Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de l'académie de Toulouse à l'indemniser à hauteur de 73 850 euros au titre du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison de son licenciement illégal.
Par un jugement n° 1704392 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires en communication de pièces enregistrés les 20 novembre 2019, 11 décembre 2019 et 31 janvier 2020 sous le n°19BX04460 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 19TL24460, M. A..., représenté par Me Schoenacker Rossi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1704392 du 19 septembre 2019 ;
2°) de condamner le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de l'académie de Toulouse à l'indemniser à hauteur de 73 850 euros au titre du préjudice qu'il a subi en raison de son licenciement illégal, majorée des intérêts de droit à compter du 22 mai 2017 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du CROUS de l'académie de Toulouse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens en application de l'article R. 761-1 du même code.
Il soutient que :
- son recours devant le tribunal était recevable, sa demande préalable d'indemnisation présentée par courrier du 22 mai 2017 ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; il justifie d'un intérêt à agir ;
- son action n'est pas prescrite ;
- la responsabilité du CROUS est engagée en raison d'une part, de la faute commise antérieurement à son licenciement et, d'autre part, de l'illégalité de celui-ci ; la décision prononçant son licenciement est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas reçu communication de l'avis du comité médical avant la décision ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il en a réclamé communication à plusieurs reprises afin de saisir le comité médical supérieur ; il aurait dû bénéficier d'un aménagement de poste au vu de son dossier médical au titre des années 2010/2011 et 2015/2016 et il aurait dû bénéficier d'un reclassement ; le CROUS n'a envisagé aucune possibilité de reclassement depuis 2013 et l'a contraint à travailler sur des postes totalement inadaptés à ses capacités physiques réduites ; il n'a perçu aucun revenu pendant trois ans, n'a reçu les bons de Noël pour ses enfants très tardivement une année et en juin une autre année ; son dossier n'a pas été rendu accessible à un syndicaliste ;
- le tribunal n'a pas statué sur l'ensemble de son argumentation ainsi développée ;
- il a subi un préjudice important du fait de l'attitude de son employeur, n'ayant plus reçu de bulletins de paye depuis juin 2013 ; son préjudice financier s'établit à la somme de 68 850 euros sur cinquante-et-un mois ; son préjudice moral peut être estimé à la somme de 5 000 euros ;
- le lien de causalité est direct et certain avec la faute du CROUS qui l'a licencié sans respecter les prescriptions légales en matière d'aménagement de poste.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2020, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires de l'académie de Toulouse, représenté par la SELARL Avocats-Sud, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le recours est irrecevable, en l'absence de justification d'une faute qui serait à l'origine du préjudice invoqué ;
- après la décision d'inaptitude définitive et absolue rendue par le comité médical départemental, dont la pertinence n'est pas contestée, il ne pouvait qu'engager une procédure de licenciement à l'encontre de M. A... ; aucun reclassement ne pouvait lui être proposé ;
- sa responsabilité ne saurait être retenue dès lors que l'évolution de l'état de santé de M. A... a été prise en compte par son employeur à compter de janvier 2009 ; plusieurs propositions d'aménagement de postes lui ont été faites jusqu'en 2013.
Par une ordonnance en date du 6 juillet 2021, la date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 6 septembre 2021.
Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de M. A..., non représenté.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été engagé selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 septembre 1994 en qualité d'agent de service par le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de l'académie de Toulouse pour exercer les fonctions de " responsable plonge ". Il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 21 janvier 2013, en raison d'une dépression d'intensité sévère et a épuisé ses droits à indemnisation. Par une décision du 19 décembre 2016 prise après avis du comité médical départemental du 9 novembre précédent, la directrice du CROUS de l'académie de Toulouse a prononcé son licenciement pour inaptitude absolue et définitive à compter du 3 janvier 2017. Par un courrier du 2 février 2017, M. A... a demandé l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement. En l'absence de réponse, il a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le CROUS de l'académie de Toulouse à l'indemniser à hauteur de la somme de 76 850 euros. Par le jugement attaqué du 19 septembre 2019, le tribunal a rejeté la demande de M. A.... Ce dernier relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des écritures de première instance que M. A... s'est borné à invoquer la faute résultant de l'illégalité de son licenciement au regard notamment de l'absence antérieure de proposition d'un poste adapté. Dans cette mesure, le tribunal a exposé avec une précision suffisante les motifs qui l'ont conduit à juger que M. A... n'établissait l'existence d'aucune faute susceptible d'engager la responsabilité du CROUS de l'académie de Toulouse à son égard. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments, ont insuffisamment motivé leur jugement sur ce point.
