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15/03/2022 | FRANCE | N°20TL01209

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 15 mars 2022, 20TL01209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 7 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Salses-le-Château (Pyrénées-Orientales) a institué une taxe d'aménagement majorée de 20% sur le secteur de Sainte-Colombe, ensemble la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux du 5 septembre 2017, et de mettre à la charge de la commune de Salses-le-Château la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dépens et de l'artic

le L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706079 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 7 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Salses-le-Château (Pyrénées-Orientales) a institué une taxe d'aménagement majorée de 20% sur le secteur de Sainte-Colombe, ensemble la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux du 5 septembre 2017, et de mettre à la charge de la commune de Salses-le-Château la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dépens et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706079 du 13 janvier 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la délibération du 7 juillet 2017 ainsi que la décision implicite de rejet du 5 septembre 2017 et mis à la charge de la commune de Salses-le-Château une somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2020 sous le n° 20MA01209 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL01209, la commune de Salses-le-Château, représentée par Me Lerat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706079 du 13 janvier 2020 du tribunal administratif de Montpellier, à défaut de valider la participation due par M. B... au titre du plan d'aménagement d'ensemble de Sainte-Colombe dans l'instance 18MA05188 ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal n'ayant pas déterminé les faits sur lesquels il s'est fondé pour affirmer que la commune n'aurait pas précisé la nature et la consistance des travaux ni justifié le fait que le taux de 20% ne financerait que ces travaux ;

* les motifs du jugement sont entachés d'erreurs de fait dès lors que la délibération était parfaitement motivée, sans qu'une étude spécifique ne doive être menée pour déterminer le caractère substantiel des travaux à réaliser, lesquels correspondent à l'orientation d'aménagement et de programmation n°4 du plan local d'urbanisme relative à l'accueil de nouveaux habitants permettant ainsi de résorber une " dent creuse " et ouvrant les accès aux réseaux de parcelles anciennement enclavées ; des travaux de voirie y sont également nécessaires ;

* il est entaché d'une erreur de droit dès lors que la commune a parfaitement choisi le taux de la taxe d'aménagement majorée au regard des précisions de la circulaire du 18 juin 2013 ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 331-15 du code de l'urbanisme est infondé ;

* M. B... ne peut pas prétendre n'être redevable d'aucune participation financière au titre de l'obtention de son permis d'aménager ; la commune a supprimé l'ensemble des participations antérieures à l'instauration de la taxe d'aménagement majorée sur le secteur concerné ;

* le moyen de légalité externe opposé dans le recours devant le tribunal administratif est infondé et n'est pas démontré par M. B... à qui incombe la charge de la preuve.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2020, M. A... B..., représenté par la SCP d'avocats Vial Pech de Laclause Escale Knoepffler, conclut au rejet de la requête et que soit mise à la charge de la commune de Salses-le-Château la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il fait valoir que :

* il appartiendra à la commune de justifier qu'en application des dispositions de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, les membres du conseil municipal ont été convoqués trois jours francs avant la réunion ayant adopté la délibération attaquée ;

* la délibération est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L.331-15 du code de l'urbanisme, en l'absence de mention sur l'état actuel des réseaux, voiries et équipements publics, et sur les besoins futurs des habitants de la zone, ainsi que sur le choix du taux ;

* la taxe d'équipement majorée instaurée par la délibération attaquée se cumule de manière illégale avec le plan d'aménagement d'ensemble de Sainte-Colombe ; il appartenait à la commune de modifier préalablement le périmètre de ce plan ;

* en l'absence d'études démontrant la nécessité de réaliser des travaux substantiels dans cette zone, cette majoration méconnaît l'article L. 331-15 du code de l'urbanisme ; les travaux de réalisation des équipements publics rendus nécessaires par l'aménagement de ce secteur définis dans le plan d'aménagement d'ensemble ont été mis à la charge des constructeurs et la commune a d'ailleurs exposé dans le cadre de l'instance 18MA05188 que ces travaux ont été réalisés et que les classes scolaires ont été créées, de sorte qu'aucun équipement supplémentaire n'est nécessaire ; en méconnaissance de la circulaire du 18 juin 2013, la commune ne démontre pas que les prétendus travaux à réaliser sur les réseaux bénéficieront uniquement au secteur Sainte-Colombe ;

* la commune n'a instauré cette majoration que dans le seul but de lui nuire ; la délibération est ainsi entachée de détournement de pouvoir.

