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19/07/2022 | FRANCE | N°21TL23239

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 19 juillet 2022, 21TL23239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler d'une part, l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé sa remise aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence, et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un dé

lai de 24 heures à compter de la date de notification du jugement à intervenir,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler d'une part, l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé sa remise aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence, et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de 24 heures à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2102332 du 28 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2021 sous le n° 21BX03239 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23239, M. B... A..., représenté par Me Pougault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé sa remise aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de 24 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou en tout état de cause de procéder au réexamen de sa demande ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant transfert vers les autorités allemandes :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation en fait ;

- il est également entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnait les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'un défaut de base légale ;

- il méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur de droit, en l'absence de perspective d'éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence sont devenues sans objet, celle-ci n'étant valable que jusqu'au 6 juin 2021 ;

- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- les conclusions tendant à enjoindre à l'Etat de mettre un terme à la procédure de transfert et à enregistrer la demande d'asile de M. A... en procédure normale sont irrecevables.

Par ordonnance du 9 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2022.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 1er mars 2001 à Laghman (Afghanistan), déclare être entré irrégulièrement en France le 19 mars 2021. Lors de l'enregistrement de son dossier complet, le 23 mars 2021, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait introduit une demande similaire en Roumanie, le 4 janvier 2021, ainsi qu'en Allemagne, le 2 novembre 2020. Les autorités roumaines, saisies d'une demande de reprise en charge le 25 mars 2021, ont fait connaître leur décision de rejet le 8 avril 2021. En revanche, les autorités allemandes, saisies d'une demande de reprise en charge le 25 mars 2021, ont fait connaître leur accord de transfert le 30 mars 2021. Par deux arrêtés en date du 22 avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne a décidé le transfert de M. A... aux autorités allemandes ainsi que son assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 28 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation en fait et du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le premier juge.

3. En deuxième lieu, l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, qui dispose : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. M. A... soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 en ce qu'il risque d'être renvoyé en Afghanistan par les autorités allemandes, où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants du fait de la situation de conflit armé interne qui y sévit. Toutefois, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer M. A... en Allemagne et non dans son pays d'origine. L'Allemagne est présumée se conformer aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. L'existence d'un risque sérieux d'exécution forcée par les autorités allemandes d'une mesure d'éloignement vers l'Afghanistan alors que l'intéressé pourrait faire valoir le cas échéant des éléments nouveaux pour solliciter des autorités allemandes le réexamen de sa demande d'asile, n'est pas établi. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de procéder à l'examen de sa demande d'asile en application de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013, doivent être écartés.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

5. En premier lieu, l'arrêté portant assignation à résidence de M. A... ayant été exécuté, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation. L'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Haute-Garonne doit dès lors être écartée.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit que M. A... ne peut exciper de l'illégalité de la décision de transfert au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre l'arrêté préfectoral d'assignation à résidence en litige.

7. En troisième lieu, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur dispose : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".

8. L'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment le I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait référence à la mesure de transfert dont M. A... fait l'objet et précise que l'accord de transfert des autorités allemandes du 30 mars 2021 est valable six mois et que la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable. Dans ces conditions, et dès lors que le préfet n'était pas tenu de détailler les étapes qu'il entendait conduire pour mettre à exécution son arrêté dans les quarante-cinq jours, durée de validité de l'assignation à résidence, l'arrêté attaqué qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde est suffisamment motivé.

9. En quatrième lieu, l'accord des autorités allemandes étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la mesure d'éloignement demeurait une perspective raisonnable, et que M. A... pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence, laquelle constitue une mesure alternative au placement en rétention dès lors que l'intéressé présente des garanties de représentation suffisantes. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existait pas, en dépit de la situation sanitaire, une réelle perspective que l'éloignement de M. A... puisse être mené à bien dans le délai d'assignation prévu par l'arrêté. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation de sa situation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 22 avril 2021 du préfet de la Haute-Garonne. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

(Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne).

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juillet 2022 .

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A.Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL23239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL23239
Date de la décision : 19/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : POUGAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-07-19;21tl23239 ?
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