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21/10/2022 | FRANCE | N°21PA03620

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 octobre 2022, 21PA03620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Compagnons Peintres Agencements et Décoration (LCPAD) a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1759 et

du I de l'article 1763 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2000170...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Compagnons Peintres Agencements et Décoration (LCPAD) a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1759 et du I de l'article 1763 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2000170/1-2 du 8 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 juin 2021, 3 septembre 2021 et 4 février 2022, la société LCPAD, représentée par Me Eric Lecocq, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2000170/1-2 du 8 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal.

Elle soutient que :

- elle produit des justificatifs des charges qui ont été rejetées par l'administration ;

- c'est à tort que l'administration a rejeté des charges comme étrangères à son intérêt ;

- la charge exceptionnelle d'un montant de 178 368 euros comptabilisée au titre de l'année 2016 était déductible ;

- le montant inscrit au crédit du compte courant d'associés au titre de l'exercice 2015 ne constitue pas un passif injustifié ;

- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts est injustifiée ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;

- le taux de 1 % aurait dû être appliqué au titre de l'amende prévue à l'article 1763 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives à l'amende prévue au I de l'article 1763 du code général des impôts, qui n'a pas fait l'objet d'une réclamation préalable, ne sont pas recevables ;

- les moyens invoqués par la société LCPAD ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Compagnons Peintres Agencements et Décoration (LCPAD), qui est spécialisée dans les travaux de rénovation pour organismes de logements sociaux franciliens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 12 avril 2018 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2015 et 2016 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, assortis des intérêts de retard et des majorations pour manquement délibéré, les amendes prévues à l'article 1759 et au I de l'article 1763 du code général des impôts lui étant également infligées. La société LCPAD relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge de ces impositions, en droits et majorations, et de ces amendes.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) e. Les cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité ; f.) Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise ".

3. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

S'agissant des charges dépourvues de pièces justificatives :

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause la déduction, du bénéfice de la société LCPAD, de charges qui n'avaient pas été assorties de pièces justificatives, pour des montants, dans le dernier état de la procédure d'imposition, de 34 917 euros hors taxes au titre de l'exercice 2015 et de 5 226 euros hors taxes au titre de l'exercice 2016.

5. Si la société LCPAD soutient qu'elle a justifié d'une charge correspondant à des frais de location d'un véhicule en produisant une facture du 30 octobre 2015 émise par la société Royal Regency pour un montant de 10 105 euros hors taxes, l'administration a admis cette charge en première instance et prononcé le dégrèvement correspondant en matière d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée et d'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Si la société requérante soutient également qu'elle a produit les factures établies par la société La Maison des Bulles relatives à des dépenses de cadeaux comptabilisées en 2016 pour un montant total de 3 492 euros, ces charges ont déjà été admises au stade de la réponse aux observations du contribuable. Ces moyens sont ainsi inopérants pour contester les impositions restant en litige.

6. Par ailleurs, en ce qui concerne le surplus des charges dépourvues de pièces justificatives restant en litige, comptabilisées à titre de dépenses de petit outillage, d'honoraires d'avocat, de frais de réception, de cadeaux, de voyages et déplacements et d'entretien de matériel de transport, pour des montants de 24 812 euros en 2015 et 5 226 euros en 2016, la société LCPAD ne produit aucun justificatif. Elle n'identifie par ailleurs aucune charge, remise en cause faute de justificatifs, qui ferait " double emploi " avec les charges remises en cause au motif qu'elles n'auraient pas été engagées dans son intérêt. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces charges en l'absence de pièces justificatives.

S'agissant des charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise :

7. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause la déduction de charges justifiées par des factures, au motif que les dépenses correspondantes n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société LCPAD, à concurrence de 73 403 euros au titre de l'exercice 2015 et 67 491 euros au titre de l'exercice 2016.

