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23/11/2021 | FRANCE | N°20PA00159

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 23 novembre 2021, 20PA00159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Tremblay-en-France a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision du 16 avril 2018 par laquelle le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, a rejeté sa demande d'indemnisation ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 14 juin 2017 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, fixant le montant de la contrib

ution des communes du département de la Seine-Saint-Denis au fonds de solidarité des commune...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Tremblay-en-France a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision du 16 avril 2018 par laquelle le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, a rejeté sa demande d'indemnisation ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 14 juin 2017 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, fixant le montant de la contribution des communes du département de la Seine-Saint-Denis au fonds de solidarité des communes de la région

Ile-de-France (FSRIF) au titre de l'année 2017, en tant qu'il fixe sa contribution à

4 267 520 euros.

Par un jugement n°1809184/2-1 du 19 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, la commune de Tremblay-en-France, représentée par Me Landot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 16 avril 2018 par laquelle le préfet de la région

d'Ile-de-France, préfet de Paris, a rejeté sa demande d'indemnisation ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 14 juin 2017 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, fixant le montant de la contribution des communes du département de la Seine-Saint-Denis au fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) au titre de l'année 2017, en tant qu'il fixe sa contribution à 4 267 520 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les visas du jugement attaqué se bornent à citer les codes et les textes applicables sans mentionner les articles précis fondant la décision ;

- ce jugement est insuffisamment motivé et entaché d'une omission à statuer en ce qui concerne sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2018 par laquelle le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, a rejeté sa demande d'indemnisation ;

- l'arrêté préfectoral du 14 juin 2017 est entaché d'incompétence ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté préfectoral du 20 juin 2017 ne porterait pas atteinte au principe d'égalité, principe de valeur constitutionnelle, alors qu'à situation économique similaire, les niveaux des contributions des communes au titre du FSRIF divergent ;

- l'arrêté du 14 juin 2017 a été pris en méconnaissance des principes de valeur constitutionnelle, de libre administration, d'autonomie financière et de neutralité budgétaire ;

- la commune doit être indemnisée du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 14 juin 2017.

Par un mémoire, enregistré le 9 avril 2021, la commune de Tremblay-en-France demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du

7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales.

Elle soutient que :

- les dispositions contestées sont directement applicables au litige en cause ;

- ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs ou dans le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

- la question posée présente un caractère sérieux, dans la mesure où les modalités d'établissement du potentiel fiscal prévues par les dispositions du II de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité ; le calcul du potentiel fiscal conduit en effet à demander une contribution trop élevée à la commune de Tremblay-en-France par rapport à ses capacités financières, en méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques ; ce calcul revient à traiter différemment les communes au titre des contributions au FSRIF, en violation du principe d'égalité devant la loi ;

- ces dispositions méconnaissent en outre les principes constitutionnels de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales.

Une mise en demeure a été´ adressée le 30 novembre 2020 au ministre de l'intérieur.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

La ministre soutient que les moyens soulevés par la commune de Tremblay-en-France ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

19 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 72, 72-2 et 61-1, et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code général des collectivités territoriales, en particulier son article L. 2334-4 ;

- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

- le décret n° 2015-1212 du 30 septembre 2015 constatant le périmètre fixant le siège et désignant le comptable public de la métropole du Grand Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Tremblay-en-France a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 14 juin 2017 du préfet de la région

Ile-de-France, préfet de Paris, fixant le montant de la contribution des communes du département de la Seine-Saint-Denis au fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) au titre de l'année 2017, en tant qu'il fixe sa contribution à 4 267 520 euros. Elle fait appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. /(...). ".

3. En vertu des articles L. 2531-13 et L. 2531-14 du code général des collectivités territoriales une commune contribue au FSRIF en fonction de ses potentiels financier et fiscal, tandis qu'elle en bénéficie en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges qui tient notamment compte du potentiel financier et du potentiel fiscal.

