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14/06/2023 | FRANCE | N°23PA00570

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 juin 2023, 23PA00570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 22

10455 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2210455 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé cette décision du 25 mai 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2023, Mme A... B..., représentée par Me Semak, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- en écartant ses moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen particulier par le préfet de sa situation, le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des exigences des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif, qui a omis de répondre à son moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché ce jugement d'irrégularité ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation, notamment au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des études qu'elle a poursuivies en France depuis 2016 et des liens personnels et familiaux dont elle peut se prévaloir sur le territoire ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de cet article L. 435-1 dès lors qu'il est fondé sur le seul motif tiré de ce qu'elle s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement en date du 9 octobre 2018 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de cet article L. 435-1 ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

La requête de Mme B... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 2 janvier 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante tunisienne, née le 2 mai 1998 et entrée en France en 2016 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité, le 21 septembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé cette décision du 25 mai 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cet arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Mme B... fait appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Par l'arrêté attaqué du 25 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B... aux motifs, d'une part, " qu'il ressort du comportement de [l'intéressée], qui s'est soustraite à l'exécution d'une mesure de refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français, prononcée le 9 octobre 2018 (...) et confirmée par le tribunal administratif de Montreuil le 31 janvier 2019, une volonté manifeste de ne pas se conformer à la réglementation en vigueur sur le droit au séjour en France " et " qu'au regard de ces éléments, Mme B... ne saurait être considérée comme pouvant se prévaloir à ce jour de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels auxquels répondrait son admission au séjour ", d'autre part, que l'intéressée " ne justifie ni de l'intensité, ni de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, ni de conditions d'existence pérennes, ni même d'une insertion forte dans la société française " dès lors qu'elle est " célibataire et sans enfant ", que " si elle fait valoir la présence de ses parents et de sa sœur en France, elle ne démontre pas la nécessité de rester auprès d'eux " et " qu'ainsi rien n'empêche Mme B... de poursuivre le centre de ses intérêts dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans ", " de sorte que la présente décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ", enfin, " que l'intéressée ne justifie d'aucune insertion professionnelle en France et ne justifie d'aucune perspective professionnelle pour prétendre à une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ".

3. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant pas produit d'observations en appel, ni en première instance, que si la requérante est en situation irrégulière au regard du séjour et a fait l'objet, le 9 octobre 2018, d'un premier refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas été exécutée, Mme B..., entrée régulièrement en France le 4 septembre 2016, y séjourne depuis lors auprès de son père, ressortissant marocain, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 10 mai 2021 au 9 mai 2025 et qui subvient à ses besoins, de sa mère, ressortissante tunisienne, qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et de sa sœur, ressortissante tunisienne et titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiante, valable du 28 juin 2021 au 27 juin 2022 et qui a été renouvelée. De plus, Mme B..., qui a été scolarisée dès l'année 2016-2017 en première scientifique, a obtenu son baccalauréat, série scientifique, spécialité " sciences de la vie et de la terre " en 2018, avec la mention " assez bien ", puis a été inscrite, au titre des années 2018-2019 et 2019-2020, en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), en première année dans la filière " physique, chimie et sciences de l'ingénieur " (PCSI), puis en deuxième année dans la filière " physique et sciences de l'ingénieur " (PSI), avant d'intégrer, à compter de l'année 2020-2021, l'Ecole supérieure d'informatique électronique automatique (ESIEA), où elle a suivi le cycle ingénieur de trois années conduisant à l'obtention d'un diplôme d'ingénieur, de niveau bac+5. A la date de l'arrêté attaqué, l'intéressée finissait, avec succès, la deuxième année de ce cycle. Enfin et au surplus, au titre de l'année 2022-2023, alors que Mme B... est inscrite en 3ème année de ce cycle ingénieur, cette dernière année devant se terminer par un stage de fin d'études de six mois en entreprise, la requérante justifie avoir obtenu, afin de valider son diplôme, une convention de stage auprès de la société " Sqorus ", sous réserve de la régularité de son séjour. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment des études que Mme B... a poursuivies en France depuis plusieurs années et des liens personnels et familiaux dont elle peut se prévaloir sur le territoire, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressée. Par suite, Mme B... est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de régularité du jugement attaqué et les autres moyens de légalité de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Semak, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Semak de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2210455 du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 25 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de délivrer à Mme B... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Semak, avocate de Mme B..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Semak renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEU

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00570 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00570
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. MANTZ
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;23pa00570 ?
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