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27/02/2024 | FRANCE | N°22PA02210

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 22PA02210


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.<

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Par un jugement n° 2013709 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2013709 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, M. G..., représenté par Me Pierre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de cette notification et de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen dans le délai de huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui s'est référé, pour répondre au moyen tiré de ce que le préfet n'établissait pas sa soustraction à une précédente mesure d'éloignement, à un jugement n° 1705666 du 18 octobre 2017 du tribunal administratif en méconnaissance du principe du contradictoire, est entaché d'irrégularité ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elles méconnaissent les stipulations des article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 12 mai 2023 à 12h00.

Par une décision du 30 mars 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Grolleau, substituant Me Pierre, avocate de M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant algérien, né le 20 septembre 1959 et entré en France, selon ses déclarations, le 19 août 2013, a sollicité, le 6 juin 2019, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 4 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. G... fait appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que, pour écarter l'argument présenté par M. G..., au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, selon lequel il appartient au préfet d'établir l'existence de la précédente mesure d'éloignement du 24 mai 2017 prononcée à son encontre ainsi que sa notification régulière, le tribunal administratif s'est borné à se référer à son jugement en date du 18 octobre 2017 rejetant la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cette mesure. Ce faisant, alors que ce jugement, de surcroît mentionné dans l'arrêté attaqué, a été rendu sur demande de M. G... qui n'allègue même pas qu'il ne lui aurait pas été notifié, le tribunal, qui n'avait pas, au préalable, à faire application des dispositions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, aux termes desquelles " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties ", ni à verser aux débats cette décision de justice, n'a pas méconnu le principe du contradictoire. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité de ce chef doit être écarté.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, M. G... reprend en appel ses moyens de première instance tirés d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation. Toutefois, le requérant ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait complémentaire et pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2 et 3 de leur jugement.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

5. M. G... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois d'août 2013 et fait valoir qu'il y vit depuis lors avec son épouse, Mme B... D... épouse G..., et leurs quatre enfants, C..., H..., A... et F..., nés en Algérie respectivement le 12 décembre 1995, le 25 septembre 1998, le 20 octobre 2002 et le 2 juillet 2009. Il se prévaut également du mariage, le 27 juin 2020, de sa fille aînée C... avec un ressortissant français, M. F... J... I..., ce qui a d'ailleurs permis à l'intéressée d'obtenir la délivrance d'un certificat de résidence d'un an au mois de février 2022, ainsi que de la scolarisation de ses trois plus jeunes enfants. A cet égard, il fait en particulier valoir que sa fille H..., titulaire d'un titre de séjour entre 2017 et 2020 et qui a obtenu un CAP " employé de vente spécialisé - option D - produits de librairie-papeterie-presse " en juillet 2016, un BEP " métiers de la relation aux clients et aux usagers " en juillet 2017, un baccalauréat professionnel en commerce en juillet 2018 et un BTS " négociation et digitalisation de la relation client " en juin 2020, a poursuivi ensuite sa formation en " e-commerce et marketing numérique " dans le cadre d'un contrat d'apprentissage et obtenu une autorisation provisoire de travail, valable du 7 septembre au 31 octobre 2020, que sa fille A..., qui a obtenu un baccalauréat général, série économique et sociale, en juillet 2020, a poursuivi ses études en BTS " négociation et digitalisation de la relation client " et que son fils F... est inscrit, pour l'année 2020-2021, en classe de sixième. Enfin, le requérant fait valoir qu'il a fixé en France le centre de ses attaches privées et familiales et fait état d'une perspective sérieuse d'intégration professionnelle. Toutefois, à la date de la décision attaquée, alors que leur fille C... ne vit plus avec eux et que leur fille H..., autorisée à séjourner sur le territoire en qualité d'élève ou d'étudiante, n'a pas vocation à y demeurer à ce titre, M. G... se maintient, avec son épouse, sur le sol français en situation irrégulière et a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en date du 24 mai 2017, à laquelle il s'est soustrait. En outre, le requérant n'établit, ni n'allègue sérieusement aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, en Algérie, où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache, où ses enfants sont nés et ont vécu jusqu'en 2013 et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-trois ans, ni à ce que son épouse l'accompagne ou le rejoigne, avec leurs trois plus jeunes enfants, ni que ces derniers ne pourraient pas y bénéficier d'une scolarisation normale ou y poursuivre leurs études. Par ailleurs, en se bornant à produire une promesse d'embauche du 29 mai 2019 en qualité de " maçon " de la société " Renov-BTP-Horizon ", M. G..., qui, au demeurant, n'apporte aucun élément précis sur les liens de toute nature, notamment d'ordre amical, qu'il aurait noués en France, ne justifie d'aucune insertion professionnelle sur le territoire. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions de séjour en France de M. G..., les décisions contestées portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peuvent être regardées comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles ces mesures ont été prises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, en estimant que la situation personnelle et familiale de l'intéressé ne justifiait pas une mesure de régularisation et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences d'un tel refus et d'une telle mesure d'éloignement sur cette situation.

6. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Si M. G... fait valoir que son enfant F... est scolarisé en France et que les décisions attaquées auraient pour effet de le séparer de ses sœurs, il ne fait toutefois état, ainsi qu'il a été dit au point 5, d'aucune circonstance s'opposant à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine et à ce que son enfant y poursuive normalement sa scolarité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Pour les motifs que ceux énoncés aux points 5 et 7 et alors que M. G... s'est maintenu sur le territoire français depuis l'année 2013 en situation irrégulière et a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en date du 24 mai 2017, à laquelle il s'est soustrait, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou serait entachée d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGES

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02210
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa02210 ?
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