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27/02/2024 | FRANCE | N°22PA01064

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 22PA01064


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ainsi que l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le ministre a fixé le pays à destination duquel il pourra être expulsé.



Par un jugement n° 2101244 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 novembre 2020 et rejeté le surplus des c

onclusions de la demande de M. D....



Procédure devant la Cour :



Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ainsi que l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le ministre a fixé le pays à destination duquel il pourra être expulsé.

Par un jugement n° 2101244 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 novembre 2020 et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2022, M. D..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer son titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la Selarl BS2A Bescou et Sabatier avocats associés au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué qui a inversé la charge de la preuve, est ainsi entaché d'une erreur de droit et, par ailleurs, d'erreurs de fait ou d'une dénaturation des faits de l'espèce ;

- la décision d'expulsion attaquée est entachée d'erreurs de fait ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une décision du 8 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, né le 13 janvier 1973, a fait l'objet d'un arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 631-2 du même code, prononcé son expulsion du territoire français et d'un arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le ministre a fixé le pays à destination duquel il pourra être expulsé. M. D... fait appel du jugement du 10 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2020 prononçant son expulsion du territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. D... soutient que le jugement attaqué, qui a inversé la charge de la preuve, est ainsi entaché d'une erreur de droit et, par ailleurs, d'erreurs de fait ou d'une dénaturation des faits, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à affecter la régularité de ce jugement. Ils doivent, par suite, être écartés.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 631-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code, alors applicable et devenu l'article L. 631-2 : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ". Aucun texte, ni aucun principe ne s'oppose à ce que les " notes blanches " produites par le ministre de l'intérieur et versées au débat contradictoire, dès lors que les faits qu'elles relatent de façon suffisamment précise ne sont pas sérieusement contestés par le requérant, soient susceptibles d'être prises en considération par le juge administratif.

4. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, de la note des services de renseignement produite par le ministre de l'intérieur et qui a été versée au contradictoire, que M. D..., qui a séjourné une première fois en France entre 2000 et 2002 et qui s'est marié le 3 mai 2001 avec une ressortissante française, a été mis en cause à deux reprises, les 1er et 8 décembre 2001, pour des faits de violences volontaires par conjoint, faits pour lesquels il a été condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis. Par ailleurs, après être revenu en France en 2006, l'intéressé, qui a divorcé le 28 mars 2007 et s'est remarié le 18 octobre 2008 avec une ressortissante marocaine, a attiré l'attention des services de renseignement et a fait l'objet d'un entretien, le 20 janvier 2011, au cours duquel il a, notamment, déclaré être " très religieux " et reconnu avoir participé à un événement organisé au mois de février 2010 par l'association culturelle de bienfaisance de Nîmes, d'obédience Habachi, confrérie sunnite prônant un islam fondamentaliste, pratiquant un prosélytisme intensif et favorisant le repli communautaire, tout en indiquant ne pas être affilié à ce mouvement.

5. En outre, à partir de l'année 2015, M. D... a affiché sur les réseaux sociaux son radicalisme religieux et son adhésion à l'idéologie pro-jihadiste. En particulier, le 2 décembre 2015, il a publié sur son compte " Twitter " une vidéo en arabe intitulée : " L'Etat Islamique : un martyre décrit le Paradis avant sa mort. Louange à Dieu " et montrant une personne au visage ensanglanté agonisante. Le 20 mars 2016, il a mis en ligne le message en arabe suivant : " Dieu apporte ton soutien aux frères à Mossoul. Seigneur, sois à leurs côtés contre le terrorisme mondial. Je suis solidaire avec les familles E... ", cette ville étant à l'époque contrôlée par Daech et les Etats occidentaux engagés dans le conflit syrien étant taxés de " terroristes " par les adeptes des thèses pro-jihadistes. Le 4 août 2016, il a mis en ligne le message en arabe suivant : " Le combattant #Fayiz Khalil Al-Salem dont la Kunya est Abou Muslim Al-Raqqour prononce la chahada juste avant sa mort lors des affrontements d'Alep #Syrie ". A compter de l'année 2017, par le biais des réseaux sociaux, il a approuvé un certain nombre de publications pro-Hamas et pro-Daech et de pages communautaires liées à la religion dont certaines affichant des symboles pro-jihadistes. Il s'est également abonné à la page de l'association " BarakaCity ", structure associative proche de la mouvance islamiste radicale, ainsi qu'à une page dénommée " Règlements et Codes de notre armée ", à teneur complotiste. En septembre 2017, il a été, via un compte " Twitter ", en lien avec un individu ayant prêté allégeance à Daech et ayant mis en ligne, le 20 juin 2014, un sermon incitant à partir dans les rangs de cette organisation. Entre les mois de décembre 2017 et mai 2018, l'intéressé a été en contact avec plusieurs individus radicalisés, dont un ancien membre de l'association " Chemin de droit ", gestionnaire de la mosquée pakistanaise de Saint-Denis fermée à la suite de l'interpellation de certains de ses responsables impliqués dans la tentative d'attentat orchestrée par Richard Reid le 22 décembre 2001 sur un vol Paris-Miami de la compagnie aérienne American Airlines. Au début de l'année 2018, titulaire d'un compte " Facebook ", il a suivi les activités d'islamistes radicaux, donc un prédicateur prônant la haine de l'Occident et la peine de mort pour les apostats et les homosexuels. Enfin, M. D... a été proche, depuis plusieurs années, de Badre Eddine Akroud, avec qui il a partagé ses convictions radicales et son adhésion à l'idéologie pro-jihadiste, les intéressés, en 2018, ayant partagé leur soutien à Oussama Ben Laden, s'étant félicités du départ, en 2015, de l'une de leur connaissance en zone syro-irakienne aux fins d'intégrer l'organisation terroriste Jabhat al-Nosra, et s'étant réjouis de l'attentat commis contre deux ressortissantes norvégienne et danoise assassinées dans la nuit du 16 au 17 décembre 2018 au Maroc.

