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15/03/2023 | FRANCE | N°21PA04411

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 15 mars 2023, 21PA04411


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme globale de 60 185 340 francs CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020, en réparation des différents préjudices subis à raison de l'illégalité des stipulations du contrat à durée déterminée du 3 juillet 2017 et de l'illégalité de la décision mettant fin à ses fonctions et, d'autre part, d'annuler

l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme globale de 60 185 340 francs CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020, en réparation des différents préjudices subis à raison de l'illégalité des stipulations du contrat à durée déterminée du 3 juillet 2017 et de l'illégalité de la décision mettant fin à ses fonctions et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis fin à ses fonctions de directeur de l'agence calédonienne de l'énergie et la décision du 21 juillet 2020 par laquelle le président du conseil d'administration de l'agence calédonienne de l'énergie l'a informé de la fin de son contrat d'engagement à compter du 15 novembre 2019.

Par un jugement n° 2000288-2000289 du 7 juin 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, d'une part, condamné la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 500 000 francs CFP en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ainsi qu'à lui verser une indemnité de licenciement et l'a renvoyé devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, d'autre part, mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 300 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2021 et le 5 novembre 2021, M. B..., représenté par le cabinet Lexnea, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 2000288-2000289 du 7 juin 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et d'annuler son article 4 ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme globale de 60 185 340 francs CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020 ;

3°) d'annuler les décisions du 12 novembre 2019 et 21 juillet 2020 ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la Nouvelle-Calédonie et de l'Agence calédonienne de l'Energie la somme de 520 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est fondé à mettre en jeu la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie en raison de l'illégalité des modalités de rémunération fixées par le contrat du 3 juillet 2017 et de l'illégalité de son licenciement ;

- à cause de l'illégalité de ses modalités de rémunération il a subi un préjudice financier qu'il évalue à la somme globale de 8 701 549 francs CFP, comprenant les sommes qu'il a dû rembourser, correspondant à un trop-perçu, le manque à gagner qu'il a subi du fait de la diminution de sa rémunération, un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il évalue à la somme de 4 000 000 francs CFP ;

- il est fondé à obtenir une indemnité de préavis en application de l'article 14 de la délibération n° 234 du 13 décembre 2006 portant dispositions particulières à certains emplois administratifs de direction des collectivités et établissements publics de Nouvelle-Calédonie ;

- il est fondé à demander le versement d'une indemnité compensatrice de congés payés pour un montant de 3 640 032 francs CFP ;

- en conséquence de l'illégalité de son licenciement, il a subi une perte de salaires qu'il évalue à un montant de 26 232 750 francs CFP ainsi qu'un préjudice lié à l'absence de cotisations sociales pendant 25 mois qu'il évalue à la somme de 11 518 700 francs CFP ;

- la décision du 21 juillet 2020 est illégale dès lors qu'elle est insuffisamment motivée, entaché d'erreur d'appréciation, d'erreur de droit, car son licenciement est motivé par son inaptitude, et de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 septembre 2021 et le 5 janvier 2022, le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, représenté par Me Million, conclut au rejet de la requête de M. B... et au versement d'une somme de 4 358 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2021, l'agence calédonienne de l'énergie (ACE), représentée par la SELARL Raphaëlle Charlier, conclut au rejet de la requête de M. B... et au versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi 99-210 du 19 mars 1999 ;

- la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 ;

- la délibération n° 234 du 13 décembre 2006 ;

- la délibération n° 222 du 12 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté en qualité de directeur de l'agence calédonienne de l'énergie (ACE) pour une durée d'un an à compter du 1er juillet 2017 par un arrêté du 20 juin 2017 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie puis par un contrat du 3 juillet 2017. Par un jugement n° 1800051 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé des stipulations du préambule de ce contrat, ses articles 8, 13 et 14 ainsi que l'article 4 fixant la rémunération de M. B.... Par un arrêté du 12 novembre 2019, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis fin aux fonctions de M. B.... Puis par une décision du 21 juillet 2020, le président du conseil d'administration de l'agence calédonienne de l'énergie a informé M. B... de la fin de son contrat d'engagement à compter du 15 novembre 2019.

2. Par une première requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme globale de 60 185 340 francs CFP en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de l'illégalité des stipulations du contrat du 3 juillet 2017 et de l'illégalité de la décision mettant fin à ses fonctions. Puis par une seconde requête, il a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 ainsi que la décision du 21 juillet 2020. Après avoir prononcé la jonction de ces deux requêtes, le tribunal a condamné la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 500 000 francs CFP en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence et à lui verser une indemnité égale à un mois de traitement par annuité de services effectifs, majorée de 10 % dès lors qu'il a atteint l'âge de cinquante ans, au titre de l'indemnité de licenciement et l'a renvoyé devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité de licenciement conformément aux motifs figurant au point 14 de son jugement. Le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 12 novembre 2019 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie :

3. Par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2019 comme étant tardives et par conséquent irrecevables. Ainsi, en l'absence de contestation du rejet de ses conclusions pour irrecevabilité, M. B... ne peut utilement demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

En ce qui concerne la légalité de la décision du président du conseil d'administration de l'ACE du 21 juillet 2020 :

4. Aux termes de l'article 27 de la délibération du 12 janvier 2017 portant création d'un établissement public administratif dénommé " agence calédonienne de l'énergie " : " Le directeur de l'agence est nommé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour une durée arrêtée par le gouvernement. Ses fonctions cessent de plein droit à l'expiration de cette période. Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à la possibilité pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de prononcer une fin de fonctions avant l'expiration de la durée pour laquelle le directeur a été nommé. (...) ".

