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23/04/2024 | FRANCE | N°22PA04328

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 23 avril 2024, 22PA04328


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2211768 du 21 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du

10 janvier 2022 du préfet de police en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2211768 du 21 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 10 janvier 2022 du préfet de police en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Camus, avocate de l'intéressé, au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2022, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté du 10 janvier 2022 dès lors que M. C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie en Géorgie ;

- si la Cour ne retient pas le bien-fondé du motif tenant à la menace pour l'ordre public, ce motif, qui revêt un caractère surabondant, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

- la décision portant refus de titre de séjour est exempte d'un vice de procédure ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête du préfet de police a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 4 mars 2024, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 5 avril 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien, né le 8 août 1970 et entré en France, selon ses déclarations, le 2 février 2015, a sollicité, le 26 août 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 janvier 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police fait appel du jugement du 21 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 janvier 2022 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais de l'instance.

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire (...) peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Pour annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le tribunal administratif a, d'une part, estimé que les infractions commises par l'intéressé en 2015 et 2016, soit des faits de vol en réunion et des faits de vol, " compte tenu à la fois de leur nature et de leur ancienneté, n'étaient pas de nature à faire regarder la présence de M. C..., à la date de l'arrêté, comme constitutive d'une menace pour l'ordre public ", d'autre part, après avoir relevé que M. C..., pris en charge en France pour une hépatite B et bénéficiant d'un traitement médicamenteux, le " Viread " (" Ténofovir Disoproxil "), régulièrement renouvelé depuis 2016, a produit deux attestations des 11 mars 2021 et 25 janvier 2022 du ministère géorgien pour les déplacés internes des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales, indiquant que le " Ténofovir Disoproxil " n'est pas enregistré en Géorgie, a considéré qu'" il résulte de l'ensemble de ces éléments circonstanciés, qui ne sont pas contestés en défense, que M. C... ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement en cas de retour dans son pays d'origine ".

4. Cependant, en appel, le préfet de police produit la liste publiée sur le site internet du gouvernement de Géorgie, intitulée " Georgia Medicaid / PeachCare Preferred Drug List " et datée du mois de septembre 2022, qui mentionne la disponibilité du " Ténofovir Disoproxil " et qui précise que ce médicament est disponible avec une faible part à la charge du patient. Au surplus, le " Viread " figurait déjà sur la même liste du mois de janvier 2014. Par ailleurs, les quelques documents produits en première instance par M. C..., notamment un certificat médical établi le 13 janvier 2021 par un praticien hospitalier de l'hôpital Lariboisière, se bornant à indiquer, sans autres précisions, que sa prise en charge médicale régulière " ne peut être délivrée dans son pays d'origine ", et les documents présentés comme étant deux attestations des 11 mars 2021 et 25 janvier 2022 du ministère géorgien pour les déplacés internes des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales, sur lesquels, au demeurant, il n'a livré aucune explication quant à leurs modalités d'obtention, ne sauraient suffire à remettre en cause les éléments produits en appel par le préfet de police, notamment quant à la disponibilité effective d'un traitement approprié à la pathologie de l'intéressé en Géorgie. Dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément précis et objectif de nature à démontrer que M. C... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un tel traitement dans ce pays, le préfet de police, en s'appropriant l'avis du 22 octobre 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé, en particulier, que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié, et, en conséquence, en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour raison de santé, n'a commis aucune erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Par ailleurs, s'il est constant que M. C... s'est rendu coupable, le 22 avril 2015, de faits de vol en réunion, pour lesquels il a été condamné, par un jugement du 6 juillet 2015 du tribunal correctionnel de Troyes, à une amende de 200 euros, et, le 17 juin 2016, de faits de vol, qui lui a valu une condamnation, par un jugement du 6 février 2018 du tribunal correctionnel de Pontoise, à une peine d'un mois d'emprisonnement, qui a été convertie, le 8 février 2021, en 25 heures de travaux d'intérêt général, ces seules infractions, eu égard à leur gravité relative et à leur ancienneté ainsi qu'en l'absence de réitération, n'étaient pas de nature à faire regarder sa présence en France, à la date de l'arrêté du 10 janvier 2022, comme constitutive d'une menace pour l'ordre public. Toutefois, il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision de refus de titre de séjour en se fondant sur les autres motifs de son arrêté, à savoir, notamment, que M. C... ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté du 10 janvier 2022 pour les motifs rappelés au point 3.

7. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... :

8. En premier lieu, il ressort des pièces versées en première instance par le préfet de police que l'avis du 22 octobre 2021 du collège de médecins de l'OFII a été émis au vu d'un rapport médical établi le 3 octobre 2021 par un médecin de l'Office, le docteur D... B..., qui n'a pas siégé au sein du collège ayant rendu cet avis. En outre, cet avis a été émis par trois médecins de l'Office, les docteurs Joëlle Trétout, Michel Spadari et Catherine Pintas, désignés pour ce faire par une décision du 17 janvier 2017 modifiée du directeur général de l'OFII. Par ailleurs, cet avis, qui comporte les indications prescrites par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, est revêtu des signatures de ces trois médecins. Enfin, il résulte des dispositions des articles L. 425-9, R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 5 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé que si cet avis commun, rendu par trois médecins, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci, les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance, à la supposer établie, qu'en l'espèce, ces réponses n'auraient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige portant refus de titre de séjour aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

9. En deuxième lieu, M. C... est célibataire et sans charge de famille en France. De plus, sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 19 novembre 2015 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 24 janvier 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. En outre, l'intéressé, qui s'est maintenu irrégulièrement en France depuis lors et qui a fait l'objet d'un précédent arrêté du 31 août 2018 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ne justifie d'aucune insertion professionnelle sur le territoire. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 4, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Enfin, il n'est pas dépourvu de toute attache privée et familiale dans ce pays où réside sa fille. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. C..., le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation de la situation de l'intéressé.

10. En troisième lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il y a lieu d'écarter les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 et du 9° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, en obligeant M. C... à quitter le territoire français, le préfet de police n'a commis aucune erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de cette mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 10 janvier 2022, lui a enjoint de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2211768 du 21 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de police et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGESLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04328
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;22pa04328 ?
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