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27/07/2023 | FRANCE | N°22PA01344

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 27 juillet 2023, 22PA01344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2112495 du 22 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montre

uil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2112495 du 22 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2022, M. A..., représenté par Me Pierre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif s'est fondé sur un document, à savoir la décision du 4 mai 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), que le premier juge a versé aux débats sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qui ne saurait être assimilé à un moyen d'ordre public au sens de ces dispositions ;

- il est entaché d'irrégularité dès lors que la communication de ce document s'est faite le jour même de l'audience, sans fixer un délai aux parties pour déposer leurs observations, ni rappeler la date de l'audience, en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure ;

- il est entaché d'irrégularité dès lors que la consultation d'une base de données pour en extraire la décision du 4 mai 2021 de la CNDA et la verser au contradictoire ne relève pas des pouvoirs généraux du juge en matière d'instruction ;

- il est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été informé par le tribunal administratif de son intention de consulter une base de données afin d'en extraire la décision du 4 mai 2021 de la CNDA, contrairement aux prescriptions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative et en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure ;

- il est entaché d'irrégularité dès lors que la mesure d'instruction effectuée par le premier juge a méconnu le principe de confidentialité des informations relatives à une demande d'asile et porté atteinte à une garantie essentielle du droit d'asile, alors qu'il incombait au préfet de rapporter la preuve de la notification de la décision de la CNDA par la production de la fiche " Telemofpra ", ce qu'il a d'ailleurs été invité à faire par une mesure d'instruction du 15 septembre 2021 ;

- il est entaché d'irrégularité dès lors que cette mesure d'instruction a méconnu le principe de l'égalité des armes, la charge de la preuve de l'existence de la décision de la CNDA incombant à l'autorité préfectorale et le juge ne pouvant régulièrement suppléer, par cette mesure, à la carence de l'administration en matière de preuve.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Par un courrier du 2 mai 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par la Cour.

Par un mémoire en production de pièces, enregistré le 3 mai 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a répondu à cette mesure.

Par une ordonnance du 3 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12h00.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 14 février 2022, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Mantz, rapporteur public,

- et les observations de Me Grolleau, substituant Me Pierre, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sri lankais, né le 17 mars 1979, a présenté une demande d'asile, le 12 décembre 2019, qui a été rejetée par une décision du 29 octobre 2020 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 4 mai 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 18 août 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 22 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L.542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Aux termes de cet article L. 542-1 : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article R. 532-54 du même code : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ". Aux termes de l'article R. 532-55 du même code : " Lorsque le préfet compétent ou, à Paris, le préfet de police, en fait la demande, la Cour nationale du droit d'asile lui communique la copie de l'avis de réception mentionné à l'article R. 532-54 ". Aux termes de l'article R. 532-56 de ce code : " Lorsque le ministre chargé de l'immigration en fait la demande, la Cour nationale du droit d'asile lui transmet ses décisions de rejet ". Enfin, aux termes de l'article R. 532-57 du même code : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

3. Il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, en particulier des administrations compétentes, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction. Il lui incombe, dans la mise en œuvre de ses pouvoirs d'instruction, de veiller au respect des droits des parties, d'assurer l'égalité des armes entre elles et de garantir, selon les modalités propres à chacun d'entre eux, les secrets protégés par la loi. Le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces produites au cours de l'instance qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties. Enfin, parmi les secrets qu'il lui incombe de garantir figure la confidentialité des éléments d'information relatifs aux personnes sollicitant l'asile en France, qui constitue tant une garantie essentielle du droit constitutionnel d'asile qu'une exigence découlant de la convention de Genève relative au statut des réfugiés.

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que l'étranger qui demande l'asile a le droit de se maintenir sur le territoire français à ce titre jusqu'à la notification régulière de la décision de l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification régulière de cette ordonnance. En l'absence d'une telle lecture ou d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit de se maintenir sur le territoire français. En cas de contestation sur ce point, il appartient au juge de former sa conviction au vu des éléments versés au dossier par les parties ou, le cas échéant, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en sollicitant de l'étranger toute information ou tout élément relatif à l'état de la procédure de sa demande d'asile devant l'OFPRA ou la CNDA, en exigeant de l'autorité administrative la production du relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", qui mentionne les dates des décisions de l'OFPRA et de la CNDA, les dates de leur notification et, le cas échéant, la date de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA, ou la copie de l'avis de réception que la CNDA peut lui communiquer, ou en sollicitant auprès de l'OFPRA ou de la CNDA tout élément d'information sur ces points.

5. Il ressort du dossier de première instance qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2021, M. A... a soutenu qu'il appartenait au préfet de démontrer que la décision du 4 mai 2021 de la CNDA rejetant sa demande d'asile lui a été régulièrement notifiée. Après avoir demandé au préfet de la Seine-Saint-Denis de produire la fiche " Telemofpra ", par une mesure d'instruction du 15 septembre 2021, à laquelle le préfet n'a pas donné suite, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a elle-même versé au contradictoire, une copie de cette décision du 4 mai 2021 de la CNDA. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de former sa conviction sur le point en litige au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties, le cas échéant après l'une des mesures d'instruction mentionnées au point 4, le premier juge, qui a méconnu le principe de confidentialité des éléments d'information relatifs aux personnes sollicitant l'asile en France, a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité soulevés, M. A... est fondé à soutenir que le jugement doit être annulé.

6. Il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 août 2021.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", produit en défense par le préfet, et il n'est d'ailleurs pas contesté que la décision de la CNDA rejetant la demande d'asile de M. A... a été lue en audience publique le 4 mai 2021. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit de l'intéressé de se maintenir sur le territoire français a pris fin à cette date. Par suite, le préfet pouvait légalement, par son arrêté du 18 août 2021, obliger M. A... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1 du même code.

8. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions portant refus d'admission au séjour au titre de l'asile et obligation de quitter le territoire français, décisions qui, par elles-mêmes, ne fixent pas le pays de destination.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes des stipulations de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si M. A... soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine où il fait l'objet d'accusations et où, récemment, sa mère a été interrogée à son sujet par des inconnus, le requérant, dont la demande d'asile a été, au demeurant, rejetée, ne fournit aucune précision suffisante ou crédible, ni aucun élément probant sur les faits qu'il allègue de manière particulièrement succincte. Ainsi, il n'apporte aucun élément sérieux et convaincant permettant de considérer qu'il encourrait dans le cas d'un retour au Sri Lanka, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, en décidant que l'intéressé pourrait être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 août 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles portant sur les frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2112495 du 22 octobre 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juillet 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEULa greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01344

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01344
Date de la décision : 27/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. MANTZ
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-27;22pa01344 ?
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