Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2113075 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2023, M. D..., représenté par Me Pierre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de cette notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 7 de la convention des Nations Unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Par une décision du 3 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les observations de Me Grolleau, substituant Me Pierre, avocate de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant comorien, né le 26 janvier 1993 et entré en France, selon ses déclarations, le 1er février 2014, a sollicité, le 18 février 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 27 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... fait appel du jugement du 8 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Par l'arrêté attaqué du 27 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de délivrance de titre de séjour présentée par M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif, notamment, que " sa situation, tant personnelle que professionnelle, ne permet pas, au regard des motifs exceptionnels et humanitaires qu'il avance, son admission au séjour ".
3. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de celles produites en appel, et il n'est d'ailleurs pas contesté, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant pas produit d'observations en appel, ni en première instance, que M. D..., qui déclare être entré en France au mois de février 2014, justifie de sa résidence habituelle sur le territoire depuis au moins le mois d'avril 2014. De plus, il vit depuis l'année 2016 avec une compatriote, qui séjourne sur le territoire depuis de nombreuses années et qui est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, valable du 10 juin 2021 au 9 juin 2025, avec laquelle il s'est marié le 11 août 2018 et dont il a eu deux enfants, le jeune B... né le 18 janvier 2018 et la jeune C... née le 12 janvier 2020. En outre, le fils de M. D... a bénéficié, dès l'année 2020, d'un suivi pédopsychiatrique précoce et régulier, notamment pour un retard du langage et des troubles du comportement, auprès du centre médico-psychologique pour enfants de E.... Ce suivi a d'ailleurs permis de poser un diagnostic d'un trouble du spectre autistique, que présente le jeune B..., avec un retard global de développement et un retard sévère de développement du langage, nécessitant une prise en charge médicale et pluridisciplinaire au long cours. Par ailleurs, si l'épouse de M. D... a exercé une activité professionnelle en qualité d'assistante de vie entre 2017 et 2019, elle n'a pu poursuivre cette activité, notamment en raison de l'état de santé de son fils. Enfin, si M. D... ne se prévaut pas d'une insertion professionnelle ancienne sur le territoire, l'intéressé, dont la présence auprès de sa famille et, en particulier, de son fils, revêt un caractère nécessaire, justifie d'une promesse d'embauche du 3 décembre 2019, renouvelée d'ailleurs le 22 mars 2023, comme " graphiste designer " auprès d'une société de reprographie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée du séjour en France de M. D..., des liens personnels et familiaux dont il peut se prévaloir sur le territoire et de l'intérêt de sa présence auprès de son fils et alors même qu'il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales aux Comores et qu'il peut bénéficier de la procédure du regroupement familial, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces deux mesures sur la situation de l'intéressé. Par suite, M. D... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 2, l'exécution du présent arrêt implique que soit délivrée à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer ce titre de séjour à l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
7. M. D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pierre, avocate de M. D..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2113075 du 8 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 27 juillet 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Pierre, avocate de M. D..., la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,
L. d'ARGENLIEU
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01340