6. Par ailleurs, une visite domiciliaire, autorisée par une ordonnance du 14 février 2019 du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Paris et effectuée le 15 février 2019 au domicile de M. D..., a permis la découverte, sur son téléphone portable, d'images de combattants arborant le drapeau de Daech, d'images d'armes, de munitions de guerre et de scènes de combat et de photographies du leader de l'organisation terroriste " Etat Islamique au Soudan ", ainsi qu'un sac contenant divers couteaux de boucher, trois sacs remplis de boîtes de cartouches de chasse de divers calibres et un pistolet automatique de calibre 6,35 mm, sans numéro de série et approvisionné de 6 cartouches, l'inventaire réalisé ayant permis de dénombrer près de 1 000 munitions. Interrogé, lors de sa garde à vue, sur ces armes et munitions, M. D..., tout en indiquant que son expérience au sein de l'armée algérienne lui permettait de manipuler des armes à feu, a déclaré qu'elles appartenaient à une tierce personne avant d'admettre qu'il avait lui-même manié l'arme retrouvée chez lui. Ce tiers a d'ailleurs nié être le propriétaire de ces armes et munitions. De même, M. D... a reconnu qu'il avait pour habitude de communiquer avec Badre Eddine Akroud, via les réseaux sociaux, notamment pour échanger des vidéos de propagande jihadiste. L'exploitation de leurs discussions, via l'application " Telegram ", a permis de découvrir un fichier audio intitulé : " la solution c'est l'épée ", appelant au " combat armé " et aux " opérations martyres ". Ont également été découvertes plusieurs vidéos montrant des opérations militaires de Daech, des scènes de combattants de l'organisation terroriste préparant des attaques et des opérations, une opération kamikaze, un prisonnier décapité ainsi que des scènes de cadavres déchiquetés. De plus, M. D... a reconnu être abonné à un groupe de discussion de " l'Etat Islamique au Soudan ". Enfin, interrogé sur ses convictions religieuses, il a déclaré qu'il " peut [lui] arriver de lire des textes de tablighs, de salafistes et aussi de jihadistes (...). Tout bon musulman doit vivre sous la charia " et, interrogé sur les attentats de Charlie Hebdo du mois de janvier 2015, il s'est retranché derrière la théorie du complot, tandis que Badre Eddine Akroud a décrit M. D... comme " très religieux et strict, voulant faire la hijra [émigration d'un pays non musulman vers un pays musulman] et vivre comme en Arabie Saoudite " et expliqué que l'intéressé lui envoyait des vidéos de propagande jihadiste.

