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27/02/2024 | FRANCE | N°22PA03307

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 22PA03307


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 21018

98 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.





Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101898 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces, enregistrés le 19 juillet 2022 et le 26 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Lemos, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant srilankais, né le 24 mai 1983 et entré en France, selon ses déclarations, le 13 juillet 2016, a sollicité, le 9 juillet 2020, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables et devenus les articles L. 423-23 et L. 435-1 du même code. Par un arrêté du 2 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... fait appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Par l'arrêté contesté du 2 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... aux motifs, notamment, que " l'intéressé, marié le 17 avril 2019 avec une compatriote en possession d'une carte de résident valide, expirant en 2024, et qui est père d'un enfant issu de cette relation, né en France le 15 janvier 2018, ne peut cependant invoquer les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'il ne peut justifier ni d'une durée de résidence habituelle, ni d'une durée de communauté de vie en France avec son épouse suffisantes à le rendre éligible à l'admission au séjour au titre des attaches familiales ", qu'il " est susceptible, si son épouse en fait la demande, de pouvoir bénéficier de la procédure du regroupement familial " et que " l'examen des éléments produits ne révèle l'existence d'aucun motif d'ordre privé ou familial s'opposant à ce qu'il retourne dans son pays d'origine, dans l'attente du résultat de cette procédure ".

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de celles produites en appel, et il n'est d'ailleurs pas contesté, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant pas produit d'observations en appel, ni en première instance, que M. B..., entré en France en 2016, y vit depuis au moins le mois de septembre 2016 avec une compatriote, Mme A... C..., titulaire d'une carte de résident valable du 25 juin 2014 au 24 juin 2024, avec laquelle il a eu un enfant, D... B..., né le 15 janvier 2018, et avec qui il s'est marié le 17 avril 2019. Il justifie également vivre depuis lors avec les deux enfants de son épouse, issus d'une précédente union, Harikaran Subaskaran et Rishikaran Subaskaran, nés en France respectivement le 14 février 2005 et le 20 juin 2007, de nationalité française et qui sont scolarisés. A la date de la décision attaquée, soit le 2 décembre 2000, le requérant justifie ainsi d'une vie commune depuis plus de quatre années avec son épouse, qui, par ailleurs, exerce une activité professionnelle en qualité d'agent de service, sous contrats à durée déterminée, depuis le mois de décembre 2018. Au surplus, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas davantage contesté que le père des deux enfants de Mme A... C... exerce sur eux un droit de visite. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment des liens personnels et familiaux dont M. B... peut se prévaloir en France et alors même que l'intéressé a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en date du 22 mai 2018 et qu'il peut bénéficier du regroupement familial, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, M. B... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cette décision portant refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. B..., en application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi et en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait propres à la présente espèce invoqué par l'autorité préfectorale, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101898 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 2 décembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGES

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03307
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CLORIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa03307 ?
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