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15/12/2022 | FRANCE | N°22TL22392

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, Juge des référés, 15 décembre 2022, 22TL22392


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 novembre et 12 décembre 2022, M. A... C... B..., représenté par Me Bouix, demande au juge des référés :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension des effets de la décision du préfet du Tarn en date du 19 août 2021 portant refus de titre de séjour ;

3°) d'ordonner au préfet du Tarn de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec

autorisation de travail dès la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 novembre et 12 décembre 2022, M. A... C... B..., représenté par Me Bouix, demande au juge des référés :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension des effets de la décision du préfet du Tarn en date du 19 août 2021 portant refus de titre de séjour ;

3°) d'ordonner au préfet du Tarn de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dès la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle et, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, de condamner l'État à lui verser cette même somme au seul visa de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie dès lors que la décision contestée, qui lui a été notifiée après la signature de son contrat d'apprentissage, a pour effet de le faire basculer en séjour irrégulier et l'empêche de poursuivre son contrat d'apprentissage ; il risque de perdre son emploi et de mettre en péril l'entreprise de son employeur ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle s'appuie sur des éléments qui n'ont pas de fondement dans le code civil guinéen ;

- elle se fonde sur un examen de trois documents d'état-civil par la police aux frontières réalisé le 6 juillet 2020, soit avant la légalisation de ces documents et sur la base d'un document de référence qui n'a jamais été produit ;

- la présomption d'authenticité de ces documents n'a pu être renversée par l'avis des services de la police aux frontières ;

- le préfet ne pouvait contester la valeur probante du jugement supplétif par les arguments qu'il a fait valoir à cet égard ; les mentions figurant sur le jugement supplétif d'acte de naissance sont conformes aux dispositions du code civil guinéen qui lui sont applicables ; ses documents d'état civil n'avaient pas à être légalisés par les autorités françaises en Guinée et l'ont été par l'ambassade de Guinée en France ; l'allégation d'une situation de fraude généralisée en Guinée ne permet pas d'écarter cette légalisation attestant de l'authenticité de ses documents d'état civil ; les ressortissants guinéens ne peuvent être discriminés en méconnaissance des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la seule qualité des supports d'impression de ses documents d'état civil ne permet pas de remettre en cause leur authenticité ; sa carte consulaire a été établie sur la base de documents probants ; aucune contradiction n'est relevée quant à sa date de naissance ; il s'est vu récemment délivrer un passeport par les autorités guinéennes ; tous ses documents corroborent sa date de naissance ; en conséquence la décision litigieuse méconnaît les dispositions combinées des articles 47 du code civil et L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit l'ensemble des conditions ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'urgence n'est pas caractérisée ; ainsi, le requérant aurait dû demander un titre de séjour deux mois après la date de son 18ème anniversaire, soit au plus tard le 20 mai 2021, mais ne l'a fait que le 2 juin 2021 ; en conséquence, il n'est pas fondé à soutenir que c'est la décision litigieuse qui l'a fait basculer en séjour irrégulier ; l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été délivrée n'a pas eu pour conséquence de régulariser sa situation ; de plus, l'intéressé était déjà sous le coup de la décision litigieuse lorsqu'il a commencé son apprentissage ;

- aucun des moyens de la requête n'est susceptible, en l'état de l'instruction, de conduire à la suspension de la décision litigieuse.

Vu la requête enregistrée le 30 novembre 2022 sous le n° 22TL22398 par laquelle M. B... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2105624 du 28 septembre 2022.

Vu la décision par laquelle le président de la cour a désigné M. Rey-Bèthbéder, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes de référés, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

M. B... a déposé, le 21 octobre 2022, une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été statué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 15 décembre 2022 :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, juge des référés,

- les observations de Me Bouix, représentant M. B....

La clôture de l'instruction a été prononcée, à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui a déclaré être né le 20 mars 2003 à Maferinyah (Guinée), et être de nationalité guinéenne, est entré irrégulièrement en France en janvier 2020. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département du Tarn le 7 septembre 2020. Le 3 juin 2021, l'intéressé a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 août 2021, la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2105624 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. M. B... a fait appel de ce jugement par une requête enregistrée le 30 novembre 2022 sous le n° 22TL2398. Par la présente requête, il sollicite du juge des référés de la cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension des effets de la seule décision du 19 août 2021 portant refus de titre de séjour.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à

l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ". Il y a lieu, eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de M. B..., de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets ... ". Aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Enfin aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire ".

4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans les cas de retrait ou de refus de renouvellement d'un titre de séjour. Dans les autres cas, il appartient au requérant d'établir la réalité de circonstances particulières qui justifient que la condition d'urgence soit regardée comme remplie.

5. Nonobstant la circonstance qu'il s'agissait d'une première demande de titre de séjour, M. B... a obtenu, par une ordonnance du 15 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, la suspension des effets de la décision du 19 août 2021 portant refus de titre de séjour jusqu'à l'intervention du jugement n° 2105624 du 28 septembre 2022 rejetant au fond sa demande. En outre, il est constant qu'il ne bénéficie que jusqu'au mois de janvier 2023 d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, alors qu'il suit sa formation qualifiante sous couvert d'un contrat d'apprentissage de deux ans conclu le 25 octobre 2021 avec la société Mazars automobile dans le but d'obtenir un CAP " réparation des carrosseries ". De plus, selon l'attestation de son employeur en date du 24 novembre 2022, l'absence du requérant est susceptible de mettre en péril l'organisation de l'entreprise. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

6. En l'état de l'instruction le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil, et d'une erreur de fait en tant qu'elle ne retient pas sa date de naissance est de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité. En conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision attaquée au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 22TL22398.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet du Tarn de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à la date à laquelle il sera statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 22TL22398, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance sans qu'il y ait lieu, à ce stade, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, son avocate peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE

Article 1er : M. B... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : L'exécution de la décision du 19 août 2021 du préfet du Tarn portant refus de titre de séjour est suspendue au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 22TL22398.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Tarn de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 22TL22398 dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 4 : L'État versera à Me Bouix, avocate de M. B..., une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... C... B..., à Me Bouix, au préfet du Tarn et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Toulouse, le 15 décembre 2022.

Le juge des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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N22TL22392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 22TL22392
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Procédure - Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé suspension (art - L - 521-1 du code de justice administrative).


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Avocat(s) : BOUIX ANITA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-15;22tl22392 ?
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