Par ordonnance du 8 septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2020.

Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la commune de Salses-le-Château.

Un mémoire présenté pour la commune de Salses-le-Château a été enregistré le 22 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Buchard, représentant la commune de Salses-le-Château, et de Me Huot, représentant M. B....

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Salses-le-Château, a été enregistrée le 14 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 7 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Salses-le-Château a institué une taxe d'aménagement majorée de 20% pour le secteur de Sainte Colombe, ensemble la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux du 5 septembre 2017. La commune relève appel du jugement par lequel le tribunal a annulé la délibération en litige, dont elle demande l'annulation et le rejet des conclusions de M. B... ou à défaut, de valider la participation due par l'intéressé au titre du plan d'aménagement d'ensemble de Sainte-Colombe dans l'instance 18MA05188. Par un arrêt du 29 septembre 2020 sous le n° 18MA05188, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête présentée par la commune de Salses-le-Château formée à l'encontre de l'article 4 de l'arrêté du 24 mars 2017 qui mettait à la charge de M. B... une participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble d'un montant de 213 887,10 euros, dans le cadre du permis d'aménager pour la création de 18 lots destinés à la construction de bâtiments à usage d'habitation sur un terrain cadastré section AK n° 108 et 109 qui lui a été délivré.

Sur la régularité du jugement :

2.Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il résulte des termes du jugement que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, a estimé que la commune n'établissait pas que les travaux pour lesquels la majoration contestée a été décidée seraient nécessaires pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné, ni que le taux de 20% financerait seulement la quote-part des équipements publics nécessaires aux futurs habitants de ce secteur. Les premiers juges ont ainsi suffisamment exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé que la délibération en litige devait être annulée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de la délibération :

3. Aux termes de l'article L. 331-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les opérations d'aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d'agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d'autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d'une taxe d'aménagement, (...) / Les redevables de la taxe sont les personnes bénéficiaires des autorisations mentionnées au premier alinéa du présent article ou, en cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation de construire ou d'aménager, les personnes responsables de la construction. / Le fait générateur de la taxe est, selon les cas, la date de délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager (...) ". Aux termes de l'article L. 331-14 du même code : " Par délibération adoptée avant le 30 novembre, les communes ou établissements publics de coopération intercommunale bénéficiaires de la part communale ou intercommunale de la taxe d'aménagement fixent les taux applicables à compter du 1er janvier de l'année suivante. / Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale peuvent fixer des taux différents dans une fourchette comprise entre 1 % et 5 %, selon les aménagements à réaliser, par secteurs de leur territoire définis par un document graphique figurant, à titre d'information, dans une annexe au plan local d'urbanisme ou au plan d'occupation des sols. (...) ". Aux termes de l'article L. 331-15 du même code : " Le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d'aménagement peut être augmenté jusqu'à 20 % dans certains secteurs par une délibération motivée, si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d'équipements publics généraux est rendue nécessaire en raison de l'importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs. Il ne peut être mis à la charge des aménageurs ou constructeurs que le coût des équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans ces secteurs ou, lorsque la capacité des équipements excède ces besoins, la fraction du coût proportionnelle à ceux-ci. En cas de vote d'un taux supérieur à 5 % dans un ou plusieurs secteurs, les contributions mentionnées au b du 1°, aux b et d du 2° et au 3° de l'article L. 332-6-1 ne sont plus applicables dans ce ou ces secteurs. ".

