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12/04/2023 | FRANCE | N°22PA04878

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 avril 2023, 22PA04878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2217811 du 13 octobre 2022 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémo

ire enregistrés le 17 novembre 2022 et le 2 février 2023, M. D..., représenté par Me Camus, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2217811 du 13 octobre 2022 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 novembre 2022 et le 2 février 2023, M. D..., représenté par Me Camus, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2022 du préfet du Val d'Oise ;

4°) d'enjoindre aux services préfectoraux de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen et de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée de défaut d'examen sérieux ;

- elle méconnait l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire méconnait l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et de la décision de refus de délai de départ volontaire ;

- elle méconnait les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 la convention internationale des droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Val d'Oise qui n'a pas produit un mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- et les observations de Me Camus, avocate de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien, a été interpellé et placé en retenue administrative le 30 juillet 2022. Par un arrêté du 30 juillet 2022, le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination pour son éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 16 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de judiciaire de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 3-1 la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. M. D... est le père d'une enfant née le 17 juin 2019 dont la mère est de nationalité lettone. Il ressort des pièces du dossier que cette enfant a chuté du cinquième étage d'un immeuble le 4 juin 2021 à raison d'un défaut de surveillance de sa mère qui en avait la garde. Après cette chute, l'enfant du requérant a été hospitalisée jusqu'au mois de mars 2022 et a, à l'issue de cette hospitalisation, fait l'objet d'une mesure d'action éducative en milieu ouvert. Les éléments produits permettent d'établir que le requérant a été présent pour son enfant pendant son hospitalisation, qu'il porte un intérêt pour le développement de son enfant et qu'il a été présent aux rendez-vous organisés par l'association en charge de la mesure d'action éducative. A la date de l'arrêté attaqué, l'enfant du requérant faisait toujours l'objet d'une mesure d'assistance éducative. Si postérieurement à la décision attaquée dans un jugement du 9 décembre 2022, le juge pour enfants, décidant la prolongation de la mesure d'action éducative en milieu ouvert, a relevé le lien affectueux existant entre l'enfant et son père, ce constat révèle une situation existante à la date de l'arrêté attaqué. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu d'une part des difficultés rencontrées par la mère de l'enfant du requérant, ayant conduit à l'accident dont l'enfant a été victime, et d'autre part de l'extrême fragilité de l'enfant, qui si elle s'est remise physiquement de son accident évolue favorablement mais nécessite un suivi médical et fait l'objet d'une mesure d'action éducative en milieu ouvert ordonnée par un juge pour enfants à compter du mois de mars 2022, et alors qu'il est établi que le lien entre le requérant et sa fille n'est pas rompu, il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de maintenir ce lien. Par suite, M. D... est fondé à soutenir qu'en adoptant l'obligation de quitter le territoire contestée, le préfet du Val d'Oise a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il est par suite fondé à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles des décisions par lesquelles le préfet du Val d'Oise a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, qui en procèdent.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que celle de l'arrêté du 30 juillet 2022 du préfet du Val d'Oise.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ". Compte tenu de l'annulation prononcée, et par application de ces dispositions, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour, afin de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Camus, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de M. D... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 2217811 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 30 juillet 2022 du préfet du Val d'Oise sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val d'Oise de réexaminer la situation de M. D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Camus une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Val d'Oise et des outre-mer et à Me Coralie Camus.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.

La rapporteure,

E. JurinLa présidente,

P. HAMON

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04878 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04878
Date de la décision : 12/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : CAMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-12;22pa04878 ?
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