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31/05/2023 | FRANCE | N°22PA03454

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 31 mai 2023, 22PA03454


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2210371/1-3 du 6 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 7 mars 2022, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... A... un titre de séjo

ur portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois, sous réserv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2210371/1-3 du 6 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 7 mars 2022, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois, sous réserve de tout changement dans les circonstances de droit ou de fait, et condamné l'Etat à verser à Me Semak la somme de 1 100 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2210371/1-3 du 6 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les premiers juges n'étaient pas fondés à retenir que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés dans sa demande de première instance doivent être écartés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, M. B... A..., représenté par Me Amélie Semak, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de 15 jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat à verser à Me Semak, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est fondé ;

- les dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues, les signataires de l'avis ne pouvant être identifiés.

Par une ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2023.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 27 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Segretain a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant péruvien né le 28 décembre 1986, est entré sur le territoire français le 6 juillet 2013 selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 mars 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit. Le préfet de police relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 mars 2022, lui a enjoint de délivrer à M. B... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et a condamné l'Etat à verser à Me Semak la somme de 1 100 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le moyen retenu par le Tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A... souffre d'une infection par le virus de l'immunodéficience humaine, diagnostiquée en 2013, et suit une trithérapie nécessitant la prise de quatre molécules, l'emtricitabine, le tenofovir, l'elvitégravir et le cobistat, associées dans le Stribild, un médicament qui lui est prescrit depuis mai 2015. Pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police, s'appuyant sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 10 novembre 2020, a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour accueillir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le Tribunal administratif de Paris a retenu que le préfet de police n'établissait pas que le cobistat, ou une substance équivalente, était disponible au Pérou, et que l'intéressé ne pouvait ainsi bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Si le préfet de police, en appel, fait valoir que M. B... A... n'établit pas n'être pas en mesure d'accéder gratuitement aux traitements contre cette pathologie évoqués dans un article de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés qu'il produit, il n'apporte pas ainsi d'élément de nature à établir la disponibilité de la molécule en cause, qui n'est mentionnée ni dans cet article, ni dans les pièces produites en première instance, ou d'un produit de substitution. Le préfet de police n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du même code.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 7 mars 2022, lui a enjoint de délivrer à M. B... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et a condamné l'Etat à verser à Me Semak la somme de 1 100 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction à la délivrance d'un tel titre en tant qu'elles sont assorties d'un délai inférieur à deux mois, et aux conclusions à fin d'astreinte, présentées en défense par M. B... A....

Sur les frais liés à l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Me Semak la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Semak, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de

1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... B... A....

Copie en sera adressée au préfet de de police et à Me Amélie Semak.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.

Le rapporteur,

A. SEGRETAINLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 22PA03454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03454
Date de la décision : 31/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-31;22pa03454 ?
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