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31/05/2023 | FRANCE | N°22PA03310

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 31 mai 2023, 22PA03310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1707485/10 du 9 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par une ordonnance n° 21PA01775 du 19 oct

obre 2021, le président de la 9ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1707485/10 du 9 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par une ordonnance n° 21PA01775 du 19 octobre 2021, le président de la 9ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par une décision n° 459593 du 18 juillet 2022, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du 19 avril 2021 de la Cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire devant ladite Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 avril 2021 et 5 novembre 2022, M. A..., représenté par Me David Sultan, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707485/10 du 9 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification n'a pas été régulièrement notifiée ;

- il n'a pas été averti du dépôt d'un avis de passage ;

- les frais de déplacement doivent être pris en compte pour leur montant réel selon le barème kilométrique ;

- la réponse ministérielle " Fournier " rappelle que les motifs doivent être appréciés avec largeur de vue et les dispositions du code du général des impôts de façon pragmatique et bienveillante ;

- les frais de repas doivent être pris en compte pour leur montant réel dès lors qu'il était contraint de déjeuner hors de son foyer ;

- les frais d'utilisation à titre professionnel d'une partie de sa résidence doivent être pris en compte pour leur montant réel à hauteur de 33,33% des dépenses de loyers et de charges ;

- les frais divers s'élèvent à 3 337, 16 euros au titre de 2014 et 1 289, 94 euros au titre de 2015.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet 2021 et 12 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour de prononcer un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé et de rejeter le surplus de la requête de M. A....

Par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., exerçant le métier de professeur en économie-droit et informatique, a opté, dans ses déclarations d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015, pour la déduction des frais réels engagés au titre de son activité professionnelle, qu'il avait estimés à 43 172 euros pour 2014 et à 20 032 euros pour 2015. L'administration a, notamment, par une proposition de rectification du 13 février 2017 substitué aux frais réels l'abattement forfaitaire de 10 % prévu au 3° de l'article 83 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du 9 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer sur les conclusions de la demande à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance et résultant de la prise en compte d'une partie des frais réels déduits, rejeté le surplus de ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 26 août 2021, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur en charge de la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis a procédé, au vu des pièces produites par M. A... dans le cadre de la présente instance, au dégrèvement de l'impôt sur le revenu dû par le requérant au titre des années 2014 et 2015 pour des montants de 1 944 euros en droits et 761 euros en pénalités. Les conclusions du requérant sont, à cette hauteur, devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". En cas de retour à l'expéditeur du pli recommandé contenant la proposition de rectification adressée par l'administration, le contribuable ne peut être regardé comme l'ayant reçu que s'il est établi qu'il a été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n'a été retourné à l'expéditeur qu'après l'expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve.

4. M. A... soutient que la proposition de rectification du 13 février 2017 ne lui a pas été régulièrement notifiée dès lors qu'il n'a pas été averti de cette notification par le dépôt d'un avis d'instance et que le document produit par l'administration n'indique pas le motif de la non remise du pli. Il résulte de l'instruction que l'avis de réception de la lettre recommandée ayant contenu la proposition de rectification datée du 13 février 2017 présente la mention " présenté / avisé le 16 février 2017 ". Aucun élément du dossier ne permet de douter de l'authenticité de cet avis. Par suite, l'administration établit que M. A... a fait l'objet d'un avis d'instance l'avertissant que le pli était à sa disposition au bureau de poste. L'intéressé n'établit pas, alors qu'il est seul en mesure de le faire, que les mentions portées sur cet avis d'instance ne permettaient pas d'identifier le bureau de poste où retirer le pli et ne saurait en conséquence valablement soutenir que les documents produits par l'administration ne comportent pas mention de l'adresse dudit bureau. Dès lors, en présence de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe et sur l'avis de réception, la proposition de rectification du 13 février 2017 doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. A... alors même que, contrairement à ce qu'exige l'instruction postale du 6 septembre 1990, le préposé n'aurait pas reporté le motif de non-distribution sur le pli postal, mention qui ne revêt pas en l'espèce de caractère substantiel. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté. Les doctrines administratives auxquelles M. A... fait référence sont relatives à la procédure d'imposition et ne sont par suite, et en tout état de cause, pas invocables sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'impôt :

5. Aux termes de l'article 83 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : / (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. / La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° à 2° quinquies et à l'article 83 bis ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation adressée au service des impôts dans le délai prévu aux articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Le montant des frais réels à prendre en compte au titre de l'acquisition des immeubles, des véhicules et autres biens dont la durée d'utilisation est supérieure à un an s'entend de la dépréciation que ces biens ont subie au cours de l'année d'imposition. / (...) Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète. / Lorsque les bénéficiaires de traitements et salaires optent pour le régime des frais réels, l'évaluation des frais de déplacement, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d'intérêts annuels afférents à l'achat à crédit du véhicule utilisé, peut s'effectuer sur le fondement d'un barème forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance administrative du véhicule, retenue dans la limite maximale de sept chevaux, et de la distance annuelle parcourue. / Lorsque les bénéficiaires mentionnés au huitième alinéa ne font pas application dudit barème, les frais réels déductibles, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d'intérêts annuels afférents à l'achat à crédit du véhicule utilisé, ne peuvent excéder le montant qui serait admis en déduction en application du barème précité, à distance parcourue identique, pour un véhicule de la puissance administrative maximale retenue par le barème. (...) ".