4. Aux termes de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, dont la commune de Tremblay-en-France conteste la constitutionnalité du II : " (...). II.- 1. Le potentiel fiscal d'une commune membre d'un groupement à fiscalité propre faisant application du régime fiscal défini aux articles 1609 nonies C ou 1609 quinquies C du code général des impôts est majoré de l'attribution de compensation perçue par la commune l'année précédente. 2. Pour les communes membres d'un tel groupement, le potentiel fiscal est majoré de la différence, répartie entre elles au prorata de leur population, entre : a) La somme des montants suivants : - le produit perçu par le groupement au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux, de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de la taxe sur les surfaces commerciales ; - le produit déterminé par l'application aux bases intercommunales d'imposition de cotisation foncière des entreprises du taux moyen national d'imposition à cette taxe ; - le produit déterminé par l'application aux bases intercommunales d'imposition de taxe d'habitation du groupement appliquant l'article 1609 nonies C du même code du taux moyen national à cette taxe ; - le montant perçu par le groupement l'année précédente au titre de la part de la dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du présent code, hors le montant correspondant à la compensation prévue au 2° bis du II de l'article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2004 précitée ; b) La somme des attributions de compensation mentionnées au 1 de l'ensemble des communes membres du groupement. 3. Pour le calcul de la différence mentionnée au 2, les bases retenues sont les bases brutes de la dernière année dont les résultats sont connus servant à l'assiette des impositions intercommunales. Le taux moyen national de cotisation foncière des entreprises est celui prévu au I. Pour les groupements faisant application du régime fiscal défini à l'article 1609 nonies C du code général des impôts, le taux moyen national à la taxe d'habitation retenu est celui constaté lors de la dernière année dont les résultats sont connus et calculé à partir des produits perçus par ces seuls groupements. Les produits retenus sont les produits bruts de la dernière année dont les résultats sont connus. Pour les communes membres d'un groupement faisant application de l'article 1609 quinquies C du même code, les produits retenus au a du 2 du présent article s'entendent uniquement de ceux relatifs à sa zone d'activité économique, les autres produits étant pris en compte conformément au I. 4. Les attributions de compensation mentionnées aux 1 et 2 du présent II sont celles définies au V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, ainsi qu'aux 3 et 4 du III de l'article 1609 quinquies C du même code. 5. Les 1 et 2 du présent II ne s'appliquent pas aux communes auxquelles il est fait pour la première année application, par le groupement dont elles sont membres, de l'article 1609 nonies C et du II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts. / IV.- Le potentiel financier d'une commune est égal à son potentiel fiscal majoré du montant perçu par la commune l'année précédente au titre de la dotation forfaitaire définie à l'article L. 2334-7 du présent code hors la part mentionnée au 3° du I du même article perçue en 2014 et indexée, à compter de 2014, sur le taux d'évolution de la dotation forfaitaire de chaque commune l'année précédant la répartition et hors le montant correspondant à la dotation de consolidation prévue au IV de l'article L. 2113-20. Il est minoré, le cas échéant, du prélèvement sur le produit des impôts directs locaux mentionné à la seconde phrase du troisième alinéa du III de l'article L. 2334-7 subi l'année précédente ainsi que de la minoration mentionnée à l'article L. 2334-7-3 au titre de l'année précédente. Pour la commune de Paris, il est minoré du montant de sa participation obligatoire aux dépenses d'aide et de santé du département constaté dans le dernier compte administratif dans la limite du montant constaté dans le compte administratif de 2007. L'indicateur de ressources élargi d'une commune est égal à son potentiel financier majoré des montants perçus l'année précédente au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale ou de la dotation de solidarité rurale et de la dotation nationale de péréquation prévues à l'article L. 2334-13 du présent code. Il est augmenté, le cas échéant, des versements reçus des fonds départementaux ou métropolitains en application du II de l'article 1648 A du code général des impôts. / V.- Le potentiel fiscal par habitant, le potentiel financier par habitant et l'indicateur de ressources élargi par habitant sont égaux, respectivement, au potentiel fiscal, au potentiel financier et à l'indicateur de ressources élargi de la commune divisés par le nombre d'habitants constituant la population de cette commune, telle que définie à l'article L. 2334-2. VI.- Par dérogation, pour l'application du présent article, le potentiel financier des communes membres de la Métropole du Grand Paris est calculé selon les modalités définies à l'article L. 5219-8 du présent code. ".