7. Enfin, si M. D... conteste, en des termes très généraux, le contenu de la note des services de renseignement produite par le ministre de l'intérieur, en niant toute adhésion aux thèses jihadistes et en se prévalant, notamment, de son emploi de chauffeur de bus auprès de la société Keolys, de sa vie familiale, de la scolarisation de ses enfants ou encore de son expérience passée de membre de l'armée algérienne au cours des années 1990 ainsi que d'extraits d'un rapport d'évaluation réalisée au sein du quartier d'évaluation de la radicalisation de la maison d'arrêt de Fresnes en date du 29 octobre 2019, indiquant, en particulier, que son comportement " ne démontre pas d'ancrage dans une idéologie violente, ni de risque de prosélytisme " et qu'" il ne présente pas de dangerosité particulière ", ces seuls éléments ne sauraient suffire à remettre en cause la matérialité des différents faits, précis et circonstanciés, figurant dans cette note et sur lesquels le ministre de l'intérieur s'est fondé, le 16 novembre 2020, pour prononcer son expulsion du territoire français. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que, le 28 septembre 2020, la commission prévue par l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 632-1 du même code, a rendu un avis favorable à l'expulsion de M. D... aux motifs, notamment, que ses " propos (...) sur les attentats terroristes ne démontrent pas une évolution favorable de son positionnement " et que le " profil " de l'intéressé, ancien membre de l'armée algérienne, " formé au maniement des armes et explosifs, associé aux armes retrouvées à son domicile (...) laissent fortement à craindre la commission du passage à l'acte sur le territoire français ". De surcroît, les faits mentionnés aux points 5 et 6 ont valu à M. D... d'être condamné, par un jugement du 8 juillet 2021 du tribunal correctionnel de Paris, à une peine de cinq ans d'emprisonnement pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme.

8. Il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de l'adhésion avérée de M. D... à la cause djihadiste, des relations qu'il a entretenues avec des personnes proches ou membres de la mouvance islamiste radicale, y compris à l'étranger, de sa volonté de dissimulation de ses convictions réelles, de son profil d'ancien militaire aguerri au maniement des armes et de la découverte à son domicile de plusieurs armes et munitions, le ministre de l'intérieur, en estimant, par son arrêté du 16 novembre 2020, que son expulsion du territoire français constituait une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat et la sécurité publique, n'a commis aucune erreur de fait, ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 521-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. D... se prévaut de la durée de son séjour régulier en France depuis l'année 2006 et fait valoir qu'il y vit avec une ressortissante marocaine, Mme A... C..., titulaire d'une carte de résident, avec qui il s'est marié le 18 octobre 2008 et a eu quatre enfants nés en France, respectivement, le 13 mars 2009, le 20 septembre 2010, le 7 mai 2013 et le 1er janvier 2018, et qu'il s'occupe également du premier enfant de son épouse, né le 29 novembre 2005 et de nationalité française. Il fait valoir également qu'il subvient aux besoins de sa famille en travaillant depuis plusieurs années comme chauffeur de bus. Toutefois, suivi depuis 2011 par les services de renseignement à raison de son adhésion avérée aux thèses et à la cause djihadiste, M. D... ne saurait être regardé comme justifiant d'une insertion significative dans la société française, ni d'une adhésion aux valeurs de la République. En outre, le requérant n'établit, ni n'allègue sérieusement aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce que son épouse et leurs enfants le rejoignent ou lui rendent visite en Algérie, où résident les membres de sa famille et, notamment, une grande partie de sa fratrie et où lui-même a vécu de nombreuses années, ou que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Maroc, pays d'origine de son épouse, où il n'est pas davantage allégué que celle-ci serait dépourvue de toute attache privée et familiale. Par ailleurs, l'intéressé fait valoir que le premier enfant de son épouse, né en 2005, maintient des liens réguliers avec son père, de nationalité française et qui réside en France, il n'apporte, à l'appui de cette assertion, aucune précision, ni aucun élément probant. Enfin et ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 8, eu égard au comportement de M. D... ainsi qu'à la nature et à la gravité des faits qui lui sont reprochés, son expulsion du territoire français constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat et la sécurité publique en application des dispositions de l'article L. 521-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée prononçant son expulsion du territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public. Elle n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées.

11. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, la situation familiale de M. D..., qui n'établit, ni n'allègue sérieusement que son épouse et leurs cinq enfants ne pourraient pas le rejoindre ou lui rendre visite en Algérie, ni ne démontre que le père du premier enfant de son épouse, qui a divorcé en 2008, exercerait un droit de visite ou contribuerait effectivement à son entretien et à son éducation, n'est pas de nature à faire obstacle à son expulsion du territoire français pour nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat et la sécurité publique en application des dispositions de l'article L. 521-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

13. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 10 et 12, il y a lieu d'écarter, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision d'expulsion en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2020 prononçant son expulsion du territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais liés à l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGESLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01064
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SELARL BS2A BESCOU ET SABATIER AVOCATS ASOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa01064 ?
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