5. Il ressort de ces dispositions que le président du conseil d'administration de l'ACE se trouvait en situation de compétence liée, la nomination du directeur de l'agence incombant au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Dès lors, l'ensemble des moyens invoqués par le requérant à l'encontre de la décision du 21 juillet 2020 mettant fin à son contrat d'engagement et tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur d'appréciation, de l'erreur de droit et du détournement de pouvoir sont inopérants.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité du gouvernement de Nouvelle-Calédonie à raison des stipulations illégales du contrat du 3 juillet 2017 :

S'agissant de la faute :

6. Ainsi que cela a été jugé par le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie dans un jugement du 13 juillet 2018, devenu définitif, l'article 4 du contrat à durée déterminée signé le 3 juillet 2017 entre la Nouvelle-Calédonie et M. B... est illégal à raison du caractère excessif et disproportionné du niveau de rémunération fixé par ce contrat. Cette faute est donc susceptible d'engager la responsabilité du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, sans que la Nouvelle-Calédonie ne puisse utilement faire valoir que M. B... aurait dû savoir que cette rémunération était excessive.

S'agissant des préjudices :

7. Il résulte de l'instruction que l'administration a proposé une régularisation contractuelle à M. B..., telle qu'elle était tenue de le faire, afin que l'exécution puisse se poursuivre régulièrement. L'administration a en outre en exécution du jugement demandé à M. B... le remboursement du trop-perçu de rémunération qui lui a été versé et lui a, à ce titre demandé le remboursement de la somme de 3 599 917 francs CFP correspondant au trop-perçu, perçu entre le 3 juillet 2017 et le 3 mai 2018. Or, M. B... ne saurait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice financier à hauteur de cette même somme et correspondant à la mise en œuvre de stipulations contractuelles illégales. Pour les mêmes raisons, M. B... n'est pas fondé à demander l'indemnisation du préjudice financier correspondant au manque à gagner qu'il estime avoir subi à raison de la diminution de sa rémunération à partir du 3 mai 2018 et qu'il évalue à la somme de 212 568 francs CFP par mois.

8. M. B... est toutefois fondé à demander l'indemnisation du préjudice moral qu'il a subi à raison de l'illégalité des stipulations contractuelles fixant la rémunération à laquelle il a initialement consenti à un niveau excessif. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. B..., en l'évaluant à la somme globale de 500 000 francs CFP.

En ce qui concerne l'indemnité de préavis :

9. Aux termes de l'article 14 de la délibération du 13 décembre 2006 portant dispositions particulières à certains emplois administratifs de direction des collectivités et établissements publics de Nouvelle-Calédonie : " Fin de fonction anticipée des agents non titulaires. Le licenciement de l'agent non titulaire par l'autorité investie du pouvoir de nomination ne peut être prononcé qu'à l'issue d'un délai de trois mois à compter de sa notification. Toutefois, aucun préavis n'est nécessaire en cas de licenciement prononcé soit en matière disciplinaire, soit pour inaptitude physique, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai. Ces dispositions ne sont pas applicables aux agents occupant l'un des postes des emplois énumérés à l'article 132 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée ". Aux termes de l'article 132 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 : " Le gouvernement nomme son secrétaire général, ses secrétaires généraux adjoints, les directeurs, directeurs adjoints, chefs de service, chefs de service adjoints, directeurs d'offices, directeurs d'établissements publics de la Nouvelle-Calédonie, et les représentants de la Nouvelle-Calédonie auprès des offices, établissements publics et sociétés. Il met fin à leurs fonctions ".

10. Il résulte de l'instruction que M. B... occupait un des postes énumérés à l'article 132 de la loi organique du 19 mars 1999. En conséquence, il ne peut utilement prétendre au versement d'une indemnité de préavis en application de l'article 14 de la délibération du 13 décembre 2006.

En ce qui concerne l'indemnité demandée au titre des congés payés non pris :

11. Si M. B... demande l'indemnisation des jours de congés payés acquis qu'il n'a pas pris et soutient que l'existence même d'un droit à des congés payés implique un droit à indemnisation en cas de congés non pris, aucune des dispositions applicables au requérant, ni aucun principe général, ne reconnait un droit à une indemnité compensatrice de congés payés dans le cas où un agent cesse ses fonctions avant d'avoir pu bénéficier de son congé. En conséquence, M. B... ne peut prétendre à une telle indemnité.

En ce qui concerne la responsabilité du gouvernement de Nouvelle-Calédonie à raison de la décision de licenciement :

12. En se bornant, d'une part, à critiquer la légalité du courrier du 21 juillet 2020 de l'ACE et à souligner que la responsabilité de l'ACE peut être engagée à ce titre et, d'autre part, à soutenir que la décision le licenciant serait illégale sans assortir ces écritures de moyens tendant à démontrer en appel que la décision du 12 novembre 2019 le serait, le requérant n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la responsabilité du gouvernement de Nouvelle-Calédonie pourrait être mise en jeu à raison de l'illégalité de cette décision. En conséquence, ses conclusions indemnitaires tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices résultant de la perte de salaire et de l'absence de cotisations sociales pendant 25 mois doivent être rejetées.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a limité à 500 000 francs CFP l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'illégalité de l'article 4 du contrat conclu le 3 juillet 2017 et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou de l'ACE, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de l'ACE au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'Agence calédonienne de l'énergie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à l'Agence calédonienne de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 7 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2023.

La rapporteure,

E. A...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA04411


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04411
Date de la décision : 15/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : LEXNEA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-15;21pa04411 ?
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