5. Aux termes du dernier alinéa de cet article L. 5219-8 du code général des collectivités territoriales : " Par dérogation, pour l'application de l'article L. 2334-4, les établissements publics territoriaux définis à l'article L. 5219-2 constituent les groupements des communes membres de la Métropole du Grand Paris. Les établissements publics territoriaux sont considérés comme des groupements à fiscalité propre faisant application du régime fiscal défini aux articles 1609 nonies C ou 1609 quinquies C du code général des impôts. Pour l'application de la différence mentionnée au 2 du II de l'article L. 2334-4 du présent code, les bases intercommunales retenues sont les bases brutes de la dernière année dont les résultats sont connus servant à l'assiette des impositions intercommunales de la Métropole du Grand Paris et des établissements publics territoriaux. Les produits retenus sont les produits bruts de la dernière année dont les résultats sont connus et perçus par la Métropole du Grand Paris et les établissements publics territoriaux. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de territorialisation des ressources. ".

6. Il résulte de la combinaison des dispositions du II de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, lesquelles sont bien applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, et de celles de l'article L. 5219-8 du même code, dans leur rédaction issue de l'article 139 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, que les calculs du potentiel fiscal et du potentiel financier des communes membres de la Métropole du Grand Paris créée le 1er janvier 2016 par le décret n°2015-1212 du 30 septembre 2015 susvisé sont réalisés en considération des bases intercommunales des établissements publics territoriaux (EPT), également créés à cette date, avec pour objectif de territorialiser la richesse intercommunale. Ainsi, pour l'application de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, les potentiels fiscal et financier de la commune de Tremblay-en-France, membre de la Métropole du Grand Paris, sont établis en fonction des bases constatées sur le territoire de l'établissement public territorial Paris Terres d'Envol auquel cette commune appartient aussi.

7. La commune de Tremblay-en-France soutient, en premier lieu, que les modalités d'établissement du potentiel fiscal prévues par le II de l'article L. 2334-4 du CGCT conduisent à demander à la commune de Tremblay-en-France une contribution au FSRIF trop élevée par rapport à ses capacités financières, ressortant à la somme de 4 267 520 euros en 2017 en augmentation de 46 % par rapport à 2016, et méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

8. Le principe constitutionnel d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. Pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Par ailleurs, cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