En ce qui concerne les frais liés à l'utilisation d'un véhicule automobile :

6. Il résulte de l'instruction que l'administration a pris en compte les frais de déplacement à titre professionnel résultant de l'application du barème kilométrique calculé sur la base d'un aller-retour par jour pour 120 jours travaillés à l'IFA de Montigny-le-Bretonneux situé à 45 km du domicile du requérant situé à Montreuil, soit 4 928 euros annuels. M. A... n'établit que cette estimation de ses frais réels serait insuffisante, dès lors qu'il ne justifie pas qu'il utilisait son véhicule pour se rendre sur ses autres lieux de travail. Le requérant ne produit d'ailleurs aucun calcul détaillé permettant de chiffrer ses déplacements annuels à l'aide de son véhicule personnel et les kilométrages relevés dans les factures d'entretien ne corroborent pas les distances parcourues à titre professionnel pour les 20 076 kms annuels invoqués. Si M. A... se prévaut de ses frais d'assurance pour un montant de 1 847 euros annuels, ces dépenses, qui sont à la fois professionnelles et privées, ne sauraient se cumuler aux estimations retenues sur la base du barème.

En ce qui concerne les frais de repas :

7. M. A... fait valoir que l'IFA de Montigny-le-Bretonneux ne possédant pas de cantine et que, ne souhaitant pas se restaurer à la cantine des autres établissements au sein desquels il assurait son service, il a dépensé à ce titre la somme annuelle de 3 360 euros. En se bornant à produire des tickets de caisse non nominatifs, parfois illisibles et dont certains concernent des restaurants ne se situant pas à proximité des lieux de travail ou ne correspondant pas à des déjeuners, ainsi que des tickets de carte bleue sans facture correspondante, M. A..., qui ne fournit d'ailleurs aucun élément précis permettant d'apprécier dans quelle mesure, compte tenu de son emploi du temps, il lui était nécessaire de prendre des repas sur son lieu de travail, n'établit pas que les frais supplémentaires de repas fixés par l'administration à 580 euros et 586 euros respectivement pour les années 2014 et 2015 seraient sous-estimés.

En ce qui concerne l'affectation d'une partie de l'habitation principale à des fins professionnelles :

8. M. A... fait valoir qu'il utilise un espace de sa résidence principale afin de stocker son matériel informatique, sa documentation et de préparer son activité d'enseignement. Il estime ainsi qu'un tiers de la superficie de son logement doit être considéré comme étant affecté à un usage professionnel. Cependant, il n'établit ni qu'il avait affecté une pièce de son appartement, d'une superficie de soixante-dix mètres carrés, à cet usage, ni qu'il ne disposait pas d'un local où travailler ou stocker son matériel dans l'un des établissements où il enseigne. Il en résulte que le requérant ne peut être regardé comme justifiant que ses frais seraient supérieurs à ceux admis en déduction par l'administration, fondés sur l'estimation d'une affectation de 10 % de son habitation principale à son usage professionnel.

En ce qui concerne les frais de connexion Internet et de téléphonie :

9. L'administration ayant retenu comme frais déductibles une somme supérieure aux frais de connexion internet et de téléphonie dont se prévaut le requérant, le moyen est sans influence sur l'issue du litige.

En ce qui concerne les frais de matériels et de fournitures informatiques :

10. Il résulte de l'instruction que l'administration a admis en déduction la totalité des dépenses de matériels informatiques, quand bien même l'utilisation exclusivement professionnelle du matériel ne serait pas établie. Pour les biens d'un montant supérieur à 500 euros, un amortissement sur 3 ans a été pratiqué, proratisé en fonction de la date d'acquisition du bien. Par ailleurs, au vu des justificatifs produits, l'administration a admis en déduction des achats de consommables et de documentation informatique pour un montant total de 727,75 euros au titre de l'année 2014 et 843,01 euros au titre de l'année 2015. Les factures produites au dossier ne permettent d'identifier au titre des années d'imposition aucune dépense informatique à caractère professionnel qui n'aurait pas été prise en compte. M. A..., qui présente plusieurs fois les mêmes factures, et qui produit notamment des factures qui ne sont pas afférentes aux années d'imposition, ou qui sont relatives à des appareils ménagers, se contente d'ailleurs d'observations générales à cet égard et ne met pas la Cour en mesure d'identifier les factures dont il se prévaut et qui n'auraient pas été prises en compte par le service.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A..., qui ne saurait utilement se prévaloir de doctrines administratives qui ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03310 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03310
Date de la décision : 31/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : SULTAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-31;22pa03310 ?
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