Sur la responsabilité du CROUS de l'académie de Toulouse :
3. En premier lieu, M. A... soutient qu'au vu de son dossier médical, il aurait dû bénéficier d'un aménagement de poste, ainsi que l'a préconisé le médecin de prévention à plusieurs reprises, et que son employeur ne lui a proposé que des postes totalement inadaptés à sa condition physique. Il résulte cependant des pièces produites que M. A... a bénéficié d'un poste aménagé dès sa reprise de fonctions en janvier 2009 à la suite de son accident du travail du 2 octobre 2008, tant sur le site de l'école vétérinaire que sur le site du restaurant universitaire de l'Upsidum à compter de mai 2009, ainsi qu'au restaurant universitaire de l'Arsenal où il a été muté en septembre 2009. S'il soutient qu'un poste vacant en plonge-laverie aurait dû lui être proposé au sein du restaurant universitaire de l'Arsenal en 2010/2011, il expose ensuite de manière contradictoire qu'il a été maintenu sur ce site, où il a été affecté en novembre 2011, alors même qu'il comporte des activités trop importantes pour des agents présentant des pathologies. Cependant, s'il allègue que l'aménagement de poste qu'il a accepté le 21 novembre 2011 n'a jamais été suivi d'effet, il n'en justifie par aucune pièce, alors qu'il résulte des pièces produites que M. A... a été placé en arrêt de travail à compter du 2 décembre suivant en raison d'un accident de trajet et n'a pas repris ses fonctions au sein de ce restaurant universitaire. En outre, il ne ressort pas de la proposition d'aménagement de poste qui a été adressée au médecin de prévention le 15 novembre 2011 et que M. A... a ensuite acceptée, qu'il devait être affecté sur un poste de plonge-batterie correspondant à l'échelle 3 de rémunération. Il a par ailleurs refusé en janvier et avril 2013 les trois propositions de poste aménagé qui lui ont été faites par son employeur, alors même que ces propositions qui précisaient qu'il conservait son grade de responsable de plonge et tous les avantages liés à l'échelle 4, avaient été considérées comme étant en adéquation avec son état physique par le médecin de prévention. M. A... reproche ensuite à son employeur d'avoir refusé, sans motif, d'accéder à ses demandes de mutation en 2015. Toutefois, il ne résulte d'aucune pièce qu'un poste était effectivement vacant sur le site de Blagnac. Si son employeur a refusé d'accéder à sa demande de mutation sur le site de l'école vétérinaire au motif qu'il a eu une altercation avec le chef de cuisine lorsqu'il y était en poste et qu'il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire en mars 2009 de ce fait, ce refus ne saurait revêtir un caractère fautif, alors même que le chef de cuisine n'était plus en poste en 2015/2016, dès lors que M. A... devait bénéficier d'un poste adapté à son état de santé sur le site de l'Arsenal. S'il fait observer qu'en 2012 plusieurs collègues ont bénéficié d'une mutation pour quitter ce site au vu de problèmes médicaux lourds, cette circonstance ne permet pas d'établir que les propositions d'aménagement de poste qui lui ont été faites en 2013 sur les sites de l'Arsenal et de Rangueil n'étaient pas adaptées à sa situation. Ainsi, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du CROUS pour le motif évoqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : (...) 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après congé ou disponibilité ; (...) ; 7. Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire, ainsi que dans tous les autres cas prévus par des textes réglementaires. / (...) / Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; / - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. / L'avis du comité médical est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. (...) ".