8. En ce qui concerne les voyages et déplacements, la société LCPAD soutient que les dépenses correspondant à des frais de voyage à Los Angeles et à Barcelone, pour des montants respectifs de 8 058 euros et 6 229 euros en 2015, et les dépenses correspondant à des frais de voyage à San Francisco pour un montant de 2 881 euros en 2016, devraient être " requalifiées " en dépenses de réception et de cadeaux, engagées par sa dirigeante en vue de diversifier sa clientèle. Toutefois, ainsi que l'oppose le ministre, la société LCPAD ne justifie d'aucune prospection commerciale dans ces villes et ne produit notamment aucune étude de marché ou de compte-rendu de rendez-vous qui justifieraient ces déplacements, les documents produits datant de 2012 et se rattachant à une activité à Miami, au demeurant par une société locale. Pour le même motif, la société requérante ne justifie pas, en tout état de cause, de l'intérêt, pour son activité, des frais d'hôtel engagés à San Francisco et à Santa Monica, en se bornant à soutenir qu'elle envisageait d'ouvrir un bureau aux Etats-Unis sans produire le moindre élément relatif à l'objet de ces déplacements. De même, si la société LCPAD soutient que des dépenses de déplacement à Londres et au Caire, pour des montants respectifs de 5 353 euros et 6 346 euros, correspondent à des invitations de clients, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, alors que le ministre fait valoir sans être contredit que les billets de train pour Londres étaient au nom de l'associée gérante et d'un associé salarié et que les billets d'avion pour l'Egypte concernaient les mêmes personnes et le fils de ce dernier. Si la société requérante soutient également que les frais de voyages à Nice ont été exposés en vue de la réalisation d'une étude de faisabilité sur un marché concernant deux hôtels à Cannes, elle n'apporte pas plus d'éléments à l'appui de ses allégations, alors que le ministre oppose qu'aucun justificatif de prospection commerciale dans le sud de la France, étude de marché ou compte-rendu de rendez-vous n'a été produit. Enfin, en se bornant à soutenir qu'une somme de 9 903 euros correspondrait à des " dépenses engagées dans le cadre de la prospection entamée en 2015 ", elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, compte tenu de ce qui a été dit précédemment en matière de prospection, alors qu'une partie de la somme restant en litige au titre des voyages et déplacements a été exposée à Courchevel. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration n'a pas admis la déduction de ces dépenses de voyages, incluant les frais de déplacements, logement et réception, notamment aux Etats-Unis, dont se prévaut la requérante. A cet égard, les circonstances que ces charges seraient, prises individuellement, d'un montant peu important par rapport au total des charges externes engagées par la société, et que le montant global des dépenses de voyages a peu évolué d'un exercice à l'autre, sont sans incidence sur leur absence de déductibilité dès lors qu'elles n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société LCPAD.

9. En ce qui concerne les dépenses de location, la société LCPAD a comptabilisé en charges, au titre des exercices 2015 et 2016, des frais afférents à la location d'un appartement situé à Paris 18ème arrondissement, pour des montants respectifs de 11 455 euros et 12 293 euros et fait valoir que cet appartement était utilisé par ses salariés pour se changer et prendre des repas dans le cadre des chantiers dont elle avait la charge. L'administration a toutefois relevé que le contrat de location a été établi au nom de l'associé salarié de la société LCPAD, qui prend en charge la taxe d'habitation, et constaté que les salariés de la société interviennent sur l'ensemble de l'Ile-de-France et non pas seulement dans le nord de Paris. Face à ces éléments, la requérante se borne à produire les attestations de trois salariés, établies postérieurement au contrôle, et ne précise même pas quels chantiers auraient été de nature à justifier la location d'un appartement dans le nord de Paris au titre de l'ensemble des exercices en litige. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration n'a pas admis la déduction de ces dépenses.

