La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2023 | FRANCE | N°22PA01624

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 octobre 2023, 22PA01624


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son certificat de résidence en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2103333 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, M. A..., représenté par Me Traore, demande à...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son certificat de résidence en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2103333 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, M. A..., représenté par Me Traore, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'ayant été involontairement privé d'emploi, son titre de séjour devait être prolongé d'un an en application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- à titre subsidiaire, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il avait droit à un titre de séjour pour une durée correspondant au solde de ses droits acquis au titre de l'assurance chômage ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour.

La requête de M. A... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 17 avril 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 15 mai 2023 à 12h00.

Par un courrier du 8 juin 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par la Cour.

Par un mémoire en production de pièces, enregistré le 12 juin 2023, M. A... a répondu à cette mesure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, né le 20 mars 1989 et entré en France, selon ses déclarations, en 2010, a sollicité, le 18 novembre 2020, le renouvellement de son certificat de résidence en qualité de salarié. Par un arrêté du 11 février 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. D'une part, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : / (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail. / Elle autorise à exercer une activité professionnelle salariée dans le respect des termes de l'autorisation de travail accordée. / A l'issue de la deuxième année de validité, elle autorise à exercer toute activité professionnelle salariée (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-32 du même code : " Le renouvellement d'une autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est sollicité dans le courant des deux mois précédant son expiration. / La demande de renouvellement est accompagnée de documents dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration et du travail. / L'autorisation de travail est renouvelée dans la limite de la durée du contrat de travail restant à courir ou de la mission restant à accomplir en France ". Aux termes de l'article R. 5221-33 de ce code : " Par dérogation à l'article R. 5221-32, la validité d'une autorisation de travail constituée d'un des documents mentionnés au 8° de l'article R. 5221-3 est prorogée d'un an lorsque l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi à la date de la première demande de renouvellement. / Si, au terme de cette période de prorogation, l'étranger est toujours privé d'emploi, il est statué sur sa demande compte tenu de ses droits au regard du régime d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi ".

3. En prévoyant l'apposition de la mention " salarié " sur le certificat de résidence délivré aux ressortissants algériens et en précisant que cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française, cet accord rend applicables à l'exercice par les ressortissants algériens d'une activité salariée les dispositions du code du travail et, notamment, celles de son article R. 5221-33 relatives à la prorogation de la validité de l'autorisation de travail lorsque ces ressortissants se trouvent involontairement privés d'emploi à la date de la demande de renouvellement de ladite autorisation.

4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant pas produit d'observations, que M. A... s'est vu délivrer un certificat de résidence portant la mention " salarié ", valable du 7 juin 2017 au 6 juin 2018, et a travaillé sous contrat à durée indéterminée à l'hôtel Terre Neuve à Paris en qualité de " réceptionniste/veilleur de nuit ". Ce titre de séjour a été prolongé pour une période d'un an, du 16 décembre 2019 au 15 décembre 2020, alors que M. A..., qui avait fait l'objet, le 3 juin 2019, d'un licenciement pour motif économique, s'était trouvé involontairement privé d'emploi lors de la première demande de renouvellement de son titre de séjour. Le 18 novembre 2020, lorsqu'il a de nouveau demandé le renouvellement de son certificat de résidence portant la mention " salarié ", M. A... était inscrit comme demandeur d'emploi et bénéficiait, à compter du 5 juin 2020 et pour une période maximale d'un an, de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Par suite, si, contrairement à ce que soutient le requérant, celui-ci ne pouvait prétendre de nouveau, lors de la seconde demande de renouvellement de son titre de séjour, à sa prorogation d'un an, du seul fait qu'il avait été involontairement privé d'emploi, il bénéficiait encore, à la date de l'arrêté attaqué portant refus de renouvellement de titre de séjour, soit le 11 février 2021, d'un droit au séjour pour une durée équivalente au solde de ses droits acquis au titre de l'assurance chômage. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir qu'en se bornant à relever qu'il n'exerçait plus d'activité professionnelle et, en conséquence, qu'il ne pouvait prétendre au renouvellement de son certificat de résidence en qualité de salarié, le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées de l'article R. 5221-33 du code du travail. Il suit de là que le requérant est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision attaquée portant refus de renouvellement de titre de séjour et, par voie de conséquence, de celle portant obligation de quitter le territoire français.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4 et alors que M. A... n'établit, ni n'allègue qu'il bénéficierait encore de droits au titre de l'assurance chômage, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour en qualité de salarié, mais seulement le réexamen de sa situation. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103333 du 9 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 11 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

I. MARIONLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01624 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01624
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SAS ITRA CONSULTING

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-10;22pa01624 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award