La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2024 | FRANCE | N°22PA03321

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 22PA03321


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 mai 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2105071 du 25 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.




Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, M. A..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 mai 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2105071 du 25 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Miléo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne vise pas le mémoire complémentaire qu'il a présenté le 5 avril 2022, ni ne répond au moyen nouveau figurant dans ce mémoire, est entaché d'irrégularité ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête de M. A... a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 8 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la décision n° 437141, 437142, 437365 du Conseil d'Etat du 2 juillet 2021 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 25 juillet 1988, fait appel du jugement du 25 avril 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2021 de la préfète du Val-de-Marne l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".

3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué du 25 avril 2022 que celui-ci a omis de viser le mémoire complémentaire présenté par M. A... le 5 avril 2022 à 9h27, pour l'audience prévue le même jour à 13h30 et avant la clôture de l'instruction, et de se prononcer sur le moyen nouveau figurant dans ce mémoire, qui n'était pas inopérant, et tiré de la méconnaissance de l'article L. 542-1 et du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 mai 2021.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 532-1 du même code : " La Cour nationale du droit d'asile, dont la nature, les missions et l'organisation sont notamment définies au titre III du livre I, statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 511-1 à L. 511-8, L. 512-1 à L. 512-3, L. 513-1 à L. 513-5, L. 531-1 à L. 531-35, L. 531-41 et L. 531-42. / A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 541-1 de ce code : " L'attestation de demande d'asile est renouvelée jusqu'à ce que le droit au maintien prenne fin en application des articles L. 542-1 ou L. 542-2. / Le renouvellement de l'attestation de demande d'asile relève du préfet du département dans lequel le demandeur d'asile est domicilié en application des articles R. 551-7 à R. 551-15, et à Paris, du préfet de police. / Le premier renouvellement est effectué sur présentation de l'accusé de réception de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides mentionné à l'article R. 531-5. / Sous réserve des dispositions de l'article L. 542-2, en cas de recours contre une décision de l'office rejetant une demande d'asile, le renouvellement est effectué sur présentation de l'avis de réception d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile mentionné à l'article R. 532-9. / L'attestation n'est pas renouvelée lorsqu'il est manifeste que le délai prévu à l'article L. 532-1 n'a pas été respecté ".

6. Par l'arrêté contesté du 7 mai 2021, la préfète du Val-de-Marne a obligé M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, aux motifs, notamment, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 22 février 2021 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), notifiée le 7 avril 2021, et qu'" il apparaît que M. A... s'est abstenu de contester cette décision de rejet devant la Cour nationale du droit d'asile, dans le délai d'un mois ", prévu par l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 532-1 du même code.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé des informations de la base de données " Telemofpra " produit par la préfète du Val-de-Marne, que le recours de M. A... contre la décision du 22 février 2021 du directeur général de l'OFPRA, qui lui a été notifiée le 7 avril 2021, a été présenté auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 4 mai 2021, soit dans le délai de recours d'un mois qui lui était imparti. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu en défense par la préfète du Val-de-Marne que M. A... aurait relevé de l'un des cas où, en application de l'article L. 542-2 du même code, son droit de se maintenir sur le territoire français aurait pris fin dès l'intervention de la décision de l'OFPRA. Au surplus, la préfète ne pouvait légalement estimer que M. A... ne disposait plus du droit de se maintenir en France, dès l'intervention de la décision de rejet de l'OFPRA, en application des dispositions du d) du 1° de cet article L. 542-2, l'intéressé provenant d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, dès lors que, par une décision du 2 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé, avec effet rétroactif, la délibération du 5 novembre 2019 du conseil d'administration de l'OFPRA maintenant sur la liste des pays d'origine sûrs, notamment, la République du Sénégal. Dans ces conditions, à la date de l'arrêté contesté, soit le 7 mai 2021, M. A... bénéficiait encore du droit de se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en l'obligeant, par cet arrêté, à quitter le territoire français, la préfète du Val-de-Marne a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, pour ce motif, à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

9. Il résulte de l'instruction que le recours formé par M. A... contre la décision du 22 février 2021 du directeur général de l'OFPRA a été rejeté par une ordonnance n° 21020763 du 23 septembre 2021 de la CNDA, notifiée le 21 octobre 2021. Par suite, à la date du présent arrêt, le requérant ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en qualité de demandeur d'asile. Dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une attestation de demande d'asile jusqu'à ce que la CNDA se soit prononcée sur son recours, ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de statuer à nouveau sur le cas de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Miléo, avocate de M. A..., de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2105071 du 25 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 7 mai 2021 de la préfète du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Miléo, avocate de M. A..., la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGESLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03321
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : MILEO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa03321 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award