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05/07/2022 | FRANCE | N°21PA04304

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 juillet 2022, 21PA04304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au Tribunal administratif de Paris 1°) par une demande enregistrée sous le n°1915455, d'annuler la décision du 14 mai 2019 portant refus de lui accorder un congé bonifié, ensemble la décision du 20 mai 2019 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à l'Etat de lui accorder un congé bonifié, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1

200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au Tribunal administratif de Paris 1°) par une demande enregistrée sous le n°1915455, d'annuler la décision du 14 mai 2019 portant refus de lui accorder un congé bonifié, ensemble la décision du 20 mai 2019 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à l'Etat de lui accorder un congé bonifié, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 2°) par une demande enregistrée sous le n°2002543, d'annuler la décision du 10 décembre 2019 portant refus de lui accorder un congé bonifié, d'enjoindre à l'Etat de lui accorder un congé bonifié, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Par un jugement n° 1915455- 2002543 /5-2 du 17 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la jonction de ces deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Rabbé, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 14 mai 2019 portant refus de lui accorder un congé bonifié, ensemble la décision du 20 mai 2019 portant rejet de son recours gracieux, et la décision du

10 décembre 2019 refusant de nouveau de lui accorder un congé bonifié ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 807 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour juger que le centre de ses intérêts moraux et matériels n'était pas en Martinique le tribunal s'est à tort fondé sur le constat qu'elle ne satisfaisait pas à certains des critères dégagés par la jurisprudence plutôt que de prendre en compte ceux des critères auxquels elle satisfaisait ;

- le jugement et les décisions attaqués ont à tort retenu que le centre de ses intérêts moraux et matériels n'était pas en Martinique, alors notamment que ses parents et de nombreux membres de sa famille y vivent, qu'à la date d'intervention des décisions attaquées elle était en cours d'acquisition d'une parcelle de terrain constructible, qu'elle a déjà bénéficié d'un congé bonifié, qu'elle est titulaire d'un compte bancaire à la Martinique, qu'elle y est inscrite sur les listes électorales et a effectué de nombreuses démarches pour y obtenir un poste, et qu'elle y fait régulièrement des séjours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la demande.

Il déclare se reporter aux écritures présentées devant le tribunal.

Par une ordonnance du 11 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

06 mai 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 78-399 du 20 mars 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Inspectrice des finances publiques, Mme A... a sollicité le 23 avril 2019, l'obtention d'un congé bonifié pour une période comprise entre le 29 octobre 2019 et le

6 janvier 2020, afin de se rendre en Martinique. Sa demande a été rejetée le

14 mai 2019, et elle a dès lors formé un recours gracieux, également rejeté le

20 mai suivant. Elle a alors sollicité du tribunal administratif de Paris l'annulation de ces deux décisions, par une première demande enregistrée sous le n°1915455. Elle a par ailleurs présenté le 16 octobre 2019 une nouvelle demande de congé bonifié au titre de l'été 2020, qui a également fait l'objet d'un refus, par décision du 10 décembre 2019 dont elle a saisi le tribunal par une seconde demande, enregistrée sous le 2002543. Après en avoir prononcé la jonction, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces deux demandes, par un jugement du 17 juin 2021 dont elle relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d'outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l'Etat : " Les dispositions du présent décret s'appliquent (...) aux fonctionnaires relevant du statut général des fonctionnaires de l'Etat qui exercent leurs fonctions : / b) Sur le territoire européen de la France si leur lieu de résidence habituelle est situé dans un département d'outre-mer. ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le lieu de résidence habituelle est le territoire européen de la France ou le département d'outre-mer où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'intéressé. ". Enfin l'article 4 du même décret dispose que : " Les personnels mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier, dans les conditions déterminées par le présent décret, de la prise en charge par l'Etat des frais d'un voyage de congé, dit congé bonifié ". Ainsi l'octroi du congé bonifié est subordonné à la condition que l'agent ait le centre de ses intérêts moraux et matériels dans le territoire dans lequel il souhaite se rendre à l'occasion de ce congé.

