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21/09/2022 | FRANCE | N°22PA03065

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 septembre 2022, 22PA03065


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.

Par un jugement n° 2112442/11 du 1er juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 10 août 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis, lui a enjoint de délivrer à M. B... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et a m

is à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros en application de l'article L. 761-1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.

Par un jugement n° 2112442/11 du 1er juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 10 août 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis, lui a enjoint de délivrer à M. B... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022 sous le n° 22PA03065, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du 1er juin 2022 du Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par M. B... A... devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que son arrêté du 10 août 2021 a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... A... au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés par M. B... A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 août 2022, M. B... A..., représenté par Me Sarah Abdel Salam, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de renouveler son titre de séjour, à défaut, de réexaminer sa situation, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.

II- Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022 sous le n° 22PA03066, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2112442/11 du 1er juin 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que son arrêté du 10 août 2021 a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... A... au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés par M. B... A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires enregistrés les 18 et 19 août 2022, M. B... A..., représenté par Me Sarah Abdel Salam, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de renouveler son titre de séjour, à défaut, de réexaminer sa situation, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.

Un mémoire a été produit pour M. B... A... dans l'affaire n° 22PA03065 le

6 septembre 2022, après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations orales de M. B... A....

Deux notes en délibéré, enregistrées le 7 septembre 2022, ont été présentées pour

M. B... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant équatorien né le 15 avril 2000, qui soutient être entré sur le territoire français en août 2002 et qui a bénéficié de documents de circulation pour étranger mineur de février 2009 à octobre 2018, puis d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019, a sollicité le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 10 août 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande. Par un jugement n° 2112442/11 du 1er juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ses deux requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre, le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicite l'annulation de ce jugement et demande à ce qu'il soit sursis à son exécution.

Sur la requête n° 22PA03066 :

2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de l'arrêté contesté : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

3. Pour rejeter, sur le fondement de ces dispositions, la demande de renouvellement de titre de séjour " vie privée et familiale " présentée par M. B... A..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que la présence de l'intéressé sur le territoire national constituait une menace pour l'ordre public, dès lors qu'il était connu au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour usage illicite de stupéfiants le 28 avril 2016 et le 21 mars 2021 ainsi que pour détention, transport, acquisition, offre ou cession non autorisée de stupéfiants le 31 août 2017, qu'il a également été interpellé pour circulation avec un véhicule sans assurance le 1er décembre 2020, pour conduite d'un véhicule à moteur sans permis les 19 février et 26 mars 2019, ou malgré une suspension du permis de conduire le 12 août 2020, avec au surplus conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et sous l'empire d'un état alcoolique et conduite d'un véhicule sans assurance, et qu'il a, en outre, été interpellé pour vol en bande organisée ainsi que pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit punis de dix ans d'emprisonnement le 1er janvier 2019 et, à quatre reprises, pour vol aggravé d'accessoires sur véhicule le 27 août 2019.

4. Si M. B... A... soutient être entré à l'âge de 2 ans en France, où il a effectué sa scolarité et où il réside chez ses deux parents et que ses deux frères résident régulièrement sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du fichier de traitement des antécédents judiciaires que l'intéressé est défavorablement connu des services de police depuis l'âge de quatorze ans pour des faits de violence ayant entrainé une incapacité de travail n'excédant pas huit jours le 23 août 2014, d'usage illicite de stupéfiants le 9 juin 2016, le 19 juillet 2017 et le 13 septembre 2018, de cession ou offre de stupéfiants, transport et détention non autorisée de stupéfiants le 9 juin 2016, le 7 septembre 2017 et le 31 août 2017, d'un refus d'obtempérer le 18 janvier 2019, de conduite de véhicule sans permis le 19 janvier 2019, le 10 février 2019, le 28 février 2019 et le 26 mars 2019, de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de stupéfiants et/ou sous l'emprise d'un état alcoolique le 10 février 2019, le 28 février 2019 et le 6 septembre 2019, de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance le 10 février 2019, de vol en réunion le 2 janvier 2019, de plusieurs vols aggravés d'accessoires sur véhicule le 26 et le 27 août 2019 et de conduite d'un véhicule malgré une suspension de permis le 12 août 2020. Il a également été interpellé pour des faits de vol en bande organisée et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement le 1er janvier 2019. M. B... A... fait valoir que ces mentions n'établissent pas que des condamnations pénales auraient été prononcées à son encontre. Toutefois, cette seule circonstance ne saurait faire obstacle à ce que le préfet se fonde sur ces éléments dont ni la matérialité des faits ayant donné lieu aux interpellations ni l'imputabilité de ces agissements délictueux ne sont contestées. Par ailleurs, si M. B... A... est inscrit à la mission locale d'Aulnay-sous-Bois depuis le 11 mai 2017, sans d'ailleurs justifier de la confirmation de son projet professionnel, ou à tout le moins des démarches effectuées pour mener à bien son projet, et s'il justifie avoir travaillé en qualité d'électricien de juillet 2020 à mars 2021 et bénéficier d'un contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur conclu le 29 juin 2022, soit postérieurement à l'arrêté contesté, ces circonstances ne révèlent pas une insertion sociale et professionnelle particulière. Il en est de même du parcours thérapeutique qu'il soutient avoir engagé en 2022, soit très récemment. Est à cet égard sans incidence la circonstance que la commission du titre de séjour a, le 22 juin 2021, émis un avis favorable au renouvellement de son titre de séjour, cet avis étant d'ailleurs conditionné au respect de l'ordre public. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et eu égard, d'une part, à la nature et au caractère répété et récent des faits qui sont reprochés à M. B... A..., d'autre part, au but en vue desquels a été pris l'arrêté contesté, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir qu'il a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser de délivrer M. B... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et que c'est par suite à tort que les premiers juges ont, pour ces motifs, annulé l'arrêté contesté.

5. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... A... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

6. La décision contestée vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du d'asile, notamment son article L. 432-1, expose des éléments suffisants sur la situation personnelle et familiale de M. B... A..., en relevant que l'intéressé, ressortissant équatorien né le 15 avril 2000, est entré sur le territoire français le 1er août 2002 selon ses déclarations et a été titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019, et précise que M. B... A... représente une menace pour l'ordre public en énumérant l'ensemble des faits pour lesquels l'intéressé est connu des services de police. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

7. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. B... A....

8. Comme il a été énoncé au point 4. du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., qui ne justifie pas d'une intégration significative dans la société française, a commis de multiples agissements délictueux de manière répétée depuis 2014 et jusqu'en 2020. Il suit de là, contrairement à ce que soutient M. B... A..., que le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public.

9. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4. du présent arrêt, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'erreur de droit pour atteinte disproportionnée au droit de M. B... A... au respect de sa vie privée et familiale et d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 10 août 2021, lui a enjoint de délivrer à M. B... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. Il y a lieu en conséquence d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal ainsi que ses conclusions d'appel, ensemble celles tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 22PA03065 :

11. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 22PA03066 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du 1er juin 2022 du Tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22PA03065 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Et il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... A... dans cette instance sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22PA03065.

Article 2 : Le jugement n° 2112442/11 du 1er juin 2022 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... A... devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2022.

Le président-rapporteur,

I. C...L'assesseur le plus ancien,

E. TOPIN

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22PA03065, 22PA03066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03065
Date de la décision : 21/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : ABDEL SALAM

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-21;22pa03065 ?
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