Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 2022 et le 21 octobre 2022, la Ville de Paris, représenté par la SCP Foussard - Froger, demande au juge des référés de la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du préfet de police du 10 mai 2022 relative au projet d'aménagement du secteur de la Tour Eiffel et des décisions implicites par lesquelles la Première ministre et le ministre de l'intérieur et des outre-mer ont rejeté son recours hiérarchique ;
2°) de suspendre l'exécution de la décision révélée par un mail du 12 octobre 2022 de l'adjoint au chef du service régional d'études d'impact, portant " consigne de ne pas autoriser de travaux " au titre du projet d'aménagement OnE et l'exécution des décisions du préfet de police, révélées par les procès-verbaux d'ouverture de réunions de chantier des 20 juillet 2022 et 9 août 2022, ainsi que par les mails des 30 juin et 12 octobre 2022 des services de la préfecture de police, portant refus d'émettre les avis et visas nécessaires à la délivrance des autorisations de travaux ;
3°) de mettre à charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'acte du préfet de police du 10 mai 2022, ensemble la décision portant rejet du recours hiérarchique et les actes subséquents de la préfecture de police, sont susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et, par suite, d'un référé-suspension ;
En ce qui concerne la condition d'urgence,
- l'urgence est constituée dès lors que l'opposition du préfet de police à toutes les mesures de restrictions et modifications de la circulation dans le secteur de la Tour Eiffel impacte immédiatement et gravement l'organisation des Jeux Olympiques et
Paralympiques de 2024 ; d'une part, l'opposition de principe du préfet de police interdit à la Ville de tenir ses engagements pour la bonne organisation des Jeux ; d'autre part, la bonne tenue des Jeux est tributaire du démarrage effectif des travaux sans délai ; l'urgence est d'autant plus avérée qu'une phase de préparation des chantiers est nécessaire, laquelle suppose aussi l'accord du préfet de police ; les retards dans la réalisation des travaux auront des conséquences sur la qualité de la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques et des conséquences financières importantes pour la Ville de Paris, maître d'ouvrage.
En ce qui concerne le doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée,
- la décision du préfet de police du 10 mai 2022 apparaît insuffisamment motivée ;
- la décision du préfet de police, ensemble la décision portant rejet du recours hiérarchique, et les actes subséquents sont entachés d'erreur de droit dès lors que les motifs d'opposition au projet de modification de la circulation ne correspondent pas à ceux prévus par les dispositions de l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales ;
- la décision du préfet de police du 10 mai 2022 procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la lettre attaquée n'a pas de caractère décisoire ;
- la condition d'urgence n'est pas remplie ;
- les moyens soulevés par Ville de paris ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier et notamment la requête enregistrée le 9 septembre 2022, sous le n° 22PA04149 par laquelle la ville de Paris a demandé à la Cour d'annuler la décision du préfet de police du 10 mai 2022 et les actes subséquents.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Paris du 1er septembre 2022 désignant M. Célérier, président de chambre, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer en qualité de juge des référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Célérier, juge des référés ;
- et les observations de Me Froger, représentant la ville de Paris, et de M. A..., représentant le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Considérant ce qui suit :
1.Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) ".
2. Aux termes de l'article R. 311-2 du code de justice administrative : " La cour administrative d'appel de Paris est compétente pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 5° A compter du 1er janvier 2019, des litiges, y compris pécuniaires, relatifs à l'ensemble des actes, autres que ceux prévus aux 1°, 2° et 6° de l'article R. 311-1, afférents : - aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, aux opérations foncières et immobilières, aux infrastructures et équipements ainsi qu'aux voiries dès lors qu'ils sont, même pour partie seulement, nécessaires à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ; - aux documents de toute nature, notamment les documents d'urbanisme et d'aménagement, en tant qu'ils conditionnent la réalisation des opérations, infrastructures, équipements et voiries mentionnés à l'alinéa précédent ; (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales : " I. - Le maire de Paris exerce les pouvoirs conférés au maire par la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II de la présente partie, sous réserve des II à VII du présent article.
II. - Sur certains sites, voies ou portions de voies fixés par arrêté du préfet de police après avis du maire de Paris, le préfet de police réglemente de manière permanente les conditions de circulation ou de stationnement ou en réserve l'accès à certaines catégories d'usagers ou de véhicules pour des motifs liés à la sécurité des personnes et des biens ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques. (...)
III. - Sur les axes essentiels à la sécurité à Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics, le maire de Paris exerce la police de la circulation et du stationnement dans le respect des prescriptions prises par le préfet de police pour les aménagements de voirie projetés par la Ville de Paris. Ces prescriptions visent à garantir la fluidité de la circulation des véhicules de sécurité et de secours. La liste de ces axes est fixée par décret. (...) ".
4. Par lettre du 10 mai 2022 le préfet de police a informé la ville de Paris de son opposition au projet de restriction de la circulation dans le secteur de la Tour Eiffel tel qu'il a été adopté au Conseil de Paris et, par conséquent, qu'il ne cosignera aucune mesure réglementaire formalisant une modification de la police de la circulation et du stationnement liée à ce projet.
5. L'emprise du projet rive droite, autour du Trocadéro, de même que l'avenue de La
Motte Picquet (le long de l'Ecole Militaire), rive gauche, sont incluses dans le périmètre défini
par l'arrêté n° 2017-00801 du 24 juillet 2017, dans lequel le préfet de police réglemente les conditions de circulation et de stationnement, en particulier pour des motifs liés à la sécurité des personnes, en application du II de l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales.
6. En revanche sur la rive Gauche (Tour Eiffel et Champ de Mars), le secteur relève de la compétence du maire à l'exception d'une partie du quai Branly et de certaines portions d'axes compris dans le Champ de Mars qui relèvent du décret n°2017-1175 du 18 juillet 2017 et de prescriptions prises par le préfet de police, visant à garantir la fluidité de la circulation des véhicules de sécurité et de secours, pour les aménagements de voirie projetés par la Ville de Paris, en application du III du même article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales.
7. Le préfet de police a estimé, notamment, d'une part, que la suppression des voies de circulation générale en surface envisagée sur le quai Branly, dans le
sens est-ouest, générera de facto une augmentation du trafic dans le souterrain du quai Branly
pouvant conduire à sa saturation. Dans le sens ouest-est, la diminution à une seule file de
circulation générale risque là aussi d'accroître fortement le trafic sur l'avenue de la Motte-Picquet.
8. Il a estimé, d'autre part, que le nouvel aménagement en fer à cheval de la place du Trocadéro entraînera également des retenues sur les voies qui la desservent, notamment sur l'avenue George Mandel, ainsi que des reports de circulation sur les avenues Foch, Victor-Hugo, Augier, Président Wilson et la rue Benjamin-Franklin pouvant potentiellement dégrader les délais d'intervention des véhicules de secours et de sécurité en cas de sinistre au Palais de Chaillot.
9. En l'état de l'instruction, aucun des moyens de la requérante ne paraît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du préfet de police du 10 mai 2022 et des actes subséquents des services de la préfecture de police, qui se fondent sur l'opposition au projet du préfet de police. Par suite, la requête de la ville de Paris ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ni sur la condition d'urgence.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la Ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ville de Paris, au préfet de police, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la Première ministre.
Fait à Paris, le 21 octobre 2022.
Le juge des référés,
T. CELERIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04295