Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a renouvelé la décision d'assignation à résidence du 22 avril 2021 pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2103182 du 8 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2021, sous le n° 21BX03515 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23515, M. D... B..., représenté par Me Pougault, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a renouvelé la décision d'assignation à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il a procédé d'office à une substitution de base légale ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation en fait ;
- il est entaché d'un défaut de base légale ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par ordonnance du 4 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2022.
Les parties ont été informées, par un courrier du 20 juin 2022, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'arrêté attaqué devait être fondé sur les dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en lieu et place des dispositions du I de l'article L. 561-2 du même code, abrogées à compter du 1er mai 2021 par l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 (substitution de base légale).
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né le 1er mars 2001 à Laghman (Afghanistan), déclare être entré irrégulièrement en France, le 19 mars 2021. Lors de l'enregistrement de son dossier de demande d'asile, le 23 mars 2021, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait introduit une demande similaire en Roumanie, le 4 janvier 2021, ainsi qu'en Allemagne, le 2 novembre 2020. Les autorités roumaines, saisies d'une demande de reprise en charge le 25 mars 2021, ont fait connaître leur décision de rejet le 8 avril 2021. En revanche, les autorités allemandes, saisies d'une demande de reprise en charge le 25 mars 2021, ont fait connaître leur accord de transfert le 30 mars 2021. Par deux arrêtés en date du 22 avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne a décidé le transfert de M. B... aux autorités allemandes ainsi que son assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Par arrêté en date du 31 mai 2021, le préfet de la Haute-Garonne a renouvelé l'assignation à résidence décidée à l'encontre de M. B... pour une durée de 45 jours. M. B... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 31 mai 2021.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 8 juin 2021 est fondé sur les dispositions du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que ces dispositions ont été abrogées à compter du 1er mai 2021 par l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020. Le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a toutefois retenu que le préfet avait entaché son arrêté d'une erreur de plume qui est sans incidence sur la légalité de l'arrêté dès lors qu'il ressort des dispositions du nouvel article L. 751-2 du même code que le préfet est autorisé à assigner à résidence l'étranger qui, comme en l'espèce, a fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge ou d'une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Toutefois, alors que le préfet de la Haute-Garonne n'a nullement opposé ces dispositions dans ses écritures, le magistrat désigné doit être regardé comme ayant procédé d'office à une substitution de base légale. Or, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le premier juge aurait, au préalable, informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de la substitution de base légale qu'il envisageait, ce qui a privé l'intéressé de la garantie de procédure tenant à pouvoir présenter d'utiles observations sur le fondement sur lequel le premier juge estimait pouvoir asseoir l'arrêté contesté.
3. Il s'ensuit que M. B... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la légalité de l'arrêté du 31 mai 2021 :
4. En premier lieu, par un arrêté du 10 mai 2021 publié le même jour au recueil administratif spécial n° 31-2021-132, le préfet de la Haute-Garonne a donné à Mme C... A..., directrice des migrations et de l'intégration, délégation en matière de police des étrangers et notamment d'arrêtés portant transfert d'un étranger dans le cadre de l'Union européenne et d'arrêtés d'assignation à résidence pour permettre l'exécution de ces transferts. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ".
6. La décision portant renouvellement de l'assignation à résidence de M. B... vise l'ensemble des dispositions sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée en droit. Elle mentionne que l'intéressé a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités allemandes, que l'exécution de cette remise demeure une perspective raisonnable eu égard à l'accord explicite des autorités allemandes le 30 mars 2021, que la mesure d'éloignement ne peut être exécutée immédiatement compte tenu des mesures nécessaires à sa préparation, que la précédente assignation notifiée à M. B... expire le 6 juin 2021 et enfin que celui-ci justifie actuellement d'une adresse à Portet-sur-Garonne. Elle est ainsi suffisamment motivée en fait. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, comme indiqué au point 2, c'est à tort que le préfet s'est fondé sur le I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour décider de renouveler la décision d'assignation à résidence de M. B.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, les dispositions du nouvel article L. 751-2 du même code autorisaient le préfet à assigner à résidence l'intéressé qui a fait l'objet d'une requête aux fins de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. En application des principes rappelés au point 2, il y a lieu de procéder d'office à la substitution de base légale entre le I de l'article L. 561-2 qui a été abrogé et l'article L. 751-2 du code précité, laquelle n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie dès lors que le préfet disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer ces nouvelles dispositions. Il s'ensuit que M. B... n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'un défaut de base légale.
8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes ont explicitement accepté la reprise en charge de M. B... le 30 mars 2021. Dans ces conditions, son éloignement vers l'Allemagne demeurait, le 31 mai 2021, date de l'arrêté contesté portant renouvellement de l'assignation à résidence, une perspective raisonnable. M. B..., qui ne fait état d'aucune contrainte ou impératif particulier de nature à l'empêcher de respecter les obligations prescrites par l'arrêté, qu'il affirme au demeurant avoir respectées dans le cadre de la mesure initiale, n'établit ni même n'allègue que les modalités de l'assignation à résidence en litige porterait une atteinte excessive à sa situation personnelle. La circonstance que M. B... ait respecté les prescriptions de l'assignation à résidence initiale n'est pas de nature à priver d'utilité le renouvellement de la mesure d'assignation ou à entacher cette mesure de disproportion. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur dans l'appréciation de la situation du requérant doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2021 du préfet de la Haute-Garonne renouvelant la décision d'assignation à résidence. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le versement d'une somme au conseil de M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il en va de même des conclusions tendant au paiement des dépens du procès, lequel n'en comporte au demeurant aucun.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
(Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne).
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juillet 2022.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21TL23515