10. En ce qui concerne les autres charges, si la société LCPAD soutient, en premier lieu, que la charge comptabilisée pour un montant hors taxes de 840 euros, sur le fondement d'une facture de la société Inspiration Luxe du 26 mars 2015, correspond à l'achat d'un tapis pour son bureau de réception, le ministre fait valoir sans être contredit que ce tapis a été livré au domicile de la gérante et que le siège social de la société est situé à une adresse de domiciliation. En deuxième lieu, si la société LCPAD fait valoir que les charges comptabilisées pour un montant hors taxes de 617 euros sur le fondement d'une facture de la société Amazon du 12 février 2015, et de 2 810 euros sur le fondement d'une facture de la société Darty du 29 août 2015, correspondent à du matériel affecté à l'entreprise, il résulte de l'instruction que ces factures, relatives à l'achat d'une caméra GoPro, d'une console de jeux, d'une cafetière de cuisine et de deux téléviseurs, ne mentionnent pas de lieu de livraison et sont relatives à des dépenses n'ayant aucun rapport avec l'activité de l'entreprise, la société requérante, seule en mesure de le faire, ne produisant aucun élément de nature à justifier de la nature professionnelle de ces achats. En troisième lieu, la société LCPAD fait valoir que les charges comptabilisées pour des montants de 380 euros et 1 270 euros hors taxes sur le fondement de factures des sociétés Hermès du 7 avril 2015 et Montblanc du 23 juillet 2015 correspondent à des cadeaux, en se bornant à produire des tableaux commentés. Toutefois, elle n'apporte aucun élément, qu'elle seule peut produire, à l'appui de ses allégations, susceptible de justifier l'existence de cadeaux offerts à ses clients, alors que les dépenses en litige ont un objet qui ne se rattache pas à l'exercice de son activité. En quatrième lieu, si la société LCPAD fait valoir que la charge comptabilisée pour un montant hors taxes de 1 776 euros sur le fondement d'une facture de la société Métro du 23 juillet 2015 correspondait à des achats divers en faveur de ses salariés, elle n'apporte pas plus d'élément à l'appui de ses allégations. S'agissant des factures des sociétés Jouguet et Compagnie du 15 avril 2015 et Dyson du 24 février 2015, il ressort de la réponse aux observations du contribuable que la déductibilité des charges correspondantes a été admise dans le cadre de la vérification de comptabilité. Par ailleurs, si la société LCPAD mentionne que des véhicules de tourisme loués ont été utilisés par ses salariés, et à supposer qu'elle ait ainsi entendu contester la remise en cause des charges comptabilisées au cours des exercices 2015 et 2016 au titre de la location de véhicules, il est constant que les deux véhicules loués l'ont été au nom et au profit de l'associée gérante et de l'associé salarié, et la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'ils étaient utilisés par les salariés. Enfin, en se bornant à soutenir que l'ensemble des achats informatiques a été fait dans son intérêt, sans apporter plus de précision, et à produire à l'appui de ce moyen des factures qui, au demeurant, ne correspondent pas aux charges restant en litige, la société requérante ne conteste pas efficacement la remise en cause de la déductibilité des autres charges restant en litige.

S'agissant de la charge exceptionnelle :

11. Il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que la société LCPAD a comptabilisé au titre de l'exercice 2016 une charge exceptionnelle d'un montant de 178 368 euros née d'un exercice antérieur et qui a soldé le compte intitulé " Banque Western Union ", qui présentait au 1er janvier 2015 un à-nouveau débiteur du même montant. En l'absence de pièce justificative, elle a réintégré cette charge au bénéfice. La société LCPAD fait valoir que cette charge correspondrait à des pertes de liquidités sur l'achat et la vente de devises effectués auprès de la banque Western Union et produit les écritures de débit et de crédit constatées sur le compte au cours des exercices 2012 et 2013, des relevés bancaires retraçant les mouvements de compte, un extrait du grand-livre auxiliaire et un document de cette banque qui fait état de la clôture du compte en mars 2014. Toutefois, outre que ces documents ne justifient pas la réalité d'une charge exceptionnelle déductible en 2016 correspondant à une perte de liquidités sur l'achat et la vente de devises au titre des exercices antérieurs dont se prévaut la requérante, il en ressort, ainsi que l'oppose le ministre sans être contredit, que si la société LCPAD a procédé à des virements au profit de la banque Western Union, elle a également bénéficié de virements de cette banque et que le solde des mouvements révèle une plus-value de 242,78 euros. Dans ces conditions, la charge exceptionnelle d'un montant de 178 368 euros n'est pas justifiée.

S'agissant du passif injustifié :

12. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

13. L'administration a constaté que la société LCPAD a comptabilisé, au titre de l'exercice 2015, au crédit du compte courant d'associé, des sommes d'un montant total de 83 276 euros, soldant, d'une part, des comptes fournisseurs et, d'autre part, le compte " Etat autres charges à payer ". En l'absence de pièces justificatives probantes, elle a estimé que ces sommes constituaient un passif injustifié. D'une part, si la société LCPAD soutient que ces sommes correspondent à des paiements par les associés auprès de fournisseurs, elle n'en justifie pas, le ministre faisant d'ailleurs valoir sans être contredit que deux des factures produites ont été en partie réglées par la société. D'autre part, elle ne justifie pas plus que l'inscription de la somme de 65 700 euros soldant le compte " Etat autres charges à payer " correspondrait à la mise à la charge des associés du montant que la société aurait dû régler à raison de la liquidation de dividendes, au titre du prélèvement libératoire et des prélèvements sociaux. A cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, la rectification relative à ces prélèvements, en l'absence de paiement, et celle relative au passif injustifié, ne constituent pas une double imposition, leur objet n'étant pas identique. Dans ces conditions, la société LCPAD ne justifie pas des sommes inscrites au passif.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

14. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ".

15. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés, et dès lors que la société LCPAD se borne à demander à la Cour de tirer les conséquences de ce qui précède, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe en litige doivent être rejetées.

Sur les pénalités et les amendes :

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

17. L'administration a appliqué la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de charges qui n'ont pas été considérées comme engagées dans l'intérêt de la société LCPAD, correspondant aux dépenses présentées comme des cadeaux et aux frais de déplacements, de loyers et de véhicules précités, ainsi que de la charge exceptionnelle précédemment décrite au titre de l'exercice 2016. Pour justifier l'application de cette majoration, elle fait valoir que la société LCPAD ne pouvait ignorer qu'elle comptabilisait en charges de nombreux frais sans relation avec son objet social et notamment des dépenses personnelles, incluant en particulier des voyages réalisés par ses associés, dont certains à l'étranger effectués avec le fils mineur de l'un d'entre eux, et un tapis livré à sa gérante, les loyers d'un appartement à Paris dont l'utilisation professionnelle n'est nullement justifiée et la location de véhicules affectés à l'usage de l'associée gérante et d'un autre associé. Elle fait également valoir que les dépenses qui n'ont pas été admises en déduction représentent 21 % et 27 % du montant des bénéfices des exercices 2015 et 2016, et que la charge exceptionnelle qui n'a pas été admise en déduction au titre de l'exercice 2016 représente 70 % du résultat imposable de cet exercice. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve des manquements délibérés de la société LCPAD et justifie ainsi du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

18. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ".

19. L'administration a estimé que les produits correspondant aux rehaussements de bénéfice résultant des charges qui n'étaient pas appuyées de pièces justificatives, des charges qui n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, de la charge exceptionnelle et du passif précités, qui n'ont pas été justifiés, constituaient des revenus distribués. Elle a demandé à la société LCPAD dans la proposition de rectification, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, la désignation des bénéficiaires de ces revenus. La société s'étant bornée à mentionner des noms de clients auxquels auraient été offerts des cadeaux, l'administration a estimé cette réponse imprécise et a appliqué l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts aux sommes correspondant aux rehaussements précités, à l'exception de celles dont les bénéficiaires, l'associée gérante et un autre associé, étaient connus. La société LCPAD se borne à soutenir que les sommes restant en litige et retenues dans l'assiette de cette amende correspondent à des frais de déplacements, de réception et de cadeaux engagés dans son intérêt, ce dont elle ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit précédemment. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à demander la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1763 du code général des impôts :

20. Aux termes de l'article 1763 du code général des impôts : " I. Entraîne l'application d'une amende égale à 5 % des sommes omises le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet des documents suivants : (...) b. Relevé détaillé de certaines catégories de dépenses prévu à l'article 54 quater ; (...) Pour les documents mentionnés aux a, b et c, l'amende s'applique au seul exercice au titre duquel l'infraction est mise en évidence et le taux est ramené à 1 % lorsque les sommes correspondantes sont réellement déductibles ".

21. L'administration a appliqué, en l'absence de dépôt par la société LCPAD du relevé prévu à l'article 54 quater du code général des impôts, l'amende prévue au I de l'article 1763 du même code sur le montant total des dépenses mentionnées par l'article 54 quater, à un taux de 1 % s'agissant des dépenses réellement déductibles, et à un taux de 5 % s'agissant des dépenses non déductibles. En se bornant à demander l'application du taux de 1 % sur l'intégralité des dépenses, et à soutenir qu'elle ne pouvait pas désigner les bénéficiaires des dépenses qui ont fait l'objet de la demande de l'administration sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts sous peine de perdre des marchés, alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, certaines de ces dépenses n'étaient pas déductibles, la société LCPAD ne conteste pas utilement le bien-fondé de l'application de l'amende prévue au I de l'article 1763 du code général des impôts.

22. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la société LCPAD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société LCPAD est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Compagnons Peintres Agencements et Décoration (LCPAD) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président-assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2022.

Le président-rapporteur,

I. A...L'assesseur le plus ancien,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA03620 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03620
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : LECOCQ ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-21;21pa03620 ?
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