Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui attribuer le bénéfice du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) relatif à l'impôt sur les revenus à hauteur de 718 181 euros, représentant un complément par rapport au crédit d'impôt qui lui avait déjà été octroyé de 214 749 euros, au titre de l'année 2018, et de prononcer la décharge correspondante.
Par un jugement n° 2007212/2-2 du 21 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 avril 2022 et 27 octobre 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Stanislas Vailhen, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 février 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'ordonner le versement de la somme de 214 749 euros majorée des intérêts moratoires ;
3°) à titre subsidiaire d'ordonner le versement d'un montant de 109 300 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les bénéfices non commerciaux (BNC) perçus au titre de l'année 2018 constituent des revenus non exceptionnels pour les besoins du CIMR, s'agissant pour l'essentiel d'émoluments à taux proportionnel dont le montant est assis sur le prix des transactions instrumentées par le cabinet notarial ;
- le législateur a entendu exclure la qualification de revenus exceptionnels en ce qui concerne les revenus réalisés par les contribuables n'ayant pas la possibilité de profiter de l'effet d'aubaine résultant de la maximisation de leurs revenus de l'année 2018 :
- la hausse des BNC de M. C... en 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l'année 2019 trouve son origine dans un surcroît d'activité ;
- la doctrine administrative relative au CIMR référencée BOI-IR-PAS-50-10-20-20 §170 est à cet égard invocable.
- M. C... a droit à un CIMR complémentaire partiel à hauteur de son BNC théorique de 2019 qui aurait été perçu en 2019 si l'étude n'avait pas changé de forme sociale, dès lors qu'il est inférieur au BNC de 2018 mais supérieur au plus élevé des BNC entre 2015 et 2017.
- la doctrine administrative référencée BOI-IR-PAS-50-10-20-20 est invocable à cet égard.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
2 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bencheqroun, substituant Me Vailhen, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont déclaré, au titre de leur déclaration de revenus au titre de l'année 2018, un bénéfice non commercial net de 1 655 083 euros, réalisé par M. C... dans le cadre de son activité professionnelle au sein de l'office notarial SCP E... et ont été imposés à ce titre pour un montant de 220 678 euros. Par la présente requête, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 21 février 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a refusé de leur reconnaître le bénéfice du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) à raison de la totalité du bénéfice non commercial net déclaré au titre de l'année 2018 et donc de leur accorder la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2018.
2. L'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, modifié par l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, instaure, à compter des revenus de l'année 2018 et pour ceux qui entrent dans son champ d'application, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est opéré, pour les revenus salariaux et les revenus de remplacement, par l'employeur ou l'organisme versant. Pour les autres revenus, en particulier ceux correspondant à des bénéfices professionnels, ce prélèvement prend la forme du versement d'acomptes. Les dispositions du paragraphe I de l'article 60 déterminent les modalités de ce prélèvement. Les dispositions de son paragraphe II fixent les modalités de la transition entre les règles antérieures de paiement de l'impôt sur le revenu et le prélèvement à la source, afin que les contribuables ne paient pas, en 2019, l'impôt sur le revenu dû à la fois sur les revenus de l'année 2018 et sur ceux de l'année 2019, en instituant un crédit d'impôt dit de modernisation du recouvrement ayant pour objet d'effacer le montant de l'impôt dû au titre de 2018 correspondant aux revenus non exceptionnels de cette année.
3. Aux termes du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 : " A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. B. - Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 résultant de l'application des règles prévues aux 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts ou, le cas échéant, à l'article 197 A du même code multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global. Le montant obtenu est diminué des crédits d'impôt prévus par les conventions fiscales internationales afférents aux revenus mentionnés au 1 du même article 204 A. (...) E. - 1. Le montant net imposable des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux à retenir au numérateur du rapport prévu au B du présent II pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A est déterminé, pour chaque membre du foyer fiscal et pour chacune de ces catégories de revenus, dans les conditions prévues à l'article 204 G du code général des impôts, à l'exception du 6° du 2 et du 4 du même article 204 G. 2. Le montant défini au 1 du présent E, le cas échéant après application des abattements prévus aux articles 44 sexies à 44 septdecies du code général des impôts, est retenu dans la limite du plus faible des deux montants suivants : 1° Le bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus aux mêmes articles 44 sexies à 44 septdecies ; 2° Le plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus audits articles 44 sexies à 44 septdecies. (...) 3. En cas d'application du 2° du 2 du présent E, le contribuable peut obtenir un crédit d'impôt complémentaire dans les conditions suivantes : 1° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est supérieur ou égal au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable bénéficie d'un crédit d'impôt complémentaire, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2019, égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ; 2° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, mais supérieur au plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017 retenus en application du 2° du 2, le contribuable bénéficie, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu au titre de 2019, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la différence entre : a) Le crédit d'impôt calculé en retenant au numérateur du rapport prévu au B du présent II le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E ; b) Et le crédit d'impôt déjà obtenu en application du 2 du présent E ; 3° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable peut bénéficier, par voie de réclamation, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ou du 2° du présent 3, s'il justifie que la hausse de son bénéfice déclaré en 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l'année 2019 résulte uniquement d'un surcroît d'activité en 2018 ".
