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27/02/2024 | FRANCE | N°22PA02106

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 22PA02106


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2013926 du 20 janvier 2022, le tribunal administra

tif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2013926 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2022, Mme B... épouse A..., représentée par Me Semak, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, qui est insuffisamment motivé, est entaché d'irrégularité ;

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête de Mme B... épouse A... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 16 juin 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 17 juillet 2023 à 12h00.

Par une décision du 30 mars 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme B... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Moharami Moakhar, substituant Me Semak, avocate de Mme B... épouse A....

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 février 2024, présentée pour Mme B... épouse A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse A..., ressortissante roumaine, née le 12 mars 1979 et entrée en France, selon ses déclarations, en 2013, s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse - Toutes activités professionnelles ", valable du 13 janvier 2015 au 12 janvier 2020. Elle a sollicité, le 3 janvier 2020, le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 16 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... épouse A... fait appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Par l'arrêté contesté du 16 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B... épouse A... en qualité de citoyenne de l'Union européenne aux motifs, notamment, que l'intéressée, qui " a joint pour tout justificatif de ressources deux attestations de la caisse d'allocations familiales pour le mois de décembre 2019 ", " risque de devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ".

3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article R. 121-6 du même code : " I. - Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié : / 1° S'ils ont été frappés d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident ; / 2° S'ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté après avoir exercé leur activité professionnelle pendant plus d'un an et sont inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi ; / 3° S'ils entreprennent une formation professionnelle, devant être en lien avec l'activité professionnelle antérieure à moins d'avoir été mis involontairement au chômage. / II. - Ils conservent au même titre leur droit de séjour pendant six mois s'ils sont involontairement privés d'emploi dans les douze premiers mois qui suivent le début de leur activité professionnelle et sont inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, dont les dispositions se sont substituées à celles de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 : " Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt du 17 septembre 2002, Baumbast, R et Secretary of State for the Home Department (C-413-99) et dans ses arrêts de grande chambre du 23 février 2010, Maria Teixeira c/ London Borough of Lambeth, Secretary of State for the Home Department (C-480/08) et London Borough of Lambeth c/ Nimco Hassan Ibrahim, Secretary of State for the Home Department (C-310/08), que le ressortissant d'un Etat membre qui a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre, dans lequel son enfant poursuit des études, peut se prévaloir, en sa qualité de parent assurant effectivement la garde de cet enfant, d'un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil sur le seul fondement de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du 5 avril 2011, sans qu'il soit tenu de satisfaire aux conditions définies dans la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004. Ce droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil dont bénéficie le parent qui a effectivement la garde d'un enfant exerçant le droit de poursuivre des études conformément à l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 n'est pas soumis à la condition selon laquelle ce parent doit disposer de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de cet Etat membre au cours de son séjour et d'une assurance maladie complète dans celui-ci. En outre, le droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil dont bénéficie le parent qui a effectivement la garde d'un enfant d'un travailleur migrant, lorsque cet enfant poursuit des études dans cet Etat, n'est pas soumis à la condition que l'un des parents de l'enfant ait exercé, à la date à laquelle ce dernier a commencé ses études, une activité professionnelle en tant que travailleur migrant dans ledit Etat membre. Enfin, le droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil dont bénéficie le parent assurant effectivement la garde d'un enfant d'un travailleur migrant, lorsque cet enfant poursuit des études dans cet Etat, prend fin à la majorité de cet enfant, à moins que l'enfant ne continue d'avoir besoin de la présence et des soins de ce parent afin de pouvoir poursuivre et terminer ses études.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse A..., qui est entrée en France au cours de l'année 2013 avec ses deux enfants, D... et E..., nés respectivement le 20 octobre 2003 et le 4 janvier 2010 et qui sont de nationalité roumaine, a exercé une activité salariée, sous contrat à durée indéterminée et à temps partiel, en qualité de " serveuse " auprès de la société " Azad " du 15 avril 2014 au 14 janvier 2015 et s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse - Toutes activités professionnelles ", valable du 13 janvier 2015 au 12 janvier 2020. Par ailleurs, ses deux enfants ont été scolarisés en France depuis leur arrivée en 2013 et poursuivaient leur scolarité, à la date de l'arrêté attaqué, l'un en classe de première, l'autre en CM2. Enfin, il ressort de l'ordonnance du 7 septembre 2018 de non-conciliation de la juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny que Mme B... épouse A..., séparée de son époux, exerce effectivement la garde de ses enfants dont la résidence habituelle a été fixée chez leur mère. Dans ces conditions, alors même que Mme B... épouse A... n'exerçait plus d'activité professionnelle en France, ni ne disposait pour elle et pour ses enfants de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, elle pouvait prétendre à un droit de séjour en France sur le seul fondement de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, à raison des études poursuivies par ses deux enfants. Par suite, la requérante est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de renouveler son titre de séjour et, par voie de conséquence, la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité et de légalité de la requête, que Mme B... épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

8. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 5 et alors que l'un des deux enfants de la requérante, qui est mineur, est toujours scolarisé, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme B... épouse A... un titre de séjour portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse - Toutes activités professionnelles ". Par suite, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Mme B... épouse A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Semak, avocate de Mme B... épouse A..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2013926 du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 16 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... épouse A... un titre de séjour portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse - Toutes activités professionnelles " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Semak, avocate de Mme B... épouse A..., la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... épouse A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGES

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02106
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa02106 ?
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