4. La légalité d'une délibération de l'organe délibérant d'une commune , prise en application de l'article L. 331-15 du code de l'urbanisme, d'appliquer dans certains secteurs de la commune un taux majoré pour le calcul de la taxe d'aménagement est subordonnée à la condition que ce taux soit proportionné au coût des travaux de voirie ou de création d'équipements publics rendus nécessaires en raison de l'importance des constructions nouvelles édifiées dans les secteurs en cause, et ne peut se déduire de la seule absence de tout élément permettant de considérer que les équipements et aménagements prévus excèderaient les besoins du secteur.

5. Pour décider d'appliquer un taux majoré dans le secteur Sainte-Colombe, la délibération du 7 juillet 2017 a considéré que ce secteur " nécessite, en raison de l'importance des constructions à y édifier (...), la réalisation et l'extension des réseaux eaux pluviales, d'eau potable, d'électricité et d'assainissement, afin de répondre aux besoins des futurs habitants, l'extension de classes scolaires ainsi que du restaurant scolaire ". La commune de Salses-le-Château soutient que le secteur de Sainte-Colombe correspond à l'orientation d'aménagement et de programmation n°4 du plan local d'urbanisme approuvé par une délibération du même jour, relative à l'accueil de nouveaux habitants permettant ainsi de résorber une " dent creuse " en ouvrant les accès aux réseaux de parcelles anciennement enclavées, et ajoute que les parcelles 93, 94, 98 et 99 ne sont pas desservies par les réseaux d'eau, d'assainissement et d'électricité. Toutefois, les documents produits se bornent à faire état de manière générale du projet d'aménagement et d'urbanisation de ce secteur situé au sud de la commune d'une superficie de 1,2 hectare entouré d'habitations, nécessitant la création d'une voie de desserte principale ainsi que d'une voie secondaire depuis la rue Sainte-Colombe et traversant les parcelles AK 108 et 109, et prévoyant une densité de 20 logements par hectare. Ainsi, en l'absence de tout chiffrage prévisionnel du coût des travaux de voirie devant être réalisés ou de la création d'équipements publics généraux, la commune, qui ne peut utilement soutenir que la délibération contestée répond aux prescriptions énoncées dans la circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l'aménagement, ne justifie pas que l'augmentation de la taxe au taux majoré maximal de 20% serait proportionnée au coût des travaux et équipements nécessaires. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé pour ce motif la délibération litigieuse.

6. Si la commune invoque la circonstance que M. B... ne peut pas prétendre n'être redevable d'aucune participation financière au titre de l'obtention du permis d'aménager qui lui a été délivré le 24 mars 2017 pour la création de 18 lots destinés à la construction de bâtiments à usage d'habitation sur un terrain cadastré section AK n° 108 et 109 dans le secteur Sainte-Colombe, alors que la commune a supprimé l'ensemble des participations antérieures à l'instauration de la taxe d'aménagement majorée sur le secteur concerné, un tel moyen est inopérant à l'encontre de la délibération en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Salses-le-Château n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a annulé la délibération du 7 juillet 2017.

Sur les frais liés au litige :

8. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Salses-le-Château une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Salses-le-Château une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

9. D'autre part, M. B... n'ayant exposé, dans la présente instance, aucun des frais mentionnés à l'article R. 761-1 du même code, ses conclusions tendant à ce que la commune de Salses-le-Château supporte les entiers dépens de l'instance doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Salses-le-Château est rejetée.

Article 2 : La commune de Salses-le-Château versera à M. B... une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 :Le présent arrêt sera notifié à la commune de Salses-le-Château et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.

La rapporteure,

A. BLIN

La présidente,

A. GESLAN-DEMARETLe greffier,

F. KINACH

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°20TL01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL01209
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-024 Urbanisme et aménagement du territoire. - Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SCP VIAL - PECH DE LACLAUSE - ESCALE - KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-03-15;20tl01209 ?
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