9. Les dispositions du II de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales prévoient que la dotation de compensation de la part salaires (CPS) des communes, calculée sur la base des salaires versés sur le territoire de la commune, entre dans le calcul des produits intercommunaux comme des attributions de compensation versées aux communes membres, dont la différence vient majorer le potentiel fiscal et est répartie entre les communes au prorata de leur population. La commune de Tremblay-en-France critique ces dispositions dans la mesure où elles conduisent, selon elle, à une augmentation importante de son potentiel fiscal donc de son potentiel financier et, par voie de conséquence, de sa contribution au FSRIF. Elle fait valoir en effet, en premier lieu que la somme correspondante est reversée au fonds de compensation des charges transférées (FCCT) de l'établissement public territorial Paris Terres d'Envol, mentionné à l'article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales, et ne fait donc que transiter par le budget communal et, en second lieu, que le transfert de CPS, en principe neutralisé par les attributions de compensation, est faussé par le calcul de la majoration de son potentiel fiscal issue de la différence, répartie entre les communes, au prorata de leur population, entre la somme des produits fiscaux et des dotations de compensation de l'EPT et la somme des attributions de compensation de l'ensemble des communes membres de l'EPT Toutefois, ces éléments de calcul ne suffisent pas à établir que les critères retenus par le législateur ne seraient pas objectifs et rationnels ou seraient sans lien avec l'objectif de péréquation poursuivi. Au surplus il résulte de la combinaison des dispositions du II de l'article L. 2334-4 et de celles de l'article L. 5219-8 du code général des collectivités territoriales que les calculs du potentiel fiscal et du potentiel financier des communes membres de la Métropole du Grand Paris sont réalisés en considération des bases intercommunales des établissements publics territoriaux (EPT), dans l'objectif de territorialiser la richesse intercommunale. Ainsi, pour l'application de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, ici en cause, les potentiels fiscal et financier de la commune de Tremblay-en-France sont établis en fonction des bases constatées sur le territoire de l'établissement public territorial Paris Terres d'Envol. Ainsi, le potentiel fiscal est calculé en appliquant les taux moyens nationaux d'imposition aux bases fiscales propres à l'intercommunalité. Dès lors il n'est pas justifié que ces dispositions feraient peser sur la commune de Tremblay-en-France une charge excessive au regard de ses facultés contributives. Elles n'ont, par suite, introduit aucune rupture caractérisée d'égalité devant les charges publiques.

10. Si la commune de Tremblay-en-France soutient aussi que le calcul du potentiel fiscal revient à traiter différemment les communes au titre des contributions au FSRIF et conduit à de grandes disparités entre les communes au sein de l'établissement public territorial Paris Terres d'Envol, cette commune, dont le potentiel financier ressort à la somme de 106 509 438 euros en 2017, en augmentation de 13,33 % par rapport à 2016, n'établit pas que la différence de traitement qu'elle allègue, ne serait pas en rapport direct avec l'objet des dispositions litigieuses, ni, par suite, que celles-ci porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi.

11. En second lieu, la commune de Tremblay-en-France soutient que les dispositions du II de l'article L. 2334-4 du CGCT méconnaissent les principes constitutionnels de libre-administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales, garantis par les articles 72 et 72-2 de la Constitution.

12. En l'espèce, la contribution non compensée mise à la charge d'une collectivité territoriale au titre du fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF), dans le but d'accroître les ressources d'autres collectivités territoriales, est définie avec précision quant à son objet et sa portée et n'est pas, compte tenu des mécanismes de territorialisation des ressources et des plafonnements légaux, d'un montant tel qu'elle entraverait la libre administration de ces collectivités. Par suite, les moyens, tirés de la méconnaissance des principes de la libre administration des collectivités territoriales et de leur autonomie financière, doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité, la question soulevée est dépourvue de caractère sérieux au sens et pour l'application des dispositions de l'article 23-2 (3°) de l'ordonnance du 7 novembre 1958, mentionnées au point 2. Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Tremblay-en-France.

Sur la régularité du jugement attaqué :

14. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué qu'il vise les codes et les textes dont il fait application, en particulier le code général des collectivités territoriales. La circonstance qu'il ne vise pas les articles de ces codes et de ces textes, qu'il cite toutefois dans ses motifs, est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

15. En second lieu, la décision du 16 avril 2018 par laquelle le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, a rejeté sa demande d'indemnisation, a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de la commune de Tremblay-en-France qui a donné à l'ensemble de sa demande devant le tribunal administratif le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices propres, dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, l'absence de réponse du tribunal à la demande de la commune tendant à l'annulation de cette décision est sans incidence sur la régularité de son jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

16. Les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté préfectoral du

14 juin 2017 et de violations des principes constitutionnels d'égalité, de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales, et de neutralité budgétaire, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tremblay-en-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Tremblay-en-France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Tremblay-en-France.

Article 2 : La requête de la commune de Tremblay-en-France est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tremblay-en-France et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2021.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20PA00159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00159
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELARL LANDOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-23;20pa00159 ?
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