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02/07/2024 | FRANCE | N°23PA01886

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23PA01886


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel le préfet de police a prononcé la caducité de son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.



Par un jugement n° 2224744 du

12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision du 4 novembre 2022 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel le préfet de police a prononcé la caducité de son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2224744 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision du 4 novembre 2022 du préfet de police portant interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, le préfet de police demande à la Cour d'annuler l'article 1er de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision en litige au motif d'une insuffisance de motivation alors qu'elle répond aux exigences de motivation prévues par les dispositions de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par M. A..., il s'en réfère à ses écritures de première instance.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant italien, né le 21 avril 1992, est entré en France en dernier lieu, selon ses déclarations, le 1er mars 2022. Par un arrêté du 4 novembre 2022, le préfet de police a prononcé la caducité de son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. Le préfet de police fait appel du jugement du 12 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris, à la demande de M. A..., a annulé sa décision du 4 novembre 2022 portant interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société (...). / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ". Aux termes de l'article L. 251-4 du même code : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ". Enfin, en vertu des dispositions de l'article L. 251-6 de ce code, les dispositions précitées du sixième alinéa de l'article L. 251-1 sont applicables à l'interdiction de circulation sur le territoire français.

3. La décision attaquée vise les dispositions des articles L. 251-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs aux décisions pouvant assortir l'obligation de quitter le territoire français. Elle indique également que M. A..., qui s'est rendu coupable de faits, commis du 29 au 30 mai 2022 et le 2 juin 2022, de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin, ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (récidive), qui lui ont valu d'être condamné, par un jugement du 3 juin 2022 du tribunal correctionnel de Paris, à une peine de dix mois d'emprisonnement dont deux mois avec sursis probatoire pendant deux ans, constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Enfin, elle précise que M. A... se déclare être célibataire et sans enfant et qu'ainsi, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, une telle motivation, commune à l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 4 novembre 2022, y compris celle portant interdiction de circulation sur le territoire français, satisfait à l'exigence de motivation résultant de l'article L. 251-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision portant interdiction de circulation au motif qu'elle ne précisait pas les circonstances de fait en constituant le fondement.

4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif de Paris par M. A... à l'encontre de la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français.

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif de Paris par M. A... à l'encontre de la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :

5. En premier lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision contestée, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A..., avant de prononcer à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef cette décision doit être écarté.

6. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, M. A... s'est rendu coupable de faits, commis du 29 au 30 mai 2022 et le 2 juin 2022, de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin, ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (récidive), qui lui ont valu d'être condamné, par un jugement du 3 juin 2022 du tribunal correctionnel de Paris, à une peine de dix mois d'emprisonnement dont deux mois avec sursis probatoire pendant deux ans. En outre, l'intéressé est défavorablement connu des services de police pour avoir été signalé à six reprises entre le 28 octobre 2021 et le 22 août 2022 pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et violence par une personne en état d'ivresse suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, pour des faits de menace de mort réitérée et de menace de dégradation ou détérioration dangereuse pour les personnes faite sous condition et pour des faits d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique. Par ailleurs, en se bornant à indiquer qu'il est venu en France rejoindre sa famille, qu'il est hébergé en France soit par son père, soit par sa nièce et qu'il souffre d'une addiction à l'alcool pour laquelle il se fait actuellement soigner, l'intéressé ne présente aucun gage sérieux et avéré de distanciation ou de remise en question par rapport à l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ainsi que de non réitération. En particulier, l'intéressé, âgé de trente ans à la date de la décision attaquée, célibataire et sans charge de famille, ne fournit aucune précision, ni aucun élément sur les soins dont il bénéficierait à raison de son addiction, sur l'ancienneté et la continuité de son séjour en France ou encore sur l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa famille y séjournant. De plus, il ne justifie d'aucune insertion sociale et professionnelle sur le territoire, l'intéressé ne maîtrisant pas la langue française. Enfin, il n'établit aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale en Italie. Par suite, compte tenu de la nature, de la répétition et de la gravité des faits commis par M. A... et en l'absence de toute garantie sérieuse de non réitération et de réinsertion, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

7. En dernier lieu, la mention erronée figurant dans la décision attaquée quant au quantum de la peine d'emprisonnement prononcée le 3 juin 2022 par le tribunal correctionnel de Paris, soit " dix ans " au lieu de " dix mois ", doit être regardée en l'espèce comme une simple erreur de plume dépourvue d'incidence sur la légalité de cette décision. Par ailleurs, M. A... ne peut davantage utilement se prévaloir, à l'encontre de cette décision, des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui concernent les mesures d'expulsion. Enfin, les conditions de notification d'une décision administrative étant sans incidence sur sa légalité, M. A... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision contestée, de la circonstance que cette dernière ne lui a pas été notifiée par le truchement d'un interprète.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 4 novembre 2022 prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2224744 du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2022 du préfet de police prononçant à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEU

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01886


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01886
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23pa01886 ?
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