10. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 13 juillet 2022. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

11. Sous réserve de la renonciation de Me Naciri à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros à Me Naciri en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... présentées dans la requête n° 22TL21782 tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête n° 22TL21782 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL21783.

Article 4 : L'Etat versera à Me Naciri une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... B... et à Me Naciri.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 février 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL21782-22TL21783 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21782
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : NACIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-02-21;22tl21782 ?
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