4. Il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que pour tenir compte de la possibilité qu'ont les travailleurs indépendants de procéder à des arbitrages sur les recettes et les charges servant à la détermination de leur bénéfice et ainsi maximiser leur bénéfice en 2018, le caractère non exceptionnel du bénéfice de 2018 est apprécié sur une période pluriannuelle. Ainsi, si un contribuable imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux réalise, au titre de l'année 2018, un bénéfice supérieur au plus élevé des montants de ses bénéfices de 2015, 2016 ou 2017, le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement dont il peut bénéficier est plafonné au niveau du montant le plus élevé de ces trois années, la différence étant réputée constituer un revenu exceptionnel. Si son bénéfice au titre de 2019 est plus élevé que celui de 2018, le bénéfice de 2018 est réputé ne plus être exceptionnel de sorte qu'il est octroyé de plein droit au contribuable un crédit d'impôt complémentaire effaçant l'intégralité de l'impôt qu'il a acquitté au titre de 2018 sur ce bénéfice. Si son bénéfice de 2019 est inférieur à son bénéfice de 2018 mais supérieur au plus élevé des bénéfices réalisés en 2015, 2016 et 2017, il lui est également octroyé de plein droit un crédit d'impôt complémentaire, limité à la différence entre le bénéfice le plus élevé des trois années de référence et le bénéfice réalisé en 2019. Il peut en outre présenter une réclamation à l'administration fiscale pour obtenir un complément de crédit d'impôt pour éliminer la totalité de l'impôt sur le revenu au titre de son bénéfice de 2018, sous réserve qu'il établisse que la part du bénéfice de cette année supérieure aux quatre années de référence correspond à un surcroît d'activité.
5. En premier lieu, il est constant que M. C... a réalisé en 2018 un bénéfice supérieur à celui réalisé au cours des années de référence 2015, 2016 et 2017. C'est par suite à bon droit, et nonobstant la circonstance que ces bénéfices ont été réalisés pour l'essentiel à partir d'émoluments à taux proportionnel dont le montant est assis sur le prix des transactions instrumentées par le cabinet notarial, que le bénéfice réalisé en 2018 a été considéré comme un revenu exceptionnel à hauteur de la différence entre ce bénéfice et le bénéfice le plus élevé réalisé au cours des années de référence. Les dispositions citées au point 2. étant claires, M. C... ne saurait valablement soutenir que le législateur aurait entendu exclure de la catégorie des revenus exceptionnels les revenus réalisés par les contribuables n'ayant pas la possibilité de profiter de l'effet d'aubaine résultant de la maximisation de leurs revenus de l'année 2018.
6. En deuxième lieu, si, conformément au 2° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, le contribuable bénéficie d'un CIMR complémentaire lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019 est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018 mais supérieur au plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017 ayant servi au calcul du CIMR en 2019, de telles dispositions ne sauraient être appliquées à M. C... qui n'a réalisé aucun bénéfice imposable en 2019, l'étude notariale à l'origine des bénéfices non commerciaux perçus jusqu'en 2018, initialement exploitée sous la forme d'une SCP taxable selon le régime des sociétés de personnes ayant été transformée à compter du 1er janvier 2019 en société de capitaux soumise à l'impôt sur les sociétés. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions précitées n'ouvrent à M. C... aucun droit au bénéfice d'un CIMR complémentaire au regard du BNC théorique qu'il aurait perçu en 2019 si l'étude n'avait pas changé de forme sociale. Les circonstances que ce changement ne lui a pas permis de maximiser ses revenus professionnels de l'année 2018 en diminuant ses revenus au titre de l'année 2019 et que les méthodes de détermination du chiffre d'affaires de l'étude et de la rémunération allouée à chacun de ses membres est demeurée identique malgré le changement d'organisation juridique sont dépourvues de toute portée. La doctrine administrative référencée BOI-IR-PAS-50-10-20-20 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
7. En troisième lieu, en se bornant à présenter des généralités sur l'évolution du marché de l'immobilier d'entreprise et de l'activité des notaires de France, et à faire valoir que le chiffre d'affaires du cabinet notarial auquel il appartient suit cette évolution, et en l'absence de tout document concret permettant d'analyser l'activité personnelle de l'intéressé au cours des années dont s'agit et d'identifier les causes de l'augmentation de sa rémunération en 2018, en distinguant celles liées à l'augmentation des prix et celles liées à l'augmentation des transactions, M. C... ne met pas la Cour en mesure de constater que la différence de revenu constatée au titre de l'année 2018 procèderait d'un surcroit d'activité ouvrant droit à un CIMR complémentaire sur le fondement du 3° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016. La doctrine administrative relative au CIMR référencée BOI-IR-PAS-50-10-20-20 §170 ne contient aucune interprétation de la loi fiscale différente de ce qui précède et n'est à cet égard invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. C.... Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et Mme A... F... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01859