5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 que l'administration n'avait pas à communiquer d'office l'avis du comité médical. Si le requérant soutient en avoir demandé la communication à plusieurs reprises, il ne justifie cependant pas l'avoir fait avant la décision prononçant son licenciement. Il résulte par ailleurs des termes de son courrier du 8 août 2017 par lequel il a saisi le comité médical supérieur, qu'il a obtenu communication de l'avis du comité médical le 23 janvier 2017. En outre, s'il expose que cette communication tardive l'a empêché de contester en temps utile son inaptitude à tout poste au sein du CROUS, il ressort cependant des pièces produites, en particulier du courrier du 6 novembre 2016, qu'il a adressé au secrétariat du comité médical ses observations aux conclusions circonstanciées du médecin expert désigné et indiqué que des postes auraient pu lui être proposés par son employeur tant dans la restauration que dans l'hébergement. Dès lors, aucune illégalité de procédure fautive ne saurait être reprochée au CROUS de l'académie de Toulouse pour le motif invoqué.
6. En troisième lieu, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé. La mise en œuvre de ce principe implique que l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible à l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Dans le cas où le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite, il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.
7. L'employeur doit être regardé comme ayant satisfait à son obligation de reclassement s'il établit être dans l'impossibilité de trouver un nouvel emploi approprié aux capacités de son agent malgré une recherche effective et sérieuse.
8. Il résulte de l'instruction que M. A... a été déclaré inapte " de façon absolue et définitive à ses fonctions antérieures et à toutes fonctions proposées par l'administration " par le comité médical départemental qui s'est prononcé le 9 novembre 2016. Si M. A... soutient que le CROUS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de procéder à son reclassement depuis 2013, il ressort cependant des pièces produites qu'il a refusé trois propositions de poste aménagé qui lui avaient été faites en janvier et avril 2013 à l'Arsenal et à Rangueil, ainsi qu'il a été indiqué au point 3. Il exposait notamment dans ses courriers des 8 février et 12 avril 2013 qu'un poste de travail au sein d'une grande structure était inadapté à son état de santé, en raison du stress que génèrent les grandes structures et de l'obligation de tenir des cadences soutenues, et souhaitait travailler au sein d'une petite unité, prioritairement sur le site de Blagnac, sans justifier que les postes qui lui étaient proposés étaient effectivement incompatibles avec son état de santé. S'il soutient qu'il pouvait occuper d'autres postes au sein du CROUS qui dispose d'un grand nombre d'établissements totalement différents dans le rythme de travail, dans les postes proposés et dans les qualifications nécessaires, il n'a apporté aucune précision utile à ses dires. Au regard de l'avis émis par le comité médical départemental, le CROUS n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en ne lui proposant pas de reclassement sur un autre poste avant de procéder à son licenciement.
9. En quatrième lieu, la circonstance que M. A... aurait reçu les bons cadeau de Noël pour ses enfants avec plusieurs mois de retard à deux reprises ne saurait être de nature à engager la responsabilité du CROUS. De même, si M. A... soutient qu'il n'a perçu aucun salaire pendant trois ans, après avoir épuisé ses droits à indemnisation et s'être vu refuser la prise en charge de ses arrêts de travail par la caisse primaire d'assurance maladie au-delà de la date de consolidation de son état de santé à la suite de son accident de trajet du 2 décembre 2011, qui a été fixée au 18 janvier 2013, il ne résulte pas de ce qui a été précédemment exposé qu'une faute de nature à engager la responsabilité du CROUS puisse être retenue, alors que l'intéressé a refusé les propositions d'aménagement de poste qui lui avaient été faites en janvier et avril 2013. Enfin, l'absence d'accès à son dossier du représentant syndical qui l'a accompagné lors de l'entretien préalable à son licenciement, à la supposer établie, ne permet pas davantage d'engager la responsabilité du CROUS, aucune pièce ne permettant de justifier qu'un refus de communication aurait été opposé au délégué d'établissement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CROUS de l'académie de Toulouse, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du CROUS de l'académie de Toulouse présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre régional des œuvres universitaires et scolaires de l'académie de Toulouse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre régional des œuvres universitaires et scolaires de l'académie de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
- Mme Blin, présidente-assesseure,
- Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
La rapporteure,
A. BlinLa présidente,
A. Geslan-Demaret
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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