3. Ainsi que l'a à juste titre rappelé le tribunal, la localisation du centre des intérêts matériels et moraux du fonctionnaire doit être appréciée, pour l'application de ces dispositions, à la date de la décision prise sur chaque demande d'octroi du congé bonifié et en tenant compte notamment de son lieu de naissance, du lieu où se trouvent sa résidence et celle des membres de sa famille, du lieu où le fonctionnaire est, soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d'épargne ou de comptes postaux. Il peut également être tenu compte d'autres éléments d'appréciation, parmi lesquels le lieu du domicile avant l'entrée dans la fonction publique de l'agent, celui où il a réalisé sa scolarité ou ses études, la volonté manifestée par l'agent à l'occasion de ses demandes de mutation et de ses affectations ou la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de son conjoint ou partenaire au sein d'un pacte civil de solidarité.

4. Or, s'il est constant que ces divers critères d'appréciation ne sont pas nécessairement cumulatifs, il y a lieu, pour l'administration comme pour le juge, d'apprécier la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de l'agent, et, par suite, son droit à bénéficier d'un congé bonifié, au regard de l'ensemble de ce faisceau d'indices. Dès lors ils n'ont pas, comme le soutient la requérante, à se limiter à prendre en compte les éléments de nature à établir que le centre des intérêts moraux et financiers de l'intéressé serait dans le territoire souhaité, mais doivent au contraire tirer les conséquences tout à la fois de ces éléments et des critères auxquels l'agent ne satisfait pas, sans que Mme A... puisse, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la circulaire de la direction générale de l'administration et de la fonction publique du

3 janvier 2007, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire.

5. Or, si Mme A... justifie que ses parents, sa grand-mère et plusieurs autres membres de sa famille résident en Martinique, il est constant en revanche qu'elle-même est née en métropole et y a été scolarisée jusqu'au baccalauréat, qu'elle y a poursuivi ses études supérieures et y a débuté sa carrière professionnelle, que son conjoint y est également né et qu'ils s'y sont mariés, et par ailleurs qu'elle n'a jamais vécu en Martinique. De plus, s'il ressort des pièces du dossier qu'elle y possède un compte bancaire, elle n'établit pas qu'elle serait inscrite sur les listes électorales comme elle le soutient, et se borne, pour tenter d'établir qu'elle y possèderait un bien foncier, à produire une attestation du 17 avril 2019 par laquelle sa mère indique avoir " entrepris des démarches auprès du notaire de la famille " pour lui céder à titre gratuit une parcelle de terre. De même si elle justifie avoir recherché une affectation en Martinique en 2017 et 2018, il n'est ni établi ni même allégué qu'elle aurait effectué des démarches en ce sens en 2019, ni que son conjoint aurait un projet d'installation sur ce territoire. Et si elle indique avoir bénéficié, par le biais de sa mère alors fonctionnaire, d'un congé bonifié lorsqu'elle était âgée de quinze ans, cette circonstance n'est pas de nature à lui ouvrir un droit à l'obtention d'un congé bonifié, la localisation du centre de ses intérêts matériels et moraux s'appréciant à la date des décisions attaquées. Dès lors, alors même qu'elle justifie avoir effectué des voyages en Martinique et faire des appels téléphoniques à destination de ce département, il ne ressort pas de l'ensemble de ces éléments qu'elle aurait le centre de ses intérêts matériels et moraux dans ce territoire. Dès lors, les décisions attaquées ont pu sans erreur d'appréciation refuser de lui accorder les congés bonifiés sollicités, ainsi que l'a à juste titre jugé le tribunal, en se livrant au contrôle auquel il lui appartenait de se livrer pour la mise en œuvre des dispositions du décret du 20 mars 1978.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

M-I. D...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04304
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : RABBE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-05;21pa04304 ?
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